Les lectures précoces peuvent elles être dangereuses ?

Pour Rousseau, l'apprentissage idéal de l'enfant se déroule hors des influences néfastes de la société et en totale liberté d'épanouissement.

Cette isolation implique à l'enfant d'être préservé des lectures dites précoces, qui pourraient égarer le sens moral du jeune par une mauvaise interprétation de celles-ci. Pourtant, l'exemple choisit par l'auteur, les fables de La Fontaine, ont été rédigées pour les enfants et sont toujours  enseignées à ces derniers de nos jours sans avoir engendré des filous ou des vaniteux pour la cause.

Une question nous vient alors à l'esprit : Rousseau avait-il raison ? 

La distorsion morale qui troquerait la morale au vice, selon Rousseau, serait due à l'amour propre de l'enfant qui pousserait celui-ci à choisir le beau rôle dans la fable. Effectivement, cela pourrait être alarmant d'observer chez sa jeune progéniture par exemple une fascination pour un personnage fourbe et séducteur. Cela représenterait en somme le contraire de l'effet désiré à cause d'une mauvaise compréhension de la fable, les métaphores étant déjà trop subtiles pour être cernées, un monde trop imaginaire pour être rattaché au concret et aux expériences du jeune, etc...

Mais si l'enfant ne comprend vraiment pas sa lecture, ne l'abandonnerait-il pas simplement ? Donnez-lui à lire un Conte Immoral du divin marquis et observez sa réaction. Par manque de vocabulaire ou de connaissance dans certains domaines, il abandonnera (fort heureusement) sa lecture. C'est la réaction normale qu'il aurait à moins d'y être contraint. Dans ce dernier cas, étant donné que l'on retient difficilement ce que l'on comprend mal, la fable mal interprétée n'aura pas un grand impact sur l'enfant et sombrera rapidement dans l'oubli.

Toutefois, une fable bien comprise a au contraire un impact réel sur le jeune individu. En effet, avec l'aide d'un adulte compétent, l'enfant pourrait comprendre les complexités du sens de l'histoire et sa morale.

Ces récits lui serviront alors de petites leçons de vie et d'avertissements pour l'existence qu'il va passer en cohabitation avec les hommes, en sachant que certains seront plus malveillants que d'autres par exemple...

C'est pourquoi je pense que les lectures précoces ne présentent pas de danger pour les enfants. Lorsqu'elles ont mal été comprises, leur influence n'est pas si grande sur l'enfant et elles ne le transformeront pas aussi facilement en un « monstre avare et dur «. Mais au contraire, quand l'enfant est aidé et que la compréhension en est totale, elles peuvent lui apporter une instruction à la fois complète et divertissante englobant aussi bien les règles de savoir-vivre que des leçons philosophiques profondes sur la vie en société.