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Le fanatisme : excès ou manque de foi ?

Publié le 28/09/2010

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  L’Histoire a été marquée  par l’apparition et le développement de nombreux groupes fanatiques, tel les nazis, ce qui a entrainé de nombreuses analyses différentes sur la définition même d’un fanatique. Alors l’on peut se demander si le fanatisme est caractérisé par un excès de foi ou bien plutôt par un manque de foi. Nous verrons dans un premier temps l’analyse rationaliste qui prône l’excès de foi, puis nous analyserons la réfutation de cette thèse rationaliste avec la thèse d’un manque de foi chez le fanatique. Enfin nous terminerons sur l’insuffisance des réponses rationalistes face aux fanatiques.

De nos jours la définition rationaliste du fanatisme, qui vient du latin « fanaticus « signifiant ceux qui travaillent dans le temple, en particulier les prêtres, et que l’on peut trouver dans plusieurs dictionnaires, est une foi exclusive en une doctrine, une religion, une cause, accompagnée d'un zèle absolu pour la défendre, conduisant souvent à l'intolérance et à la violence. Ainsi l’analyse rationaliste montre que le fanatique est caractérisé par un excès de foi et que cette croyance n’est pas fondée sur la raison et/ou l’expérimentation. 

      Le fanatique, de plus, a un jugement et une conscience troublé qui l’entraine à attribuer à l’idée qui le domine, une valeur excessive et un droit souverain et donc à méconnaitre la valeur et le droit qui appartiennent à des idées ou à des choses autres. Donc le fanatique asservi les autres et souvent par la violence comme peuvent le montrer plusieurs exemples dans l’Histoire, dont le plus récurent est l’exemple des nazis qui avaient une foi indémontable en un monde meilleur constitué exclusivement  de la race arienne, ce qui les a conduit à l’extermination de millions de juifs pour leurs idéologies. Comme le disait l’écrivain Octave Pirmez « Le fanatique appelle persécution tout ce qui contrarie son absolutisme «. Le fanatisme c’est le désir d’être approuvé comme l’illustre bien les islamistes radicaux  qui, au nom de leurs religions, sont capable de sacrifier leurs vies ainsi que celle des autres, dans des attentats suicides notamment. 

       Le fanatique, d’autre part,  a une foi forte en ses idées car il pense que celles-ci sont la vérité, il pense posséder la vérité absolue et ainsi son discours pourrait se tenir à cela : « J’ai raison donc tout le monde doit penser comme moi. Je veux que celui qui n’est pas de mon avis sorte de son erreur et s’il ne veut pas admettre la verité, j’use de contrainte ! «. On apprend dans l’œuvre de Roland Jaccard, Portrait du fanatique que  celui ci veut changer l’homme et justifie ses actes violents par le fait que c’est pour le bien de l’humanité. Ainsi il se sent engagé dans une guerre sainte, ce qui le rend membre d’une élite.

L’analyse rationaliste du fanatisme parle donc d’un excès de foi chez les fanatiques, qui utilisent parfois la violence afin de changer l’Homme pour qu’il adhère à ses idées. 

Mais on peut toutefois apporter une réfutation de cette thèse rationaliste car il est plus juste et raisonnable de dire que le fanatique est caractérisé par un manque de foi plutôt qu’un excès. En effet dans la définition rationaliste du fanatisme on parle d’un zèle passionné or ce zèle devient une preuve de la foi du fanatique mais la foi ne peut être prouvé, elle est discrète donc le fanatique n’a pas vraiment de foi. Le fanatisme, de plus, représente une séparation alors que la foi représente un lien. D’ailleurs, en apparence, le fanatique semble certain de ce qu’il croit, de ce qu’il fait car il pense posséder la vérité, mais il utilise la contrainte pour affirmer sa croyance donc cela signifie qu’il a des inquiétudes et des incertitudes donc qu’au final le fanatisme est un manque de foi. C’est alors ces doutes qui peuvent expliquer l’analyse rationaliste parlant d’un excès de foi, comme le dit bien E.E Schmitt  « les fanatiques écrasent leurs doutes en sur-affirmant leur foi «.

      Un exemple littéraire illustre bien l’idée d’un manque de foi, c’est l’œuvre de F. Dostoïevski, Les Frères Karamazov, Livre V, chapitre 5 titré par Le grand inquisiteur. Le récit s'articule autour du dialogue entre Ivan, le narrateur, et son frère Alexeï sur justement le thème que le fanatique n’as pas de foi. Pour appuyer sa thèse Ivan raconte une histoire qui se déroule à Séville, à l'époque de l'Inquisition, et qui met en scène le retour de Jésus durant cette période. Ivan raconte qu’à son arrivée Jésus réalise une série de miracles devant le peuple or le miracle est une contrainte donc c’est une preuve qui fait que la foi n’est plus libre. Puis Jésus se fait arrêter par le Grand inquisiteur qui lui explique qu’il n’est pas le bienvenu car il dérange l’Eglise. Le grand inquisiteur lui reproche alors qu’en donnant la liberté aux Hommes, il a exclu l’humanité de la rédemption et la condamné à souffrir car l’Homme n’est pas assez fort pour assumer les prises de décisions qu’implique cette liberté.  Le Grand inquisiteur explique ainsi que les Hommes  lui ont remis leur liberté pour ne plus souffrir et que donc les actions qu’il mène sont justifiées par le fait que c’est pour le bien de l’humanité même si les Hommes vivent dans l’ignorance puisque le Grand inquisiteur, finalement, s’oppose( de façon réfléchie) à la liberté humaine. Mais le point le plus important est qu’Ivan souligne que l’inquisiteur est athée, qu’après avoir recherché Dieu toute sa vie il a abandonné, frustré donc qu’il a cédé à la tentation du pouvoir. Cet exemple montre que l’inquisiteur, qui est un fanatique, n’a pas de foi, que ce n’est pas quelqu’un qui croit mais quelqu’un qui fait croire.

 

Le fanatisme, enfin, qui peut parfois mener à de violentes actions, ne peut être « guéri « par des réponses rationalistes du fait de leur insuffisance. Il est difficile, tout d’abord, de débattre avec un fanatique puisque celui-ci croit posséder la verité absolue donc il récuse l’idée même de contradiction en refusant tout dialogue et en s’enfermant dans les dogmes.

La science, de plus,  se fonde sur des faits pour établir des théories universelles relatives au « comment fonctionne le monde «, elle révèle alors son incompétence dans le domaine du « pourquoi «, abandonné aux dogmatiques qui se l'approprient. Ainsi la science ne peut pas apporter de réponses rationalistes face au fanatiques car ceux-ci possèdent des croyances or les croyances ne sont pas fondé sur la raison ou l’expérimentation donc elles ne peuvent pas être expliquées par la science qui se fonde sur des certitudes. Comme le soulignait T.Paine « Discuter avec quelqu’un qui a perdu l’usage de la raison, c’est comme essayer de soigner un mort « car le fanatique a des opinions et non des vérités démontrables qui font appel a la raison. 

   Par ailleurs Voltaire, dans Dictionnaire philosophique,  fais une analyse de fanatisme et qualifie ce dernier comme étant une grave maladie, un fléau. Il ajoute que le meilleur remède pour lutter contre le fanatisme c’est l’esprit philosophique car le philosophe est réfléchi, il recherche la sagesse et va donc utiliser un remède préventif, avec une négation restrictive, contre le fanatisme.

 

« Héros qui, pour le triomphe de ses préjugés, est prêt à faire le sacrifice de votre vie «, c’est ainsi que Albert Brie définit un fanatique.  Cette définition humoristique s’accorde bien avec l’analyse rationaliste du fanatisme qui présente le fanatique comme une personne ayant un excès de foi pour une religion, une doctrine ou un parti et qui, croyant posséder la vérité absolue, va vouloir changer l’Homme et ceci souvent par la violence. Mais cette thèse est réfutée avec l’idée que le fanatique est plutôt représenté par un manque de foi car il contraint les autres et prouve sa foi alors que la foi ne se prouve pas. Cette thèse est d’ailleurs bien illustrée dans Les Frères Karamazov  de F. Dostoïevski.

Enfin on observe que le refus de tout dialogue du fanatique et l’absence de vérités démontrables dans les idées du fanatique, qui possède plutôt des opinions, montrent l’insuffisance des réponses rationalistes face aux fanatiques. Même si Voltaire propose une guérison avec l’esprit philosophique, le nombre de fanatiques ne cesse d’augmenter et fait aujourd’hui de nombreuses victimes avec des actes de plus en plus violents. Mais alors est t-il possible un jour, sans tomber dans l’utopisme, de voir disparaitre le fanatisme violent dans le monde ?

 

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