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Le Misanthrope, Acte Premier, Scène Première (I, 1, 118 à 144) - Commentaire

Publié le 18/10/2010

Extrait du document

 

Alceste

 

Non, elle est générale, et je hais tous les hommes,

Les uns parce qu’ils sont méchants et malfaisants,

Et les autres pour être aux méchants complaisants,

Et n’avoir pas pour eux ces haines vigoureuses

Que doit donner le vice aux âmes vertueuses.

De cette complaisance on voit l’injuste excès

Pour le franc scélérat avec qui j’ai procès ;

Au travers de son masque on voit à plein le traître,

Partout il est connu pour tout ce qu’il peut être,

Et ses roulements d’yeux et son ton radouci

N’imposent qu’à des gens qui ne sont point d’ici.

On sait que ce pied plat, digne qu’on le confonde,

Par de sales emplois s’est poussé dans le monde,

Et que par eux son sort, de splendeur revêtu,

Fait gronder le mérite et rougir la vertu.

Quelques titres honteux qu’en tous lieux on lui donne,

Son misérable honneur ne voit pour lui personne :

Nommez-le fourbe, infâme et scélérat maudit,

Tout le monde en convient et nul n’y contredit.

Cependant sa grimace est partout bien venue ;

On l’accueille, on lui rit, partout il s’insinue,

Et, s’il est, par la brigue, un rang à disputer,

Sur le plus honnête homme on le voit l’emporter.

Têtebleu ! ce me sont de mortelles blessures

De voir qu’avec le vice on garde des mesures,

Et parfois il me prend des mouvements soudains

De fuir dans un désert l’approche des humains.

L’École des Femmes, Acte Premier, Scène Première (I, i, 21 à 45) :

 

Arnolphe

 

Fort bien : est-il au monde une autre ville aussi

Où l’on ait des maris si patients qu’ici ?

Est-ce qu’on n’en voit pas de toutes les espèces,

Qui sont accommodés chez eux de toutes pièces ?

L’un amasse du bien, dont sa femme fait part

À ceux qui prennent soin de le faire cornard,

L’autre, un peu plus heureux, mais non pas moins infâme,

Voit faire tous les jours des présents à sa femme,

Et d’aucun soin jaloux n’a l’esprit combattu

Parce qu’elle lui dit que c’est pour sa vertu.

L’un fait beaucoup de bruit, qui ne lui sert de guères ;

L’autre en toute douceur laisse aller les affaires,

Et, voyant arriver chez lui le damoiseau,

Prend fort honnêtement ses gants et son manteau.

L’une de son galant, en adroite femelle,

Fait fausse confidence à son époux fidèle,

Qui dort en sûreté sur un pareil appas,

Et le plaint, ce galant, des soins qu’il ne perd pas ;

L’autre, pour se purger de sa magnificence,

Dit qu’elle gagne au jeu l’argent qu’elle dépense,

Et le mari benêt, sans songer à quel jeu,

Sur les gains qu’elle fait rend des grâces à Dieu.

Enfin ce sont partout des sujets de satire ;

Et, comme spectateur, ne puis-je pas en rire ?

Puis-je pas de nos sots…

Bibliographie

 

Molière. L’École des Femmes. Paris : Larousse, 1999.

 

Molière. Le Misanthrope. Paris : Librairie Larousse, 1971.

 

 

Le Misanthrope et L’École des Femmes, écrit par Molière au 17ième siècle, sont des comédies en cinq actes qui suivent les règles de la dramaturgie classique.  Ces œuvres représentent des satires où Molière tente de se moquer non pas seulement de la haute noblesse, mais aussi des ridicules qui voudraient rejoindre ce rang social.  Par la bouche des personnages principaux dans chaque œuvre, Alceste dans Le Misanthrope et Arnolphe dans l’École des Femmes, Molière se moque des moeurs de la Cour et du comportement attendu de la haute société.  Chaque personnage a un certain mépris pour les membres de cette classe sociale, que ce soit Alceste qui est déjà noble ou Arnolphe qui essaie d’avoir l’air noble.  Alceste déteste le caractère insincère du comportement à la Cour, des politesses mondaines exigées de la noblesse, et de la préciosité médisante qu’on retrouve chez eux.  Arnolphe, même s’il voudrait appartenir à cette haute classe sociale, méprise le caractère faible des hommes nobles qui acceptent l’infidélité de leur femme.  Tous les deux personnages essaient vraiment de ne pas se comporter de cette manière.

      Dans chaque pièce, la première scène sert à établir l’histoire et à situer l’histoire dans son contexte.  La première scène des deux pièces représente un dialogue entre le personnage principal et son confident, Philinte dans Le Misanthrope et Chrysalde dans L’École des Femmes, où le personnage principal révèle sa personnalité, ses opinions, et plus particulièrement, ses mépris de la haute société.  La structure des extraits sert à accentuer jusqu’à quel point Alceste et Arnolphe déteste le comportement de la classe noble.  Ces pièces de Molière sont écrites toute en alexandrins.  Cela crée un important effet de style, précisément dans la mesure où on souligne un élément important du texte.  Dans les extraits, Molière insiste sur des mots et des idées importantes souvent trouvés à la fin de chaque alexandrin.

Les deux extraits suivent une rime plate (aabb) qui accentue les mots à la fin de chaque vers, mais la qualité des rimes est toujours différente.  Dans Le Misanthrope, l’extrait se caractérise par l’usage des rimes suffisantes, comme « vigoureuses « et « vertueuses «, « excès « et « procès «, « revêtu « et « vertu «.  Cependant il y a des rimes riches, « malfaisants « et « complaisants «, « traître « et « être «, et des rimes pauvres « radouci « et « d’ici «, « soudains « et « humains «.  Dans l’extrait de L’École des Femmes, comme dans le Misanthrope, Molière se sert principalement des rimes suffisantes.  Quelques exemples des rimes suffisantes sont « aussi « et « ici «, « espèces « et « pièces «, « part « et « cornard «.  De la même manière, on en trouve des rimes pauvres, « damoiseau « et « manteau «, « jeu « et « Dieu «, et une rime riche, « infâme « et « femme «.  Il n’y a pas vraiment de motif ou de formule là-dedans, mais il est important quand même de remarquer que Molière ne se sert pas toujours de la même qualité de rime dans ses pièces.  Ce qui est aussi important de discerner est que dans les deux extraits les rimes suivent une structure de masculine, féminine, masculine, féminine.  Cette alternance de entre les rimes masculines et féminines s’appelle la versification classique.

Souvent, on trouve des mots importants à la fin de chaque vers, accentués par la ponctuation, la rime, et le choix de vocabulaire.  Par exemple, dans l’extrait de Le Misanthrope, les vers 118 à 144 de la première scène du premier acte, Alceste se sert d’une structure qui renforce ses opinions critiques de la haute noblesse.  Les mots « malfaisants « et « complaisants « se riment, ce qui crée un rapport entre eux et ce qui encourage une comparaison des deux mots.   On pourrait dire que selon Alceste, l’acte d’être complaisant aux autres est une manière de les injurier.  De plus, Alceste se sert d’un vocabulaire extrêmement fort pour décrire jusqu’à quel point il déteste le comportement des nobles.  Par exemple, on voit les mots « hais « pour indiquer son mépris, « l’injuste excès « de la conduite des nobles, « honteux « pour caractériser les titres de noblesse, et les mots « traître «, « fourbe «, « infâme «, et « scélérat maudit « qui signifient ceux qui sont malhonnêtes.  Alceste utilise la ponctuation en faisant une exclamation, « Têtebleu ! «, et il continue pour souligner la gravité du comportement des nobles, en le caractérisant comme une « mortelle blessure «.  Il finit par dire qu’il aimerait « fuir dans un désert « pour éviter ce genre de personne.  Alors la structure, le vocabulaire, la ponctuation, et les rimes de l’extrait réussissent à peindre un bon portrait de son mépris de la préciosité des nobles.

Dans l’extrait de l’École des Femmes, les vers 21 à 45 de la première scène du premier acte, on trouve les mots « infâme « et « femme «, une paire de mots qui rime, ce qui crée un lien assez fort entre eux.   Évidemment, Arnolphe suggère que les femmes apportent l’infâme, qu’elles déshonorent les hommes. On pourrait même remarquer que le mot « femme «, [fam], fait partie intégrale du mot « infâme «, [[pic]fam].  Plus tard, on voit les mots « femelle « et « fidèle «, une rime qui fait une assez forte différenciation entre les deux mots composants.  Bien qu’ils ne se distinguent que par deux phonèmes, [f↓m↔l] / [fid↔λ], selon Arnolphe ces deux mots ne peuvent jamais se réunir, car c’est l’infidélité qui va de pair avec la féminité.  Le choix du vocabulaire ajoute un autre perspectif aux opinions d’Arnolphe, aussi.  En choisissant le mot « femelle «, Arnolphe fait un lien entre les femmes et les animaux, comme si elles ne sont même pas capables de se comporter d’une manière « civilisée « comme des humains.  Arnolphe déteste le cocuage jusqu’à ce qu’il le perçoit comme un acte primitif des animaux.  La versification, les rimes, la ponctuation, et le choix de vocabulaire travaillent ensemble pour rendre l’extrait plus fort.

Dans Le Misanthrope et L’École des Femmes, il y a un discours de la part du personnage principal qui sert à souligner ses opinions, à décrire sa personnalité, et à exposer ses mépris de la haute société.  Alceste se moque des mœurs de la Cour, où les nobles se comportent d’une manière assez malhonnête, pendant qu’Arnolphe déteste les hommes qui sont victimes du cocuage et qui permet aux femmes la trahison.  Les effets du style comme la versification, la ponctuation, le vocabulaire, et les rimes décrivent très

bien les croyances du personnage.

 

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