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Les aléas du plan Owen-Stoltenberg

Publié le 22/02/2012

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20 août 1993 -   Selon les estimations des responsables de l'OTAN, de l'ONU et de son médiateur, Thorvald Stoltenberg, il faudrait envisager le déploiement de 40 à 50 000 " casques bleus " supplémentaires pour contrôler les " nouvelles frontières " de l' " Union " de trois Républiques de Bosnie-Herzégovine, les six " zones de sécurité " musulmanes décrétées par les Nations unies, les corridors démilitarisés qui doivent relier certaines régions entre elles, et éventuellement - si un accord intervient sur ce point - l'accès à la mer, du futur Etat bosniaque musulman.    Les Etats-Unis ont promis leur participation à cette mission. Il faudrait, en outre, surveiller, plus généralement, le respect du cessez-le-feu, le retrait des armements lourds de certains points chauds, comme Sarajevo, Gorazde et Mostar, et des transferts de populations convenus d'un commun accord. Car le découpage de la Bosnie-Herzégovine obligera à de tels transferts. D'une part, il reste des survivants aux opérations de " nettoyage ethnique " dans les zones conquises par la force, qui ne voudront pas forcément continuer à vivre dans les conditions désastreuses qu'ils connaissent depuis plus d'un an.    Ensuite, la carte du partage ne recoupe pas exactement celle des conquêtes militaires, et l'on assistera sans nul doute à un véritable chassé-croisé d'exodes de gens chassés de chez eux par les nouveaux maîtres ou de gens décidés à ne pas vivre sous la férule d'une autre ethnie. Quant à envisager un retour des réfugiés dans leurs foyers (érigé en " dogme " par la bonne conscience internationale), il serait déraisonnable d'y croire. En premier lieu, la destruction ou la " réquisition " de la maison de " l'autre " fait partie, depuis le début du conflit dans l'ancienne Yougoslavie, de la routine des opérations de guerre, ce qui exclut toute possibilité de réintégration. En deuxième lieu, la " purification ethnique " n'a jamais eu pour vocation, dans l'esprit de ses promoteurs, de permettre un retour de l'exclu. En troisième lieu, il faudra attendre longtemps avant que le degré de haine atteint dans la région ne baisse suffisamment pour permettre de nouveau la cohabitation. D'autre part, le plan Owen-Stoltenberg prévoit une assistance substantielle de la communauté internationale pour la mise en place des institutions de l'éventuel Etat " démocratique " bosniaque (police, justice, conseils municipaux et régionaux qui seront parfois ethniquement mixtes). Enfin, les deux médiateurs ont prévu que, pendant une période transitoire de deux ans, les villes de Sarajevo et de Mostar seraient administrées respectivement par l'ONU et la CEE, ce qui nécessitera une aide à la fois militaire et civile. Ce projet de règlement, même s'il était un jour, accepté, ne mettrait pas fin aux combats. Les litiges frontaliers ne manqueraient pas car, en dépit du fait que les frontières des trois nouvelles Républiques ont été dessinées sur des bases ethniques, tenant compte de la purification et des conquêtes serbes, certaines populations serbes se trouvent en territoire musulman et ne comptent pas y rester, les Croates ne veulent pas partager Mostar avec les Musulmans, et ainsi de suite. Dans ces zones, il est évident que ce ne serait pas un accord formel qui résoudrait définitivement les problèmes et ramènerait la paix. Et la force multinationale, encore elle, aurait son rôle à jouer. Ce ne serait probablement pas une mission de quelques mois, mais sans doute de plusieurs années, car lorsque des centaines de milliers de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers, que des zones restent contestées, on ne peut absolument pas exclure de nouveaux règlements de compte locaux, des guérillas, des attentats. ALAIN DEBOVE, YVES HELLER Le Monde du 4 septembre 1993

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