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lecture analytique de Dom Juan

Publié le 08/04/2015

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I UNE STRATÉGIE ÉNONCIATIVE EFFICACE : une double prière Alors même que Voltaire est déiste, il adresse une prière à Dieu, ce qui peut paraître paradoxale. Si elle conserve l’allure d’une prière adressée à Dieu, n’est-elle pas en réalité adressée aux hommes ? 1°) Une prière adressée à Dieu : a) Solennité de l'invocation Titre "Prière à Dieu" Rythme ternaire (4/4/4) et ampleur de la première phrase. b) Prière de louange Voltaire célèbre la puissance du Créateur ("décrets", l. 4), son caractère "éternel", universel, sa "bonté" (l. 3), lui qui a "tout donné" (même son fils), "bénir ... ta bonté" (l. 24), sa grandeur incommensurable par opposition à la petitesse des hommes. c) Une exhortation Impératifs : requête ("fais que ... que ... , 7 fois), anaphores au subjonctif. 2° Une prière adressée aux hommes : a) Ni le titre, ni la prétérition de la ligne 1 ne suffisent pas à cacher le véritable destinataire de la prière : c'est bel et bien aux hommes que Voltaire s'adresse, même s'ils paraissent incapables de le comprendre : - Le tutoiement traduit l’intimité de la prière. Pourquoi dès lors la faire entendre à ts les hommes ? - Pourquoi prier, invoquer, exhorter Dieu alors que ses « décrets sont immuables » ? - Présence très ténue de Dieu des lignes 7 à 23 essentiellement consacrées aux hommes + jeu sur les pronoms et déterminants possessifs : passage de la 2ème personne (« toi « , « tu « , « te ») désignant Dieu à la 1ère personne du pluriel : « nos », « nous » qui désignent les hommes et 2 Voltaire en tant qu’homme puis recours à la 3ème personne à travers « ceux qui » puis à nouveau les hommes dt Voltaire cette fois s’exclut puisque il doit rappeler aux hommes des valeurs humaines bafouées : « Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères » (dernier §) La présence de Dieu disparaît donc peu à peu pour laisser place aux hommes. +place très importante accordée aux actions des hommes / aux adresses à Dieu (« s’il est permis de te demander quelque chose » , « daigne », « fais ») - jeu d’échos entre les termes de la prière à Dieu et les termes de l’invocation finale : « égorger » / « déchirons » ; « haïr » / haïssons » (« tu ne nous a point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger » // »ne nous déchirons pas, ne nous haïssons pas ») ; « jargon »// « langages divers ». b) Une image de Dieu un peu malmenée qui laisse entendre que c’est bien aux hommes que l’auteur s’adresse : - Certes, les hommes sont tenus pour responsables de leurs « erreurs », ils n’ont pas su profiter de leur présence au monde, font un mauvais usage du cadeau de la vie que Dieu leur a fait (« tu ne nous a point donné un cœur pour nous haïr et des mains pour nous égorger ») mais cependant, le lecteur peut être sensible à l’ironie discrète de Voltaire qui présente une Création peu enviable : « Toi qui as tout donné » (l. 4-5), « ta bonté qui nous a donné cet instant » mais cet « instant » est un « fardeau » et la vie est « pénible et passagère »(l. 7) + - ses créatures de Dieu qui sont ... « débiles », leurs erreurs sont « attachées à » leur « nature », sa création s’apparente à un « tas de boue ». La prière à Dieu n'est donc qu'une stratégie habile pour capter l’attention des hommes en recourant à un ton solennel, qui touche au sacré. Stratégie => sensibiliser et ramener à la raison. D’où le recours également à un tableau très cru et pessimiste de la nature humaine qui n’est pas dénué d’humour et d’ironie. II UN TABLEAU PESSIMISTE Voltaire donne à voir dans cette « prière » une représentation de l'homme très pessimiste dans le but de réveiller les consciences. 1°) Misère de la condition humaine. a) Disproportion entre la grandeur divine et la faiblesse des « créatures » « perdue dans l'immensité » (l. 3) + « disproportionnés » (l.10) , ravalement des hommes à l’échelle microscopique : « les atomes appelés hommes » Voltaire reprend ici le thème des deux infinis (cf. les Pensées de Blaise Pascal : l’infiniment grand et l’infiniment petit) + cf série d’oppositions : Dieu/hommes, éternité divine / finitude humaine, perfection/imperfection. Insistance sur la finitude humaine : condition partagée par ts les hommes qui devrait les inciter à la fraternité et à la tolérance. b) Voltaire passe ensuite en revue toutes nos infirmités, nos « calamités » : Physiques : « débiles corps » (force de l'adjectif antéposé) Intellectuelles : « langages insuffisants », « opinions insensées » (imperfection de la raison et de la logique) Sociales : « usages ridicules » Morales : « lois imparfaites » Cf la connotation péjorative de tous ces adjectifs, la gradation, l'accumulation ; la préposition « entre » est reprise six fois ; la relance de la phrase par le même adjectif « petit » : « les petites différences » (l. 8), « toutes ces petites nuances »(l. 11) = aspect dérisoire. + « fléaux de la 3 guerre (…) inévitables » (l23) : vision pessimiste. c) Voltaire rappelle ainsi les conséquences du péché originel. Cf Double reprise du mot « erreurs » (l.5) 2°) Vanité de l’être humain a) victime de son orgueil, de ses passions - Homme est plein de "vanités" (l. 20), d’ « orgueil » or, « vie (...) passagère » (l. 7), l'homme ne vit qu'un « instant » (l. 25) : Cf « Vanitas vanitatum et omnia vanitas » de l'Ecclésiaste = « Vanité des vanités, et tout est vanité ») qui rappelle le caractère éphémère de la vie terrestre. b) victime de diverses oppressions : - oppression morale et religieuse : « tyrannie exercée sur les âmes » (l. 22) - oppression économique et politique : Le fanatisme religieux est assimilé au « brigandage » : le terme de comparaison « comme » (l. 22) met sur le même plan de l' « horreur » et de l' « exécration », la « tyrannie » et le « brigandage ». 3°) Mais c'est surtout l'intolérance religieuse catholique qui est visée dans ce texte. a) Voltaire évoque le latin d'Eglise que la masse des fidèles ne comprend pas : « jargon formé d’une ancienne langue » (l. 16) ; le même mot « jargon » est d'ailleurs employé pour le français des protestants : « jargon plus nouveau » (l16). Toute langue est imparfaite pour s'adresser à Dieu + « jargon » connotation péjorative. - « habit rouge et violet » (l. 17) vise directement les évêques et les cardinaux. La religion d'Etat est encore plus critiquée que la religion Réformée car plus puissante + Satire des hauts dignitaires de la hiérarchie catholique , de leur cupidité : st intéressés par des biens temporels, possèdent des terres et de l’or alors qu’ils devraient être détachés des biens terrestres et consacrer leur vie à prier. Cf humour et ridicule des périphrases : « petites parcelles d'un petit tas de la boue » (l. 17) pour désigner leurs propriétés ; des « fragments arrondis d'un certain métal » (l. 18) expression bien modeste pour les pièces d'or... De même les religieux, qu’ils soient catholiques ou protestants, st désignés par une métonymie et sont ainsi assimilés à leurs vêtements, soit à leur apparence : ce st dc des êtres superficiels + cf « teints » (l.17) <=> apparence. III UN MANIFESTE DÉÏSTE Cette « prière », qui souligne la faiblesse de l'homme, est surtout un manifeste déiste de la tolérance. 1°) Voltaire critique d'abord les rites religieux. a) Les sectes, ou ce qu'il considère comme tel, sont symbolisées par quelques détails du culte : ces « petites différences »(l.7) , ces « petites nuances » (l. 10) qui deviennent autant de « signaux de haine et de persécution ». b) C'est un des procédés de la polémique : Voltaire ne considère pas la foi mais les seuls détails extérieurs de la pratique : les « cierges » (l. 11), les « robes » (l. 13) + rites dont il souligne l’absurdité : « « ceux qui allument des cierges en plein midi ». 2°) Voltaire propose la foi en un Dieu reçu par tous les hommes. a) Cette « prière » s'adresse à un Dieu indéterminé qui n'est celui d'aucune religion (l. 1-2), c'est le dieu des philosophes déistes, qui admet l’existence d’un dieu, sans accepter de religion révélée, ni de dogme. (Idée de l’existence d’un grand ordonnateur de l’univers qui serait bon.) : « Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps » : anaphore du pronom "tous" (l. 1-2) + universalité renforcée par « depuis Siam jusqu'à la Californie » (l. 25-26) + « mille langages divers » (l. 25) 4 3°) L'auteur lance enfin un appel pressant et solennel à la tolérance religieuse et, par delà, à la tolérance universelle. a) Les hommes sont « frères » (l. 21) Opposition « cœur » / « haïr » (l. 6) b) Sa demande n'est pas exigeante : - « supporter » seulement (l. 12) ; litote « ne détestent pas » (l. 13) - Réciprocité : « mutuellement»(l. 6) ; leur égalité dans la misère (celle de la condition humaine) doit inciter les hommes à l'entraide et à la tolérance réciproque. + « car tu sais » : argument d’autorité pr souligner la tolérance nécessaire au sein de la société : « car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni envier ni de quoi s’enorgueillir » = tolérance/ biens matériels d’autrui., cf //t « le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ». c) Il demande l'égalité religieuse : « toutes nos conditions ... si égales devant toi » (l. 10-11) + que les rites soient « égaux » (l. 14) aux yeux de Dieu, et que l'on « bénisse également » sa « bonté » (l. 24). La prière ne sera plus alors qu' « adoration » et action de grâce. Donc, liberté des consciences et rejet de toute forme de « haine » et de « persécution ».
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« que l'auteur s'adresse : - Certes, les hommes sont tenus pour responsables de leurs « erreurs », ils n'ont pas su profiter de leur présence au monde, font un mauvais usage du cadeau de la vie que Dieu leur a fait (« tu ne nous a point donné un coeur pour nous haïr et des mains pour nous égorger ») mais cependant, le lecteur peut être sensible à l'ironie discrète de Voltaire qui présente une Création peu enviable : « Toi qui as tout donné » (l. 4-5), « ta bonté qui nous a donné cet instant » mais cet « instant » est un « fardeau » et la vie est « pénible et passagère »(l.

7) + - ses créatures de Dieu qui sont ...

« débiles », leurs erreurs sont « attachées à » leur « nature », sa création s'apparente à un « tas de boue ».

La prière à Dieu n'est donc qu'une stratégie habile pour capter l'attention des hommes en recourant à un ton solennel, qui touche au sacré.

Stratégie => sensibiliser et ramener à la raison.

D'où le recours également à un tableau très cru et pessimiste de la nature humaine qui n'est pas dénué d'humour et d'ironie.

II UN TABLEAU PESSIMISTE Voltaire donne à voir dans cette « prière » une représentation de l'homme très pessimiste dans le but de réveiller les consciences.

1°) Misère de la condition humaine.

a) Disproportion entre la grandeur divine et la faiblesse des « créatures » « perdue dans l'immensité » (l.

3) + « disproportionnés » (l.10) , ravalement des hommes à l'échelle microscopique : « les atomes appelés hommes » Voltaire reprend ici le thème des deux infinis (cf.

les Pensées de Blaise Pascal : l'infiniment grand et l'infiniment petit) + cf série d'oppositions : Dieu/hommes, éternité divine / finitude humaine, perfection/imperfection.

Insistance sur la finitude humaine : condition partagée par ts les hommes qui devrait les inciter à la fraternité et à la tolérance.

b) Voltaire passe ensuite en revue toutes nos infirmités, nos « calamités » : Physiques : « débiles corps » (force de l'adjectif antéposé) Intellectuelles : « langages insuffisants », « opinions insensées » (imperfection de la raison et de la logique) Sociales : « usages ridicules » Morales : « lois imparfaites » Cf la connotation péjorative de tous ces adjectifs, la gradation, l'accumulation ; la préposition « entre » est reprise six fois ; la relance de la phrase par le même adjectif « petit » : « les petites différences » (l. 8), « toutes ces petites nuances »(l.

11) = aspect dérisoire.

+ « fléaux de la 3 guerre (...) inévitables » (l23) : vision pessimiste.

c) Voltaire rappelle ainsi les conséquences du péché originel.

Cf Double reprise du mot « erreurs » (l.5) 2°) Vanité de l'être humain a) victime de son orgueil, de ses passions - Homme est plein de "vanités" (l.

20), d' « orgueil » or, « vie (...) passagère » (l.

7), l'homme ne vit qu'un « instant » (l.

25) : Cf « Vanitas vanitatum et omnia vanitas » de l'Ecclésiaste = « Vanité des vanités, et tout est vanité ») qui rappelle le. »

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