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Le loup et l'agneau de jean de la Fontaine

Publié le 28/09/2010

Extrait du document

fontaine

 

Intro :

 

: Généralités autour de la fable

La fable remonte à l’origine des civilisations. C’est le plus vieux genre littéraire, avec l’épopée. Elle se présente comme un court récit imagé qui met en scène des animaux, et illustre une leçon de morale pratique.

La fable est un texte narratif (fabula signifie « récit « en latin faisant intervenir le surnaturel puisqu’on y voit parler des animaux. Mais elle est en même temps une allégorie : ces animaux représentent des hommes. L’apologue, un autre nom de la fable, est un genre littéraire visant l’instruction des hommes par animaux interposés.

Toutes les époques, toutes les grandes civilisations ont pratiqué la fable, et cela  a permis au genre de se transmettre sans encombre jusqu’à La Fontaine. Il n’y a pas eu de grand fabuliste français avant lui, mais il est l’héritier d’une tradition multiple et universelle. Il hérite de trois courants, qui correspondent à trois styles de fables différents :

-La fable ésopique : le grec Esope est le créateur de la fable en tant que genre littéraire (IV siècle av J.C).Il écrit des récits simples, en prose, suivis d’une brève moralité, qui ont un sens surtout politique. C’est l’inspirateur principal de La Fontaine.

-La fable latine  en prose représentée par Phèdre (1er siècle après J.C) qui se distingue d’Esope par son aspect dramatique et satirique, et surtout par l’extrême brièveté que permet la langue latine, particulièrement concise.

- La Fable orientale : longue et pittoresque, elle entraîne La Fontaine à « égayer « ses modèles grecs et latins, CAD, au sens du XVIIe siècle, à les étoffer.

 

Dans la première moitié du XVIIe siècle, en France, la Fable est cantonnée dans le registre scolaire : Esope et Phèdre servent à l’instruction morale, ainsi qu’à l’étude du latin et du grec, parce que leur langue est facile. Les enfants sont imprégnés de sagesse ésopique, d’autant plus qu’on leur apprend ensuite à amplifier ces fables, à les commenter, en latin. La Fontaine, c’est certain, est aussi passé par cet apprentissage. Les hommes du XVIIe siècle étaient ainsi familiarisés avec ce genre qu’ils avaient traduit et pratiqué enfants, et cela leur permit sûrement de mieux sentir le renouvellement que le poète fit connaître à ce genre «pédagogique «.

 

Situation de l’œuvre :

 

Le Loup et l’Agneau est extrait du premier recueil (livres I à Vi) paru en 1668 il contient 124 fables réparties en six livres et illustrées par des gravures de François chauveau. Le recueil est écrit en un style faussement naïf, « gai « et léger, alors que les sujets abordés, moraux et politiques, sont graves. Les fables sont assez courtes, plus longues néanmoins que leurs modèles, les apologues d’Esope et de Phèdre. Ce premier recueil est dédié à Monseigneur le Dauphin, le fils du roi alors âgé de sept ans.

Dans la Préface le fabuliste montre que sa visée n’est pas d’écrire des contes pour enfants, fussent-ils moraux. La longue préface indique qu’il y a un défi littéraire et esthétique. L’intention de La Fontaine est de transformer le genre et de lui donner un autre public, mais comme le paysage littéraire est très contrôlé, il s’agit de persuader les autorités, c’est-à-dire, la censure qu’il a eut raison de le faire, d’où la préface de l’œuvre. La lecture des fables demandent donc un décryptage et une appréciation de qualité de la richesse littéraire.

 

Annonce de la problématique :

A partir de la lecture du Loup et l’Agneau, dixième fable du premier recueil, nous nous demanderons en quoi ce texte nécessite une double lecture, voire plus.

 

Annonce du plan :

Cette fable du premier livre est fameuse, en particulier parce qu’elle déploie une morale particulièrement….immorale.  On y voit un agneau innocent être dévoré par un loup, à l’issue d’un simulacre de procès. Cela peut paraître choquant, puisqu’elle est censée instruire. Nous verrons donc qu’il y a au moins deux types d’argumentation à étudier : une argumentation interne au récit, chacun des deux personnages tentant de convaincre l’autre que la raison est de son côté. Et une argumentation externe, puisque La Fontaine présente le récit comme la démonstration d’une morale. La morale finale se révèle décevante, et nous verrons qu’il y a, entre La Fontaine et son lecteur, un troisième niveau d’argumentation.

 

Développement : les axes de lecture

 

La mise en scène d’un procès :

Cette fable est plus  argumentative que narrative ; les personnages parlent plus qu’ils n’agissent, ils tentent mutuellement de se convaincre.

 

A/ Une ouverture et une clôture narratives rapides :

 

Tout ce qui concerne l’histoire n’est qu’esquissé, mais avec quelle efficacité ! Les personnages sont définis par le seul nom de leur espèce, et ils sont présentés comme n’importe quel loup ou agneau, ce que montre l’article indéfini «  un « (v3 et v5)

Ils sont décrits par leurs actions : l’agneau boit : «  Un Agneau se désaltérait « (l’imparfait indique ici la durée) ; le loup arrive : « Un Loup survient « : le passage au présent rend plus inquiétante cette irruption du loup dans un univers pacifique. C’est le présent de narration, qui parle des choses passées, comme actuelles. A ce stade, l’agneau se définit par sa soif, le loup par sa faim (« à jeun « v 5, « la faim « v 6) ; premier décalage, et conflit en perspective…

Le décor est réduit à deux éléments : une rivière et une forêt. Ils ont été choisis pour leur rôle stratégique. Le moindre détail compte chez La Fontaine. S’il nous dit :

Un agneau se désaltérait

Dans le courant d’une onde pure

C’est parce que le loup accusera ensuite l’agneau de « troubler « la « pureté « de cette eau ; et s’il fait allusion au « courant «, c’est parce que la disposition  particulière des lieux, servira plus tard d’objection à l’agneau tentant de se disculper (v 14).

Ces lieux valent encore plus pour ce qu’ils symbolisent : la transparence de l’eau évoque l’innocence de l’agneau, tandis que la profondeur de la forêt fait référence à la cruauté du loup qui y cache son crime.

La conclusion du récit est rapide, rapportée en trois vers par un narrateur extérieur au récit. Le rythme est donné par le présent des 2 verbes d’action comme par l’absence de ponctuation à la fin du vers 27, ce qui oblige à lire deux vers à la suite et représente la brutalité du rapt (c’est un enjambement) :

La-dessus au fond des forêts

Le loup l ‘emporte, et puis le mange (v 27 28)

 

B/ Un dialogue inégal

 

L’essentiel se déroule dans un dialogue très théâtral entre les deux protagonistes. La façon dont ils s’adressent l’un à l’autre est révélatrice de leur rapports : le loup tutoie d’emblée l’agneau, alors que ce dernier le vouvoie et le traite avec respect, s’adressant à lui à la troisième personne (« Sire «, « Votre Majesté «, « au-dessous d’Elle «, « sa boisson «).

Les réparties de chacun viennent en un feu nourri : v7-9 : accusation du loup ; v 10-17 : réponse et objection de l’agneau ; v18-19, le loup maintient son accusation et énonce un deuxième grief ;  v 20-21 : objection de l’agneau ; v 22 : le loup maintient son accusation ; v 23-26 le loup maintient     son accusation objection  et énonce le verdict.

Les répliques sont de plus en plus courtes (12 vers, puis 7, puis un seul), accusant l’impuissance de l’agneau à changer la conviction du loup. Le premier mouvement est centré sur l’eau troublée (v 7-18) ; le deuxième évoque  la prétendue médisance de l’agneau (v 19-25) ; puis le verdict tombe comme un couperet, en un seul vers, indiscutable :

On me l’a dit : il faut que je me venge.

 

Il s’agit vraiment d’un dialogue de sourd : aucun des deux personnages ne parvient à faire changer l’autre d’avis. Les deux argumentations échouent puisqu’elles restent sans effet. Le loup parvient à faire taire l’agneau parce qu’il le mange, mais il ne l’a pas convaincu pour autant- et pour cause, puisque c’est l’agneau qui a objectivement raison.

Le procès tourne en défaveur de l’agneau dont les interventions sont de plus en plus brèves : de huit vers à deux vers, puis à quatre syllabes. C’est au loup que reste l’initiative du dialogue (il pose les questions et oriente le débat) et surtout, c’est lui qui a le dernier mot, preuve que même s’il n’a pas raison, il a gagné.

 

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