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Lecture Analytique L'ile des esclaves

Publié le 21/03/2015

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MAAZIZ Acyl 1S2 LECTURE ANALYTIQUE L'île des esclaves, scène 2 Introduction : Le théâtre de Marivaux reprend la devise de la comédie « castigat ridendo mores » cad « corriger les moeurs par le rire »). C'est ainsi que Marivaux écrit en 1725 L'ile des esclaves, une comédie à visée critique. Dans cet extrait, le gouverneur se comporte en homme de loi, épris de raison et de justice sociale, et expose les lois auxquelles les habitants de lîle doivent se soumettre. On se demande comment Marivaux fait-il de Trivelin son porte-parole contre l'esclavage ? Nous répondrons à cette question en étudiant l'exposition de l'île. Puis nous nous intéresserons à Trivelin, homme de raison représentant la loi. Enfin nous étudierons le projet thérapeutique du gouverneur, qui critique l'esclavage. I_ Exposition de l'île : La tirade du gouverneur a pour vocation de mettre en scène l'utopie, avec un régime politique idéal, une société sans injustice avec des individus libres : « rendre la liberté » (l.5) et vivant en harmonie. « humains, raisonnables et généreux » (l.21) L'utopie s'est construite dans le temps et par opposition à la Grèce : en effet, le cadre spatio-temporel auquel le gouverneur fait référence renvoie à une époque qui se caractérisait par une volonté de punir sévèrement les maîtres : _ La référence spatiale : la « Grèce » est le symbole de l'oppression des esclaves par les maîtres. Le champ lexical de la cruauté passée est rappelé : « cruauté » (l.1), « outrages » (l.2). Trivelin dirige désormais une île qui constitue un lieu de refuge et une protection idéale contre toute intervention du monde extérieur. C'est un lieu clos difficile à atteindre : « que le hasard ou le naufrage conduirait à notre ile » (l.4) _La référence temporelle « vingt ans après » (l.6) rappelle qu'au départ, il a fallu punir les maîtres par la mise à mort (acte compréhensible, mais déraisonnable) : « la première loi qu'ils y firent fut d'ôter la vie à tous les maîtres » (l.3). Mais dorénavant, au XVIIIe siècle, comme la raison constitue une valeur essentielle, il est établi de les « corriger » (l.7). Il ne s'agit plus de répondre à une cruauté par une autre mais de réapprendre à vivre ensemble. TRANSITION : Cette utopie est présentée par Trivelin, homme de raison représentant de la loi. II_ Trivelin, homme de raison et représentant de la loi Trivelin ne parle pas à titre personnel, mais au nom de l'institution qu'il représente. C'est la raison pour laquelle le pronom personnel « nous » (l.7) est préféré à la première personne du singulier. Le gouverneur de l'île parle au nom de sa République et de tous ses citoyens : il oublie qu'il fut jadis esclave pour exposer, sans la moindre forme de ressentiment personnel, les lois qui régissent la vie sociale de sa République. Il incarne une réelle autorité: comme le montre l'emploi réitéré de phrases injonctives « mettez à profit » (l.17), « remerciez le sort » (l.17) ou l'affirmation catégorique « Ce sont là nos lois » (l. 16). Le « nous » est, en général, sujet de verbes d'action « nous vous corrigeons », « nous vous jetons », « nous prenons ». Le « vous » reste sujet mais de verbes d'état : « devenir », êtes ». Ce jeu sur les pronoms personnels permet d'instaurer une domination provisoire mais non-négociable sur les naufragés qui n'ont pas d'autre échappatoire que de se plier à ce « cours d'humanité » (l.12) En faisant respecter les lois en vigueur dans l'Île des esclaves, Trivelin fait également honneur à la mémoire de ses ancêtres. Il fait référence à la génération des « pères » (l.1) qui furent d'anciens esclaves « irrités de la cruauté de leurs maîtres » (l.1). Ce rappel historique est l'occasion d'opposer deux systèmes. A l'esprit de vengeance, jadis pratiquée dans l'île « nous ne nous vengeons plus de vous » (l.7), s'oppose une loi fondée sur la raison : les insulaires dépassent le stade de la rancoeur personnelle, ils les corrigent dans l'espoir de les rendre meilleurs « nous vous corrigeons » (l.7). Ils manifestent donc leur foi en la raison humaine. L'ancienne loi était donc répressive alors que la nouvelle est « douce » (l.6), plus humaine : elle prévoit même une mesure de secours si la conversion échoue : le mariage avec une citoyenne. TRANSITION : Trivelin présente la conversion des maîtres comme une thérapie. III)Un projet thérapeutique : A) Un discours didactique pour soigner le mal par le mal Trivelin se livre à un véritable exposé didactique comme en témoigne le mot « cours » (l.12) qui renvoie à l'idée d'un enseignement. Ce « cours d'humanité » imposé aux maîtres s'apparente à une cure médicale comme le suggère le vocabulaire appartenant au champ lexical de la médecine : « guérir » (l.19), « malades »(l.20), « en mauvaise état » (l.19), « rendre sains » (l.21). L'objectif est de faire en sorte que les maîtres recouvrent leur humanité : d'où l'utilisation de mots appartenant au champ lexical des sentiments : « sensibles » (l.10), « meilleurs » (l.14), « bonté » (.15). On remarque l'opposition de deux groupes ternaires: les maîtres, qui étaient jadis « durs, injustes et superbes » (l.18) deviendront, s'ils veulent s'en donner la peine, « humains, raisonnables et généreux » (l.21). En opposant terme à terme ces qualités et ces défauts, Trivelin permet à ses interlocuteurs de mesurer les bienfaits de la thérapie qui leur est proposée. Ce changement opéré chez les maîtres doit être total et irrémédiable comme l'exprime le complément circonstanciel de temps « pour toute votre vie » (l.22). B_ Trivelin : porte-parole du dramaturge On peut rapprocher le rôle de Trivelin à celui de Marivaux : en effet, Trivelin veut guérir les anciens maîtres de leurs défauts en leur faisant prendre conscience du mal qu'ils font. On se rapproche de la conception du théâtre au XVIIIe siècle qui vise à rendre meilleur le spectateur et à lui faire prendre conscience de ce qu'il est. Marivaux s'exprime donc à travers Trivelin pour proposer une critique de l'esclavage. Selon lui, les hommes pratiquant l'esclavage font preuve de « barbarie » (l.8), qu'il faut « détruire » (l.9) Conclusion : L'homme de loi qu'est Trivelin incarne une autorité juste et humaine. Il propose un monde équitable et généreux, où les maîtres déchus pourront accéder à la pleine dimension de leur humanité. Cette île qu'il gouverne est donc une utopie, qui permet à Marivaux de critiquer l'esclavage. On peut faire un parallèle avec La République de Platon qui y décrit l'Athènes ancienne, cité idéale, construite par et pour les hommes. Platon présente dans cette oeuvre un projet de législation pour un Etat idéal où l'enjeu est de créer une société harmonieuse.

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