Le Rôle De L'Amour Dans Les Liaisons Dangereuses

Les Liaisons Dangereuses sont un roman, paru en 1782, écrit par Choderlos de Laclos.

C'est un roman sous forme épistolaire qui rassemble 175 lettres, « recueillies dans une société, et publiées pour l'instruction de quelques autres «, selon le sous-titre, mais qui sont en réalité une œuvre de fiction.

Cet ensemble de lettres nous présente le monde des Libertins au XVIIIe siècle, à la veille de la Révolution Française, dans une société aristocratique qui s'ennuie. Les éléments principaux de l'histoire sont le Vicomte de Valmont et la Marquise de Merteuil, deux roués Libertins. Les autres personnages s'échangeant des lettres seront pour la plupart des personnes qui finiront piégés par les manipulations de Merteuil et Valmont, abusées par leur « paraître «.

Le thème principal du roman est le sentiment, et l'amour est le plus important. On le retrouve entre plusieurs personnages et il a autant le pouvoir de les rendre heureux que de les détruire. C'est un sentiment que l'on retrouve tout au long du roman, et c'est son omniprésence tout au long de l'œuvre qui donne du sens à ce texte. A quoi sert l'amour dans la progression de l'histoire et pourquoi ce thème est-il utilisé par Laclos ? A quoi sert-il et comment est-il utilisé pour et par les personnages du roman ?

Nous verrons d'abord que les sentiments poussent les personnages à faire beaucoup d'actions cruciales tout au long du roman et que l'amour est ce qui rythme ce roman, puis nous verrons aussi la question du choix de l'utilisation de ce thème par Laclos. Ensuite nous verrons que l'amour n'est pas perçu de la même manière entre les libertins et les non-libertins, et nous verrons à quoi il sert pour chacun des camps, et ce qu'il représente.

L'amour, ou plutôt les actes qu'engendre le sentiment amoureux dans les Liaisons Dangereuses font avancer l'histoire. En réalité, tout semble commencer par un sentiment amoureux nié et une absence d'amour : Valmont est obsédé par Tourvel (lettre 4 : « J'y pense le jour, j'en rêve la nuit «) tout en la dénigrant pour « se sauver du ridicule d'en être amoureux « : il en parle donc en la traitant de « Femme facile « (lettre 4). Merteuil quant à elle, veut juste se venger d'une ancienne conquête, le Comte de Gercourt, et confie la tâche à Valmont en lui proposant son corps en échange. 

Plus tard, ce sont les sentiments amoureux entre Cécile et Danceny qui rendront ces deux jeunes amoureux si facilement manipulables, en leur laissant miroiter l'espoir de retrouvailles s'ils font ce que les deux roués conseillent. 

Enfin, à partir du moment où Valmont se trahira lui-même en détruisant mentalement, moralement et physiquement Tourvel, lui aussi ne pourra que succomber, car en quittant son statut de libertin pour rejoindre celui d'amoureux, il s'aperçoit qu'il ne peut plus vivre en ignorant ses sentiments. C'est en succombant ainsi qu'il perd Merteuil, en rendant publique sa correspondance avec elle. 

Indirectement, l'on peut donc dire que les situations engendrées par les sentiments ont mené à la morale finale exigée par la censure de l'époque (le message étant que les libertins sont punis d'avoir agi comme dans le roman, il ne faut donc pas reproduire leurs actes).

L'amour dans les Liaisons Dangereuses, en plus de créer les situations nécessaires à l'histoire, pourrait avoir été utilisé par Laclos dans son roman car il est un thème propre au XVIIIe siècle. Les histoires sous forme de romans sont de plus en plus appréciées, et la soif de récits consacrées à des aventures mêlant des sentiments amoureux fait que le public s'intéresse de plus en plus aux histoires romanesques, qu'elles soient au théâtre ou en roman. Nous pouvons par exemple voir dans le théâtre français qu'au XVIIIe siècle, l'amour est un thème souvent utilisé dans les pièces, même si c'est le plus souvent dans des comédies (Beaumarchais et le Barbier de Séville, Marivaux avec Le Jeu de l'amour et du hasard, ou La Surprise de l'amour). 

Le genre du roman s'inscrit dans une ambiance plus tragique, avec par exemple Julie ou La Nouvelle Héloïse de Rousseau, qui date de la même époque (il en est d'ailleurs fait mention entre la 13ème et la 14ème minute dans l'adaptation de Stephen Frears). On peut donc imaginer que l'utilisation d'un thème propre à l'époque était un moyen de se faire remarquer dans la société de cette époque, en plus de l'utilisation d'un titre et d'un sous-titre évoquant un thème scandaleux (« Les Liaisons Dangereuses – Lettres recueillies dans une société, et publiées pour l'instruction de quelques autres «).

Nous allons maintenant voir quel est le rôle de l'amour au sein même du roman, suivant les types de personnages.

Vivre l'amour, pour les non-libertins, est un des moyens pour être heureux. Mais dans cette société dans laquelle le mariage est rarement l'aboutissement d'une réelle relation amoureuse, être amoureux devient un danger (risque de compromettre son image au regard de la société si une liaison est découverte), et la situation laisse place à un dilemme : vivre son amour même caché, au risque de perdre sa réputation, ou y renoncer pour assurer sa place dans la société ? Donner son cœur à celui qui ne peut être qu'un amant est perçu comme une faute, qui se doit d'être punie (Lettre 49 : « ce sera une pénitence de plus de la faute que j'ai commise en vous donnant mon cœur, que je ne devais donner qu'à Dieu et à mon mari quand j'en aurai un. «). Les amoureux tentent alors de s'empêcher d'aimer, et quand le choix est pris de renoncer à l'amour, ils demandent même l'accord à leur amant pour s'empêcher de céder à la tentation de revenir et commettre de nouveau la faute (toujours lettre 49 : « J'attends même de votre amitié, et de votre honnêteté, que vous ne chercherez pas à me troubler dans la bonne résolution qu'on m'a inspirée, et dans laquelle je me tâche de me maintenir. «). Le sentiment amoureux est, par son caractère sacrificiel, craint, car ceux qui l'éprouvent semblent y perdre plus qu'ils n'y gagnent. C'est ce dont a peur Tourvel et lui fait refuser les sentiments de Valmont, qu'il exprime dans la lettre 52, auxquels elle répond dans la lettre 56 (« Supposé que vous m'aimiez véritablement (et c'est seulement pour ne plus revenir sur cet objet, que je consens à cette supposition) «). En refusant les sentiments de Valmont, elle refuse aussi l'éventuelle existence d'un amour réciproque). Le caractère malheureux d'un amour réciproque est exprimé par ces phrases : « Or vous savez qu'il (le sentiment amoureux) m'est impossible de le partager, et quand même ce malheur m'arriverait, j'en serais plus à plaindre... «. 

Malgré le mariage qui leur est imposé, ils se doivent d'être heureux, notamment en évitant de tomber amoureux de la mauvaise personne (« Je suis heureuse, je dois l'être. «, phrase dans laquelle elle semble tenter de se persuader elle-même de ce qu'elle dit, car l'on ne décide pas d'être heureux). 

Pour les non-libertins, l'amour est donc une source de bonheur, mais aussi un une source de danger car une relation peut ruiner la réputation d'une personne à tout moment si l'amour n'est pas entre deux futurs mariés ou deux mariés.

Pour les libertins, l'amour est le sentiment qui affaiblit le plus les personnes pour ainsi les manipuler facilement. C'est ainsi que Merteuil trompe Belleroche en lui laissant croire qu'elle l'aime, pour seulement profiter du plaisir d'avoir une relation et s'en amuser. Valmont va, sans savoir qu'il en est amoureux, affaiblir Tourvel en la séduisant, et la rendre amoureuse. En agissant ainsi, il traque sa victime tel un chasseur lors d'une chasse à courre (lettre 70 : « faire expirer sa vertu dans une lente agonie «).

L'amour est aussi un jeu pour ces libertins. Ils se lancent des défis : jusqu'où ira celui qui aime. Merteuil lance un défi à Valmont avec récompense à la clé : une nuit avec elle, s'il réussit à séduire Tourvel. L'une des caractéristiques de leur jeu est que la triche est permise (Merteuil repousse la récompense de plus en plus, en poussant Valmont de plus en plus loin dans sa propre trahison), mais que cette triche doit s'arrêter lorsqu'elle atteint un certain seuil. Dès lors, celui qui a perdu doit soit accepter sa défaite, doit déclarer la guerre. Sans vraiment s'en rendre compte, ils jouent leurs propres sentiments : Valmont joue son amour pour Tourvel en le niant, et Merteuil joue ses sentiments pour Valmont, sans en mesurer les risques.

C'est pourquoi l'amour est pour les libertins une limite, car une fois qu'ils éprouvent le sentiment, ils ne peuvent plus jouer avec sans risques (Valmont meurt d'avoir joué avec les sentiments de Tourvel, Merteuil est perdue d'avoir joué avec les sentiments de Valmont).

On peut donc dire que l'amour dans les Liaisons Dangereuses a une place cruciale dans le roman, du au fait que l'enchainement des évènements qui font l'histoire est du à ce sentiment. L'on peut aussi dire que l'utilisation de l'amour dans son roman est un choix stratégique de l'auteur, en choisissant un thème apprécié par les gens de l'époque, pour ainsi faire une place remarquable au roman, ce qui est compréhensible pour une œuvre rédigée par un auteur inconnu auparavant .

Enfin, nous pouvons dire rôle de l'amour pour les personnages du roman, que c'est une source de bonheur mais en même temps de danger pour les non-libertins, et qu'il est une source de plaisir et d'amusement pour les libertins. Malgré cela, les roués ne sont eux-même jamais à l'abri de basculer de l'autre côté de la limite imposée par leurs propres mœurs libertines, et c'est en cela que nous pouvons dire que l'amour n'a pas de limite et peut toucher toute personne à tout moment.