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L'effet de serre

Publié le 27/02/2008

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29 octobre 1990 -   La deuxième Conférence mondiale sur le climat est très différente de la première, qui s'était tenue à Genève du 12 au 16 février 1979. Non par le nombre de scientifiques ( 500 cette année, 400 en 1979) ni par celui des pays représentés ( une centaine à chaque fois), mais par les sujets abordés et par la participation ministérielle. En 1979, l'essentiel des exposés était consacré à l'atmosphère. Quelques-uns, certes, s'intéressaient à l'océan et un seul aux facteurs humains. En 1990, les études de l'atmosphère sont importantes il est vrai, mais, dès la séance d'ouverture, l'accent a été mis sur la grande inconnue que constitue l'océan et sur les impacts agricoles, industriels, économiques, sociaux, donc humains, que risque d'avoir le changement des climats de la planète pouvant se produire dans les trente, cinquante ou cent prochaines années.

   Chez les spécialistes, l'unanimité est parfaite. D'une part, la teneur de l'atmosphère en gaz favorisant l'effet de serre (1)( gaz carbonique, méthane, oxyde nitreux, chlorofluorocarbones, pour ne citer que les principaux) ne cesse d'augmenter avec les activités humaines, industrielles ou agricoles.

   D'autre part, l'analyse d'une carotte de glace prélevée dans l'Antarctique a montré qu'au cours des derniers quatorze mille ans, les périodes glaciaires ont parfaitement coïncidé avec une diminution des teneurs en gaz carbonique et méthane, alors que les réchauffements ont suivi exactement l'augmentation de ces teneurs. Sans que l'on puisse d'ailleurs dire si les refroidissements ou les réchauffements ont été les causes ou les conséquences de ces diminutions ou augmentations.

   Il faut donc s'attendre, à moyenne échéance, à un réchauffement général significatif et rapide de notre planète. Mais l'unanimité existe aussi sur les incertitudes qui règnent encore sur les processus et conséquences de ce prochain réchauffement, dont on n'a pas encore identifié une signature tangible. L'océan, dont les temps de réaction sont de l'ordre de plusieurs siècles, est encore très mal compris, alors qu'il joue sûrement un rôle essentiel dans le comportement de l'atmosphère (2)et dans le cycle du carbone (3).

   De même, ne peuvent être prédits avec exactitude pour le siècle à venir ni le réchauffement global ( de 1 oC à 5 oC, selon les estimations), ni encore moins les réchauffements régionaux, probablement plus marqués dans les hautes latitudes, ni les changements régionaux des climats, ni les conséquences de tous ces changements sur les températures et les précipitations, donc sur la végétation naturelle et sur l'agriculture, ni l'élévation du niveau des mers ( d'un à plusieurs décimètres) due, en tout premier lieu, à la dilatation thermique (4).

   Les scientifiques sérieux peuvent avoir quelque doute sur la rapidité et sur l'ampleur du changement des climats, mais pas sur leur inéluctabilité. En conséquence, tous les participants à la conférence de Genève sont d'accord sur une nécessité absolue : on n'a pas le temps d'attendre les certitudes. Dès à présent, il faut que les pouvoirs politiques décident de réduire les émissions des gaz à effet de serre. Sans des mesures prises obligatoirement à l'échelle mondiale-d'où l'idée d'une convention générale, réglementant de nombreuses activités, qui est déjà en discussion et qui, espère-t-on, pourrait être conclue en 1992 au Brésil,-l'humanité court à la catastrophe.

YVONNE REBEYROL Le Monde du 31 octobre 1990

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