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Le Théâtre Au Moyen-Âge

Publié le 10/10/2010

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INTRODUCTION

L’histoire de notre littérature nationale commence au Xe siècle. Jusqu’alors, dans une douce évolution, la population cherche son unité, la langue son équilibre et l’esprit français sa formule. Au IXe siècle, le peuple français est en quelque sorte uni grâce au puissant empereur Charlemagne. Il s’affirme d’abord de manière chevaleresque et religieuse ; la France se bat loyalement pour défendre la chrétienté contre les infidèles. Pour ce qui est de la langue, le français que l’on connaît aujourd’hui a subi et continue encore de subir des mutations. La langue que l’on parle dans les rues étroites et sinueuses des villages médiévaux n’est pas le latin de Cicéron et de César, mais celui du peuple, le latin vulgaire, qui a été simplifié et qui donne alors la langue romane. Les premiers monuments de celle-ci sont le Glossaire de Reichenau qui date du VIIe siècle et le Serment de Strasbourg prêté en 842. Pour ce qui est des premiers textes littéraires romans, retenons La Cantiléne de sainte Eulalie, Xe siècle, et la Vie de saint Alexis, au XIe siècle. 

Nous pourrions diviser la littérature médiévale en deux périodes : la première allant du Xe au XIIIe siècle, la seconde comprenant le XIVe et le XVe siècle. Après les rudes invasions, la France « prend conscience d’elle-même avec Charlemagne. Puis elle éclot, après avoir secoué les terreurs de l’an mille, à la vie et à l’art. «  Elle devient dès lors une sorte de force tenace agissant au nom de la foi. Son essence ardente et ses passions courageuses sont très bien représentées par l’art roman et l’épopée chevaleresque. Petit à petit elle se cultive et s’affine. Le château devient même un centre de vie littéraire. Les écoles enseignent plus brillamment et l’écriture devient profession. Mais une période nouvelle débute avec le XIVe siècle. La Guerre de Cent ans désorganise et trouble la nation. Les âmes s’emplissent de désespoir et de scepticisme. La mélancolie de Villon cachée derrière un rire amer traduit bien le désenchantement de cette époque décadente. La langue balaye les derniers vestiges d’une langue latine qui se décline et affermi sa syntaxe. La haute inspiration disparaît ; la philosophie « multiplie les formules vides ; le théâtre tombe dans la confusion avec les Mystères « , les écrivains tombent dans la pédanterie. 

Intéressons-nous alors au théâtre médiéval et à son rapport à la littérature. D’abord n’oublions pas qu’à cette époque, la définition même du fait littéraire est assez floue. Ensuite rappelons-nous que le mot « théâtre « peut désigner des textes ainsi que des activités diverses, comme des « offices de Pâques ou de Noël dramatisés «, des « représentations dialoguées et mimées de la Bible ou des miracles «, des « farces et pièces où n’interviennent que des Fols « ou encore, entre autres, des « cavalcades et jeux carnavalesques. «  Ce que l’on qualifie alors de théâtre médiéval semble donc regrouper un grand nombre de représentations et prestations. Celui-ci a été séparé, il y a plus d’un siècle, en « genres «, comme le drame liturgique, le miracle, le mystère, la farce, la sottie, la moralité, le sermon joyeux, le monologue dramatique, etc. Cependant, il reste des inclassables, comme le Jeu d’Adam ou le Jeu de la Feuillée. Une classification générique reste parfois bien difficile, surtout dans une période où « les chevauchements et les marges sont monnaie courante. «  Avec les premiers textes en langue vulgaire, on assiste à une perte de l’homogénéité théâtrale offerte par le drame de l’église. Certaines pièces varient par exemple entre miracle, parabole, farce ou encore revue satirique, et l’on ne peut alors que reconnaître comme seul élément commun la notion de « jeu «. Il faut attendre le XVe siècle pour avoir des genres plus nets. 

Nous allons donc tenter de voir ce que pouvait être le théâtre au Moyen-Âge et de décrypter les scènes qui pouvaient s’y jouer. 

 

I. L’histoire du théâtre en France

 

Celle-ci commence avec deux textes, le Jeu d’Adam, où persistent des didascalies en latin, et le Jeu de saint Nicolas de Jean Bodel, entièrement en langue vulgaire. Nous sommes juste avant les années 1200. Il faut savoir que la naissance du théâtre français passe indéniablement par le latin. Les clercs sont parfaitement bilingues et les conservatoires des sciences et des arts sont les grandes abbayes. Le théâtre est donc celui de l’église, célébrant le culte et occultant la littérature, au sens employé aujourd’hui. Il ne serait alors peut être pas inintelligent de le voir comme une évolution des offices. 

 

A. Un héritage antique

Au Ier siècle après J.-C, la tragédie se confond avec la pantomime au moyen d’acteurs muets et la comédie se réduit à la farce grossière. Les courses du cirque et les jeux de gladiateurs les ont remplacé. La notion de théâtre est associée aux jeux, et ce jusqu’au Xe siècle. Cependant les connaissances sur le théâtre antique n’ont pas réellement disparues. L’encyclopédie d’Isidore de Séville garde en mémoire l’idée des « ludi scenici «, de la comédie et de la tragédie, et évoque les noms d’acteurs et de scène. La tradition de l’écriture dramatique de l’Antiquité ne se perd pas puisqu’elle est maniée dans des écoles et monastères par des copistes, qui perpétuent l’apprentissage du latin par la lecture et l’imitation d’auteurs, comme Térence. 

D’ailleurs, la saxonne Hrotsvitha, admiratrice de ce dernier, décide de faire elle-même des « comédies « pour rivaliser avec son modèle. Elle choisit bien évidemment des sujets chrétiens révélant une récurrente préoccupation  pour le péché de la chair. Ses pièces, comme Gallicanus, Dilcitius ou Sapienta révèlent une réelle originalité dans une époque qui commence à peine à insérer quelques éléments théâtraux dans sa liturgie. Des clercs s’amusent alors à réactualiser des comédies qu’ils ont déjà lues, mais leur production reste marginale et principalement dédiée à la lecture. Ce n’est qu’au sein de messes que les premières manifestations théâtrales se jouent. 

 

B. Le théâtre à l’église

L’archevêque de Winchester, Ethelwold, décrit dans sa Regularis Concordia  le « bon usage « de l’abbaye de Fleury. Il s’agirait d’un témoignage du plus ancien drame liturgique qui nous ait été conservé, évoquant les fêtes pascales, célébration la plus importante du christianisme, plus encore que la Naissance et l’Incarnation. Il fait la description de trois moines interprétant les trois Marie (la Vierge, Madeleine et Salomé) qui traversent le sanctuaire, rencontrent un quatrième moine jouant l’ange annonciateur de la nouvelle Résurrection, et transmettent la révélation au chœur puis brandissent le linceul comme preuve et le déposent sur l’autel. Le document donne aussi des informations de mise en scène :

« Sit autem in una parte altaris, quae vacuum fuerit, quaedam assimilatio Sepulcri, velamenque quoddam in gyro tensum quod, dum Sancta Crux adorata fuerit, deponatur hoc ordine. Veniant diaconi… « 

Tout cela signe l’acte de naissance du théâtre médiéval. Cependant, il n’y a pas de déguisement. Des sculptures du IXe siècle pourraient attester de l’existence de ces rites car elles représentent trois femmes ressemblant fortement à des hommes. 

 

II. Le théâtre édifiant

 

Il s’agit d’un prolongement de la prédication chrétienne. Il est né, comme nous l’avons dit précédemment, des cérémonies du culte et a été fait pour le peuple. Il a un double caractère : religieux de par ses sujets et ses dénouements, populaire de par son style et ses moyens. Nous pouvons constater dans ce théâtre plusieurs genres.

 

A. Le trope

Au Moyen-âge, l’église est en quelque sorte la maison du peuple. Celui assiste aux cérémonies qui s’y déroulent parce qu’il est comme attiré par leurs éléments dramatiques. En effet, la messe et les différents offices, comme ceux de Noël ou de Pâques, contiennent des parties de drame, drame au sens de théâtre bien évidemment. Pourquoi les ecclésiastiques ont inséré des parties animées dans leurs messes ? D’une part du fait de la longueur de celles-ci et d’autre part parce que le peuple ne parle plus ce latin d’église et ne le comprend alors pas. Il faut donc expliquer certains moments de la cérémonie, pour ne pas perdre l’attention du public. Cette explication découle d’un développement d’une partie dramatique. C’est ce que l’on appelle le trope. De ce dernier, naît le drame. Plusieurs drames apparaissent alors.

 

B. Le drame des prophètes

Le trope peut se présenter sous forme de dialogue, et il y a alors une création de personnages. Certains jours, comme le samedi saint, on confie la lecture des prophéties à des clercs, qui sont au même nombre que celui des prophètes et qui représentent chacun d’eux le prophète qu’il fait parler. On leur attribue des signes distinctifs pour qu’ils soient reconnus. 

 

C. Le drame liturgique

C’est à partir de ces prophéties que les clercs décident de développer et d’organiser un drame indépendant. Ainsi, une ébauche de mise en scène de certains épisodes de l’histoire des prophètes, comme le drame de Daniel, ou de la tradition évangélique apparaît. Ce drame est écrit en latin, « composé de centons de la Sainte Écriture et joué par les clercs dans l’intérieur de l’église. «  Ce genre s’illustre par exemple dans le Drame des Vierges sages et des Vierges folles du XIe siècle. Ici, nous pouvons voir déjà s’insérer au latin quelques mots en français. Petit à petit, ce drame devient même divertissant. 

 

D. Le drame semi-liturgique dans le Jeu d’Adam

Le peuple apprécie de plus en plus le drame liturgique qui finit par se détacher de la cérémonie religieuse pour devenir un divertissement, mais toujours pieux bien entendu. Peu à peu le latin est chassé par le français qui prend une place plus importante. Les clercs n’ont plus le monopole des rôles. On s’éloigne du chœur de l’église qui n’est pas adapté aux spectacles pour monter un théâtre primitif sous le porche de l’église, cette dernière devenant alors une coulisse. Une œuvre nous est restée de cette époque, le Jeu d’Adam . Le talent de son écrivain se fait bien ressentir. Le clerc « fait défiler sous nos yeux l’histoire de l’humanité : la tentation et la chute d’Eve, Caïn et Abel (…) et il termine par un sermon édifiant. «  Il est écrit en vers octosyllabiques et en quatrains de décasyllabes monorimes. Il aborde trois sujets, la faute d’Adam et Ève, le crime de Caïn et le défilé des prophètes, sujets concernant les fautes contre Dieu et le prochain qui conduisent à la notion de Rédemption. Ce Jeu s’inscrit dans la tradition du drame liturgique en latin de par les leçons liturgiques que chante le chœur ainsi que les nombreuses didascalies en latin, qui renseignent les décors, les costumes, la diction, la physionomie et les gestes des acteurs mais il se démarque de ce genre par l’emploi novateur du français. Les personnes ne comprenant pas le latin peuvent alors accéder à cette pièce et son contenu. 

« Tunc tristis et vultu demisso recedet ab Adam (…) de hinc ex parte Eve accedet ad paradisum et Evam leto vultu blandiens sic alloquitur :

Eva, ça sui venuz a toi.

EVA

Di moi, Sathan, et tu pur quoi ?

DIABOLUS

Jo vois querant tun pru, tun honor.

EVA

Ço dunge Deu ! « 

Dans ce court extrait, le diable entreprend de séduire Eve après avoir échoué auprès d’Adam. Cette scène, ici raccourcie, est très habilement traitée par l’auteur, qui ose mettre en scène Dieu sous une figure. Les dialogues sont en vers français et les didascalies en prose latine. Le français développant un « réalisme profane « est connoté péjorativement puisqu’il renvoie souvent au diable, alors que le latin, mis en opposition, « véhicule des paroles authentiques et vraies « . Le français est « farciture «   bien développée. Ainsi, nous pouvons voir qu’il y a un jeu sur le langage qui est très important. Nous pourrions alors considéré le Jeu d’Adam comme un « aboutissement du drame liturgique. « 

 

E. Les miracles

Le genre qui semble être le plus en faveur à la fin du XIIIe et au XIVe est celui des miracles. Il s’agit d’une mise en scène d’un prodige que l’on attribue à un saint ou à la Sainte Vierge. Les principaux miracles qui ont réussi à traverser les âges jusqu’à nous sont le Miracle de Théophile et les Miracles de Notre-Dame. Le premier a été composé à la fin du XIIIe par Rutebeuf. Pour ce qui est du second recueil, il regroupe quarante drames « qui mettent tous en scène une intervention miraculeuse de la Sainte Vierge. «  Les miracles sont des pièces qui mettent en scène des situations humaines et où l’intervention du divin se situe au dénouement. Ils sont des poèmes dramatiques avec un sujet bien délimité, une exposition, une action et un dénouement.

 

F. Les Mystères

Il s’agit du drame religieux du XVe siècle. Ce mot vient du latin « ministerium « et signifie action ou fonction. C’est la mise en scène de l’histoire religieuse de l’humanité, depuis la création du monde j’au siècle contemporain, s’appuyant sur les Écritures Saintes, les légendes populaires, la Tradition, etc. Les Mystères n’étaient à l’origine pas joués par des acteurs professionnels. Ils étaient recrutés dans toutes les classes de la société. On dressait un théâtre sur la place publique, et cet événement qu’était la représentation attirait un public nombreux, et ce durant plusieurs semaines. Peu à peu des « sociétés permanentes «  s’établissent pour jouer ces mystères. La plus célèbre, les Confrères de la Passion, a été la première à avoir un théâtre stable et a obtenu le monopole des représentations de mystères à Paris. La mise en scène requiert beaucoup de place mais est très simple. Les lieux sont déjà disposés sur la scène unique, et indiqués par des écriteaux et figurés de manière plutôt simple. Le décor ne change pas ; les acteurs se déplacent en fonction de l’action. Cette fiction est acceptée par le public et suffisante à l’illusion dramatique. Le mystère est un spectacle, une série de vues de l’histoire religieuse, des tableaux vivants, ponctués de dialogues. Il n’y a donc pas de liens entre les scènes. Il n’a pas non plus d’unité de ton, c’est-à-dire que pour égayer le public et éviter une certaine lassitude, des scènes de farce s’entremêlent. Ainsi, la parodie ou la bouffonnerie par exemple trouvent leur place dans le mystère. Il est écrit en vers, principalement l’octosyllabe. La langue et le style sont peu recherchés, voir plats. Il n’empêche que le mystère a remporté en vif succès au XVe siècle.

 

Petit à petit le théâtre médiéval se voit acquérir une nouvelle dimension. Le théâtre religieux se dote de scènes à caractère comique, et dès lors s’estompent les contours nets et strictes pour privilégier une apparence encore plus divertissante et le public se sent attiré. Un nouveau trait dans le théâtre médiéval apparaît : le théâtre amusant.

 

III. Le théâtre amusant

 

Tout comme les mystères, ce genre de théâtre passionne son public. Il prend souvent ses sujets dans la vie quotidienne, se renouvelle avec l’évolution des mœurs, et laisse deviner des allusions. « L’opinion publique était née. (…) Le théâtre jouait ainsi le rôle du journal. «  Une nouvelle dimension apparaît alors. Nous allons essayer de voir trois genres qui répondent à l’idée d’un théâtre qui amuse.

 

A. La Moralité

La moralité est une pièce comique dont le sujet est fictif. Elle veut donner une explication allégorique du monde et suggérer au spectateur des choix moraux. Ainsi, elle charge et ridiculise les vices de l’humanité, en employant l’allégorie. Cette dernière est le plus souvent illustrée par la personnification. Elle relève du théâtre édifiant, autant que profane. Nous pouvons alors trouver des pièces religieuses ou avec une tonalité satirique à visée politique. Certaines sont courtes, en moyenne 1000 vers, dotées de quatre ou cinq personnages et sans vraiment d’action dramatique. Parfois des intentions satiriques très nettes peuvent ressortir de ces moralités. D’autres sont plus longues, avec plusieurs milliers de vers, allant même jusqu’à 30 000 vers et 80 personnages pour L'Homme juste et l'Homme mondain de Simon Bourgouin. De manière générale elle mettent en scène des dizaines de personnages et une histoire édifiante. Leurs thèmes et leurs modes de représentation rappellent ceux des mystères. Les moralités les plus célèbres sont sans doute Bien Avisé et Mal Avisé de Simon Bourgouin et La Condamnation de Banquet de Nicolas de la Chesnaye. La première oppose deux tableaux, compare la vie du chrétien honnête à celle de l’impie. Le spectateur n’a pas de difficulté à entreprendre un choix puisque celui-ci s’impose de lui-même ; le bonheur du chrétien face au désespoir de l’hérétique morfondu. Le but est alors le salut humain. La seconde illustre bien « la diversité des thèmes mis en scène ainsi que le didactisme ubiquiste de la Moralité. «  Il y a aussi une condamnation d’un vice, la gourmandise, mais plutôt sous la forme d’une leçon de 3644 vers, où tout est personnifié. Banquet est sévèrement jugé puis condamné par Diète. Les « batailles carnavalesques « ont tout de même une visée plus sérieuse où le public est instruit.

 

B. La Sotie

À l’origine, la sotie est le nom d’une farce jouée par la joyeuse confrérie d’acteurs que l’on appelle les Sots. Peu à peu, elle désigne une pièce politique, satirique d’actualité. Les Sots s’appuient sur l’idée que la société tout entière est composée de fous. La pièce est jouée par des acteurs déguisés. Le Sot est une sorte de fou portant un costume assez emblématique, composé d’un habit mi-parti jaune et vert, d’un bonnet à oreilles et grelots et d’accessoires parodiques comme une marotte et une sphère. Il parle de manière décousue, non commune et profite du fait de son masque pour dénoncer, juger et tourner en ridicule les comportements et l’actualité de l’époque. Il est un être de langage, dépourvu d’appartenance sociale et d’interdits. Il est loin d’être simple d’esprit et niais ; il est le juge de la société. La Sotie propose donc des figures, une action et des codes et conventions dans la mise en scène, ce qui la différencie de la Moralité. Elle n’est pas didactique. Elle montre la folie universelle. L’auteur de soties le plus célèbre est sans doute Pierre Gringore. Il s’inspire beaucoup de la poésie médiévale. Mais sous la fonction publique conférée par Louis XII, il profite de son statut de « Mère Sote qui lui permettait de tout dire «  pour laisser libre court à sa loquacité. 

 

C. La Farce

Le mot « farce « apparaît pour la première fois à la fin du Xe siècle. Avant la merveilleuse invention de Gutenberg, les informations, les chansons, les nouvelles et les pièces de théâtre se communiquent oralement. Les deux grandes sources de communications sont alors l’Église et les troupes de comédiens. Ceux-ci se déplacent pour jouer des pièces dramatiques ; ils sont des acteurs ambulants. Et ils essaient de jouer n’importe où, sur les places publiques et jusque dans les tavernes. Même si la plupart des farces est issue d’une tradition orale, on en écrit certaines. La première farce française écrite est Le Garçon et l’Aveugle et date du XIIIe siècle. Elle est interprétée par deux jongleurs, et met en scène avec cynisme un voyou qui assène et vole son maître aveugle avec la complicité du public, sans que la victime ne s’aperçoive que son valet est impliqué. Les 265 vers exposent différentes formes du comique, gestuel et verbal. L’intrigue repose sur la ruse. Les personnages n’incarnent aucune valeur morale, et sont empli de vices. Dans le farce, chaque personnage est individualisé ; il porte un nom. Il n’y a pas de stéréotypes ni de représentants d’un groupe. Les personnages sont ceux du peuple et dès qu’un gentilhomme apparaît, il est tourné à l’absurde. Le monde dans lequel ils évoluent est celui de la tromperie. Le décor théâtral est assez simple et permet ainsi une certaine polyvalence. La Farce de Maître Pathelin  est certainement la plus célèbre. Son sujet est bien délimité, les scènes bien liées et les incidents découlent naturellement. L’intrigue est construite sur la ruse de trois personnages emplis de mauvaise foi. L’auteur joue sur les mots « au point qu’on peut parler de fête du langage et de langage de la fête, de folie du langage et de langage de la folie. «  De culture populaire, ce texte semble avoir entrepris une exploration du pouvoir et de l’étendue du langage et du comique. La parole est un jeu. Cette pièce imprègne beaucoup d’auteurs au fil des siècles et inspire d’ailleurs au XVIe siècle François Rabelais qui créé son immortel Panurge. 

 

La farce a vécu bien plus longtemps que les mystères. En effet, à la Renaissance on ne la supprime pas. Cet époque lui emprunte même des effets et des sujets pour les insérer dans son répertoire. Cependant, elle la proscrit des théâtres littéraires « et la relègue sur les tréteaux du Pont-Neuf. «  Il faudra attendre le XVIIe siècle et Molière, qui va la sortir de sa négligence, la dépoussiérer, et lui donner un nouvel éclat classique.

 

CONCLUSION

 

« Faire l’histoire littéraire du théâtre médiéval revient, dès lors, à isoler une partie de la fictionnalisation du réel (…) en lui conférant le statut de genre dramatique « et ce en ignorant de manière préjudiciable les formes nombreuses des pièces de l’époque, plutôt éloignées de notre idée du théâtre aujourd’hui. 

Depuis le Moyen-Âge, nous pouvons parler d’évolution théâtrale. Le théâtre que nous connaissons aujourd’hui, fort des marques du classicisme sur lequel il s’est d’abord appuyé pour mieux s’en éloigner par la suite, est bien différent de celui dont nous avons parlé tout au long de notre démonstration. D’abord il n’est plus religieux, ou pas majoritairement, ensuite, il est fortement incité par l’écrit. Certes il nous est offert des représentations théâtrales, que l’on voit et écoute, mais celles-ci sont écrites et travaillées d’abord sur papier. Au fil du temps, le théâtre a bien heureusement évolué pour peut-être même dériver sur le cinéma et la télévision. N’oublions la fonction primitive de celui-ci qui était d’informer et de renseigner sur l’actualité. La télévision serait en quelque sorte le théâtre de la vie, théâtre politique, économique et social. 

Nous avons donc pu voir la naissance de la représentation théâtrale dans nos églises, l’évolution dramatique d’abord liturgique puis peu à peu comique, voir même satirique, et la pérennité des genres, ou plutôt leur mutation plus ou moins digressive. Puisque nous sommes dans une logique évolutive, nous pouvons nous demander comment sera le théâtre dans plusieurs décennies. Cette question nous pouvons d’ailleurs l’étendre à la littérature toute entière. Quels mouvements littéraires et artistiques allons nous encore inventer ? Après le « boom « de la télé réalité, qu’allons-nous encore théâtraliser après la vie elle-même, notre vie ? 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

CALVET J., Manuel Illustré d’Histoire de la Littérature Française, J. de Gigord Éditeur, Paris, 1923, 748 pages.

COHEN Gustave, Études d’Histoire du Théâtre en France au Moyen-Âge et à la Renaissance, NRF Gallimard, Paris, 1956, 452 pages.

DUFOURNET Jean et LACHET Claude, La Littérature française du Moyen Âge, « II. Théâtre et Poésie «, GF Flammarion, Paris, 2003, 620 pages.

STRUBEL Armand, Le Théâtre au Moyen-Âge, Naissance d’une littérature dramatique, coll. « Amphi Lettres «, Bréal, Paris, 2003, 223 pages.

 

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