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Le Jeu de l'Amour et du hasard, Marivaux (1730) Acte I, scène 1 « Mais voilà une pensée bien hétéroclite ! »

Publié le 02/10/2010

Extrait du document

amour

 

Introduction 

   Présentation : Le Jeu de l’Amour et du hasard fut représentée pour la première fois le 23 janvier 1730 à l’Hôtel de Bourgogne par les comédiens italiens. Elle connut aussitôt un immense succès. C’est la 16e pièce de Marivaux qui reprend là quelques thèmes, déjà mis en scène, qui lui sont chers : le conflit entre l’amour et l’amour-propre, le déguisement et le masque. Le Jeu de l’Amour et du hasard est une pièce construite sur un stratagème que connaissant 3 protagonistes (les 2 pères et Mario) et les spectateurs. Cette situation de décalage fait des spectateurs les complices et les témoins d’une intrigue mise au point par ceux qui en seront les victimes.

   Situation : L’extrait donné ici ne représente pas ici la totalité de la scène d’exposition du Jeu de l’Amour et du hasard. Il manque en effet les premières répliques qui suggèrent un entretien déjà engagé entre Lisette et Silvia, portant sur le problème du mariage. Ces premières répliques font déjà apparaître chez la maîtresse et la suivante des points de vue différents, qui se trouvent développés par la suite, dans le passage qui nous intéresse. Aux certitudes conformistes de l’une s’oppose l’inquiétude de l’autre et c’est la surprise de la suivante devant les idées pour le moins inattendues de sa maîtresse qui déclenche l’explication des craintes que ressent Silvia.

   Lecture : Lisez l’extrait jusqu’à ce que l’examinateur vous arrête

   Sujet : On voit se mettre en place les premières données de l’intrigue et le rôle de chacun des personnages mis en situation. Deux points de vue s’affrontent, qui sont celui de l’optimisme de Lisette et la réflexion inquiète de Silvia.  Silvia s’enthousiasme pour l’apparence sans reproche du prétendant de sa maîtresse, tandis que Silvia fait valoir les distorsions possibles entre cette apparence souvent trompeuse et une réalité bien différente.

   Problématique : Comment concilier un statut et une apparence qui ne vont pas ensemble ?

  Annonce de plan : La lecture analytique du texte pourra s’attacher à analyser ce qui se révèle à la 1ere lecture : l’importance du rôle de Lisette comme « révélateur « d’un conformisme dont Silvia se méfie. On pourra alors s’interroger sur la fonction des trois portraits brossés par la jeune fille.

 

Développement

     I. Le rôle de Lisette

   Les répliques de Lisette sont, de manière générale, plus brèves que celles de Silivia, mais elles se révèlent plus efficaces. Elles ont pour fonction de conduire Silvia à s’expliquer et à justifier un point de vue inattendu. Elles servent également à ponctuer et relancer le long discours de Silvia sur l’apparence et la réalité.

 

   A. L’expression de la surprise et du conformisme

   La surprise de Lisette vient de l’attitude et des propos inattendus de Silvia. Elle développe alors un point de vue à court terme et conformiste qui fait réagir Silvia.

   La surprise caractérise sa première réplique et se marque par une exclamation (« Quoi ! «) suivie d’une interrogation qui traduit un étonnement : c’est, en effet, une curieuse idée que de récuser le prétendu choisi par son père (l. 1). Le conformisme se révèle dans un jeu de formulations qui souligne l’acceptation des « on dit « (« on dit

 

   que votre futur […] «, l. 5) et la sensibilité à tout ce qui révèle de l’apparence et de l’image du prétendant idéal (« bien fait «, « de bonne mine «, « esprit «, « caractère «, l. 5-10 ; « sociale «, « spirituel «). L’utilisation de formules assez proches de proverbes marque aussi une manière stéréotypée d’apprécier la situation (« l’utile et l’agréable, tout s’y trouve «, l. 19).

 

   B. Des interruptions insolites

   Dans la deuxième partie de la scène, lorsque Silvia développe son argumentation sur la vérité et l’apparence, Lisette intervient trois fois de manière très brève et les deux premières interventions ont un double rôle.

   On peut d’abord penser que Marivaux la fait intervenir pour couper le discours de Silvia et séparer de cette façon les trois portraits. En même temps, chaque interruption résume avec une certaine cocasserie ce qui vient d’être dit, comme si Lisette ne prenait rien au sérieux. La première réplique (« Quel fantasque avec ses deux visages «, l. 60) révèle une incrédulité amusée et moqueuse. La deuxième (« Je gèle au récit que vous me faites «, l. 70), reprend avec humour l’expression métaphorique de l’indifférence. C’est encore une moquerie, mais dans les deux cas, l’intervention va plus loin ; elle établit, de manière lapidaire, un bilan de ce que vient de dire Silvia, en insistant sur ce qu’il y a d’important. C’est là une manière de ménager des transitions sur un ton fantaisiste pour atténuer le pessimisme des propos de Silvia.

   On peut ainsi envisager le propos de Silvia sur plusieurs plans ; en étant de porte-parole du bon sens conformiste, elle révèle chez Silvia un anticonformisme qui aura une grande importance dans la mise au point du stratagème. Elle permet aussi de poser le problème du mariage en des termes nouveaux. Sur ce plan, sa fonction révèle de la fonction de la pièce. Sur le plan psychologique, elle est aussi efficace. Par l’énoncé d’un point de vue réfléchi, elle suscite la réflexion de Silvia et l’exposé de ses craintes. Elle est l’élément fantaisiste d’une scène marquée par l’inquiétude.

 

    II. Les craintes de Silvia

   Toute la première scène est empreinte des inquiétudes de Silvia qui se traduisent plus par des intonations que par de véritables confidences. Cette inquiétude vient essentiellement de l’idée qu’il peut y avoir une différence entre la réalité et l’apparence, ce qui transparaît à travers la récurrence de nombreux termes appartenant à ces deux champs lexicaux.

 

   A. L’expression d’une affection inquiète

   Quelques termes seulement soulignent directement les inquiétudes de Silvia (« cela m’inquiète «, l. 4) ; c’est beaucoup plus dans la tonalité de ses paroles, dans ses dénégations et dans les illustrations choisies qu’elle fait passer ses craintes. Le mariage traduit tout un monde d’inquiétudes et d’appréhensions (« songe à ce que c’est qu’un mari «, l. 85). Le refus d’accorder prioritairement de l’importance à l’apparence physique précise l’origine de ses craintes (« ce sont là des arguments superflus «, l. 32), illustrée par une expérience personnelle qu’elle exprime dans les trois portraits.

   On peut aussi ajouter que l’assimilation qu’elle établit entre la femme de Tersandre et elle-même (« Je la trouvai comme je serai peut-être «, l. 81), formulation dans laquelle l’adverbe « peut-être « compense à peine le poids du futur (« je serai «) trahit une obsession du malheur conjugal.

 

   B. Les raisons d’avoir peur

   Les craintes de Silvia ont une origine unique, l’absence de coïncidence entre l’apparence donnée en public et la réalité d’un caractère caché. Cette idée se révèle dans le texte par un jeu de formulations portant sur : apparence et réalité, extérieur et intérieur,  Ce double thème est abordé tout au long de la scène. Son exploitation culmine dans les trois portraits qui sont l’illustration irréfutable (selon elle) des théories de Silvia.

   L’opposition apparence/réalité est suggérée tout au long de la présentation du « futur « ; alors que Lisette vante son apparence (« bien fait «, « aimable «, « de bonne mine «, « sociable «, « spirituel «, l. 6 et 16), Silvia souligne qu’il s’agit de « on dit « (l. 21) et parle de « portrait «. Elle oppose une réputation extérieure à son avis personnel (« je pourrais bien n’être pas de ce sentiment-là, moi «, l. 22).

   Dans l’argumentation de Silvia, les trois portraits jouent un rôle d’illustration et de preuve. Ils permettent d’expliquer ses craintes par une expérience personnelle relevant de l’observation « de visu «.

 

   III. Etude des trois portraits

   A. L’expression d’une observation personnelle

   La récurrence des pronoms personnels de la première personne souligne à quel point Silvia cherche à faire valoir une expérience personnelle. Elle se pose ainsi non seulement en observatrice mais aussi en actrice : « je l’ai répondu moi-même « (l. 48), dit-elle à propos d’Ergaste. Dans le portrait de Léandre, Silvia n’apparaît pas directement mais on peut penser qu’elle s’inclut dans le pronom personnel indéfini « on «, et qu’elle a eu accès à la vie de famille du personnage.

 

   B. Trois portraits d’hommes mariés

   Il est essentiel de ne pas perdre de vue que le problème qui trouble Silvia est celui du mariage. On comprend ainsi son choix, mis en évidence sur la situation conjugale des trois personnages choisis. Dans le cas d’Ergaste, il est précisé qu’il « s’est marié «, et Silvia fait mention de « sa femme, ses enfants « (l. 54)

 

   Conclusion 

      Résumé : La première scène du Jeu de l’Amour et du hasard est habilement construite ; on y trouve, comme dans toute scène d’exposition, une présentation de certains personnages et de certains éléments de l’intrigue. Tout est en place pour l’organisation d’un stratagème qui permettra à Silvia de venir à bout de ses craintes. Rien n’est vraiment dit, tout est pressenti et la scène se termine sur une interrogation.

      Ouverture : Si le langage est essentiel au théâtre, il l’est d’autant plus dans cette pièce où tout repose sur l’apparence.

 

   ENTRETIEN

   Amener la question du « marivaudage « dans l’entretien.

 

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