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L'Ennui De Moravia

Publié le 02/10/2010

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L'Ennui est un roman qui a été écrit en 1961 par l'italien Alberto Moravia.  Dans cette œuvre, l'auteur évoque  la frustration de l'homme moderne au sein d'une société matérialiste régie par l'argent. Ce roman nous plonge au cœur de la vie du narrateur, Dino, peintre raté de trente-cinq ans, issu d'une riche famille bourgeoise italienne qui semble perpétuellement en proie à l'ennui et ce, depuis son enfance. Quittant la luxueuse villa familiale pour un modeste atelier de peintre afin de vivre pleinement sa passion, il s'aperçoit bien vite que cet ennui continue sans cesse de l'affliger ; jusqu'à l'arrivée de Cécilia, jeune modèle de dix-sept ans avec qui il entretient une étrange relation passionnelle et charnelle. Cette fascination inexplicable l'entraîne alors dans un amour qui le met face à son propre problème : la difficulté à appréhender correctement la réalité, d'où la naissance de ce sentiment profond d'ennui qui nait en lui. On pourrait alors essayer de comparer la vision de la condition humaine selon Pascal et selon Moravia. Comment se place l'œuvre, L'Ennui par rapport à l'héritage des Pensées de Pascal.  Nous verrons en quoi ces deux visions de l'homme diffèrent,  sans pour autant s'opposer complètement. 

 

Chez Pascal, l'ennui nait de la condition misérable de l'homme. Pour l'auteur des Pensées, la vie de l'homme ne se résume qu'en quelques mots: dépendance, abandon et néant. L'ennui menace constamment l'être humain qui  pour oublier le malheur de sa condition se dirige inexorablement vers le divertissement, une vanité qui ne saurait que masquer le gouffre angoissant de son existence et ne ferait que le détourner des questions existentielles. La vanité chez Pascal est donc de croire que la possession des choses que l'homme recherche pourra le rendre heureux. Chez Moravia, l'ennui vient de la difficulté à comprendre et à appréhender la réalité. Dans L'Ennui, le rapport de l'homme à la réalité est symbolisée par l'histoire d'amour entre Dino et Cécilia. La réalité échappe au narrateur, tout comme Cécilia lui échappe, il ne peut la posséder, ni par l'acte charnel, ni par l'argent, ni par son statut social.  L'ennui, chez l'auteur se révèle donc être le fait que l'on ne peut posséder quelqu'un comme on possède un objet.  L'ennui de l'homme est une caractéristique de la condition humaine  chez les deux auteurs, cependant cet ennui ne nait pas de la même façon chez l'un comme chez l'autre; chez Pascal c'est notre condition naturelle misérable, tandis que pour Moravia c'est la difficulté à s'ancrer dans la réalité, l'homme devient alors simple spectateur de sa propre vie.  Le héros de l'ennui, se détache complètement de tout: du confort matériel, en renonçant à vivre dans la luxueuse maison de sa mère, de l'argent, de l'art et même de l'amour. Cette vision de l'homme détaché de la réalité qui l'entoure s'oppose en quelques sortes  à celle de Pascal, qui pense que l'homme ne se raccroche qu'aux vanités matérielles de ce monde. La solution présentée par les auteurs pour combattre l'ennui sont elles aussi différentes: Pascal prône la conversion à la religion, car seule la grâce divine peut empêcher l'homme de sombrer dans sa misère, tandis que la seule solution pour contrer ce besoin de posséder selon Moravia est de renoncer à l'objet de contemplation. Deux solutions différentes pour deux visions de la condition humaine.

 

Cependant, on ne peut complètement différencier la vision de Pascal et celle de Moravia. Dans les deux cas l'ennui provoque chez l'homme un manque au plus profond de son être. Pour Pascal l'homme ressent un vide, un manque que rien ne serait combler. Au début du roman L'Ennui, le narrateur nous expose également cette situation dans laquelle le plonge cet état d'ennui permanent: « L'ennui pour moi  est véritablement une sorte d'insuffisance, de disproportion ou d'absence de réalité[...]la sensation de l'ennui nait en moi,je l'ai déjà dit, de l'impression d'absurdité d'une réalité insuffisante « (extrait du prologue de L'Ennui). On retrouve alors cette notion d'absence, de manque et de vide. Ainsi on rejoint le point de vue de Pascal dans les Pensées: plus on s'éloigne du tumulte de la société et de notre vie plus on prend conscience de notre existence et du manque qu'il existe en elle. Dans le fragment 126 des Pensées, Pascal écrit « j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. «, cependant il continue par dire que « le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près. «. La solitude  accentue donc l'ennui. On retrouve cette notion de solitude dans le personnage de Dino, fils unique, vivant seule et n'entretenant aucune vie sentimentale conscient de son état d'ennui, auquel il ne sait remédier. En ce sens ces deux visions mettent l'accent sur l'abîme angoissant de notre condition. Dans L'Ennui à partir du moment où Dino est obsédé par la personne de Cécilia commence à être libéré de ce sentiment. Cette passion terrestre l'extrait de son état d'ennui tout comme le divertissement extrait l'homme de la conscience de sa faible condition pour Pascal. Cependant, dans chaque cas, la diversion n'est pas la solution à l'ennui. 

 

 

Pascal et Moravia bien qu'ayant une vision différente de la condition humaine, ils ne s'opposent pas totalement. L'ennui pour chaque auteur est défini différemment avec une cause, une source différente et une solution. Néanmoins, dans les deux cas on retrouve cette notion de manque qui pousse l'homme à posséder l'objet de son désir pour oublier l'absence qui persiste au plus profond de son être. 

A proprement parler on ne peut pas vraiment considérer Moravia comme un héritier direct des Pensées de Pascal, cependant bien qu'ayant une conception de la condition humaine qui diffère, celles-ci ne s'opposent pas. Moravia s'oppose aux idées de  Pascal autant qu'il s'y accorde.

 

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