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Les migrations internationales dans le monde au XXè

Publié le 22/01/2011

Extrait du document

Analyse du sujet : Migrations internationales de population

 

* Migrations de population

 

Ne pas confondre mobilité spatiale et migrations (ou mouvement migratoire), qui supposent un transfert non habituel de lieu de résidence. Sont donc hors sujet les déplacements quotidiens (mouvements pendulaires) ou réguliers (déplacements hebdomadaires dans les résidences secondaires, déplacements de vacances).

 

Un émigré quitte son pays d'origine pour un autre pays. Il devient aux yeux des habitants du pays d'accueil un immigré.

 

Les mouvements migratoires ne sont pas des phénomènes récents, mais il faut attendre le second XXe siècle pour disposer d'une vue à peu près fiable des migrations à l'échelle de la planète. Des continents comme l'Afrique ou l'Asie n'entrent dans le quantifiable qu'après 1950. En revanche, on est bien renseigné depuis longtemps sur les mouvements dans certaines zones, correspondant aux Etats les plus avancés économiquement. Mais, même pour un Etat développé comme les Etats-Unis, la comptabilité migratoire est imparfaite : on comptabilise bien les entrées d'Européens à la charnière des XIXe et XXe siècle, mais mal les retours, qui peuvent atteindre jusqu'à 30 % ; se pose de surcroît la question des immigrés clandestins.

 

Il est en revanche certain que les progrès des techniques de transport (chemin de fer, bateaux, avions) ont permis d'accélérer les migrations, d'en abaisser le coût et d'en élargir le cadre. Une des idées force du devoir est ainsi l'amplification des migrations, tant en terme absolus que relatifs. Le XXe siècle peut aussi être qualifié de « siècle des migrations ». Si à la fin du siècle seulement 2,9 % de l'humanité vit dans un autre pays que celui où il est né, cette proportion se monte à 6,1 % de la population européenne, à 8,6 % de la population de l'Amérique du Nord et à 18 % de celle de l'Océanie (1,4 % pour l'Asie). La migration est bien un phénomène de masse pour la population mondiale.

 

Les causes des migrations sont très diverses. Il faut distinguer d'une part :

 

- les migrations « volontaires » souvent liées à la recherche de conditions de vie meilleures (migrations pour cause économiques, à la recherche d'un emploi, d'une terre, de la ville, etc. : les directions internationales suivent la pente des différentiels de PIB par tête, des pays les plus pauvres vers les plus riches) ;

 

- les migrations par appel à la main-d'oeuvre immigrée sont une variante de ce phénomène volontaire, par aspiration notamment vers des zones vides (front pionniers), ou démographiquement affaiblies (enjeu migratoire fondamental en Europe occidentale ou au Japon) ;

 

- la migration des « cerveaux » est aussi à prendre en compte dans cette logique d'aspiration, même si les flux générés sont quantitativement modestes. Contrairement à certaines idées reçues, les migrations internationales ne sont pas le fait des populations les plus démunies ni les moins formées, car elles supposent souvent des voyages longs, l'apprentissage de langues étrangères (même si on peut rester au départ dans sa communauté d'origine), et l'insertion dans le pays d'accueil suppose une qualification professionnelle ou des capacités à l'acquérir.

 

Ces migrations volontaires se distinguent des migrations imposées par la force, à mettre en relation avec les « accidents migratoires », liés aux soubresauts de l'histoire du XXe siècle : guerres internationales ou civiles avec ses cortèges de réfugiés, qui fuient pendant la guerre, mais aussi après, les conquêtes et rectifications de frontières entraînant souvent des déplacements de population ; pratiques de la colonisation avec expulsion des autochtones ; pratiques des déportations par les régimes totalitaires. Là encore les zones affectées sont diverses et changent au cours du siècle.

 

* Internationales dans le monde

 

Le sujet est réduit aux seules migrations internationales, pour simplifier la recherche d'un plan. Il ne dispense pas cependant de réfléchir aux différentes échelles géographiques, du local au global, en sélectionnant seulement celles où il y a franchissement de frontières.

 

On peut classer les migrations suivant leur ampleur géographique : on parlera ainsi de migrations locales ou intra-régionales (souvent le cas de l'exode rural, rarement international), internationales ou intercontinentales. Il faut dans un devoir d'histoire prendre en compte la dimension géographique du phénomène. Dans un sujet au cadre mondial, les flux ne peuvent bien sûr être appréhendés qu'au niveau intracontinental ou intercontinental. A cet égard, il faut souligner l'importance fondamentale pour le plan de la mutation affectant l'Europe : zone de départ dans la première moitié du XXe siècle encore, dans la continuité du XIXe, elle se mue en zone d'immigration, rejoignant le continent américain et les autres « nouveaux mondes » (Australie, Nouvelle-Zélande). Les flux internes aux autres continents sont moins bien connus jusque dans la seconde moitié du XXe siècle, que ce soit en Asie ou en Afrique. Le gonflement des flux d'émigration en provenance de ces continents est à mettre en relation avec la notion de transition migratoire (une population en croissance naturelle forte en exporte une partie pour des raisons de survie, puis d'amélioration des conditions de vie ; la sortie de transition démographique a tari le phénomène en Europe ; mais seule une partie de la transition migratoire donne lieu à une migration internationale).

 

   ¬      Suggestion de plans

 

Deux approches apparaissent possibles.

 

La première est thématique et typologique (attention cependant à ne pas « écraser » la chronologie dans ce cas, et ne pas négliger la géographie) et distingue les grands flux, liés aux grandes logiques démographiques et économiques, des « accidents » migratoires. Le danger cependant est dans la seconde partie de saupoudrer d'exemples.

 

I. Le siècle des migrants volontaires : les mutations démographiques et économiques du XXe siècle génèrent d'intenses courants de migration volontaire qui affectent l'ensemble du monde.

 

A. La transition migratoire qui accompagne la transition démographique balaye l'ensemble de la planète au cours du XXe siècle, affectant de façon décalée et inégale les différents continents.

 

1. Le premier XXe siècle voit l'arrêt de la migration européenne vers l'outre-mer.

 

2. Le second XXe siècle voit la mise en mouvement des populations de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine, aux différentes échelles.

 

B. Les différences de niveaux de vie attirent les populations des pays les plus pauvres vers les plus riches, qui sont souvent en perte de vitesse démographique.

 

II. Le siècle des réfugiés : l'histoire heurtée du XXe siècle a multiplié les migrations internationales involontaires de population victimes d'accidents migratoires : les migrations de catastrophes alimentent des courants sporadiques de réfugiés.

 

Sous parties chronologiques ou géographiques ordonnées en fonction des zones d'origine de la catastrophe : Europe, Asie, Afrique. Pour les contenus, voir le plan suivant.

 

La seconde est chronologique.

 

I. Le premier XXe siècle est marqué par la fin des migrations européennes de masse et la multiplication des migrations forcées, centrées sur l'Europe.

 

A. Les Européens cessent de quitter leur continent.

 

La boucherie de la Première Guerre mondiale, qui est de plus contemporaine du ralentissement de la croissance démographique européenne, met fin à la grande migration européenne qui s'est prolongée jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, notamment en direction des pays neufs, au premier chef les Etats-Unis. Mais le mouvement est aussi freiné par la fermeture des frontières américaines (lois des quotas de 1921 et 1924). Le flux annuel d'émigrants européens se tarit, et est réduit à 10 % de ce qu'il était en 1910-1914 avec 100 000 émigrants dans les années 1930. La France, qui se dépeuple naturellement (dénatalité), devient le premier pays d'immigration, et reçoit des flux d'Européens de l'Est (Polonais), d'Italiens (migrants économiques et/ou politiques), et les premiers Maghrébins.

 

B. La mobilité internationale qui concerne surtout l'Europe est liée aux soubresauts politiques du continent.

 

Des mouvements liés aux catastrophes politiques « prennent le relais », consécutifs aux rectifications de frontières (réfugiés et personnes déplacées : déplacements de minorités liés à la fragmentation de l'Empire austro-hongrois), aux conséquences de la Révolution russe (2 millions de Russes fuyant la Révolution), aux vagues d'antisémitisme dans les régimes autoritaires d'Europe centrale, aux conséquences du génocide arménien, avant les persécutions totalitaires.

 

Car les totalitarismes déplacent les populations par millions dans les années 1930-1945, en URSS comme en Allemagne : les mouvements soviétiques sont internes à l'Union soviétique, ils ne sont pas internationaux mais se déroulent dans un espace immense et ultérieurement éclaté (on est là aux franges du sujet, puisque ces mouvements sont stricto sensu intérieurs à l'URSS ; mais un candidat astucieux peut y mettre les formes pour une comparaison avec les logiques allemandes). La collectivisation agraire soviétique déplace beaucoup de jeunes vers les villes sur tout le territoire, la répression du goulag s'articule avec des mouvements de colonisation et de mise en valeur forcée le long du Transsibérien, la répression des minorités nationales déplace des centaines de milliers de personnes (Allemands de la Volga, Tatars de Crimée) ; la « Grande guerre patriotique » amplifie le mouvement avec le repli vers l'Est de l'industrie et des forces vives de la nation russe, avant la migration vers l'ouest de la reconquête et de l'occupation de l'Europe de l'Est (soldats cantonnés mais aussi fonctionnaires, comme dans les pays Baltes réannexés).

 

L'Allemagne nazie entraîne dans les années 1930 l'exil de centaines de milliers de juifs, d'opposants politiques et d'intellectuels (« Weimar en exil ») et, prédatrice des pays occupés, « pompe » plus de 8 millions de travailleurs étrangers pendant la guerre ; elle massacre enfin plus de 10 millions de déportés ou de prisonniers, parmi lesquels au moins 5,1 millions de juifs arrachés à leurs foyers, concentrés pour une partie dans des ghettos avant d'être déportés pour être exterminés dans les camps. Ceux qui survivent ne reviennent pas toujours dans leurs foyers initiaux. Des millions de soldats allemands sont déplacés dans toute l'Europe par la guerre. L'effondrement de l'Europe nazie et la restructuration de la carte européenne entraînent des flux considérables de réfugiés, parmi lesquels 12 millions d'Allemands des territoires de l'Est (dont 3 millions de Sudètes chassés par les Tchèques).

 

C. Face à ces soubresauts de l'histoire, les migrations de population dans le reste du monde apparaissent plus discrètes. Elles sont aussi moins bien connues : les troubles en Chine ont généré des flux internes considérables de population, qui se prolongent après la prise de pouvoir par les communistes, ainsi que des flux internationaux alimentant les vieilles diasporas chinoises de l'Asie du Sud-Est. A cela s'ajoute l'immigration économique d'Indiens et de Chinois vers la Malaisie ou l'Afrique du Sud, dans le cadre de l'Empire britannique, avec les premières installations en Grande-Bretagne dans les années 1930. Il faut aussi envisager les mouvements de colonisation japonaise dans les colonies taïwanaise ou coréenne ; l'effondrement de l'Empire japonais ramène près de 8 millions de Japonais dans l'archipel.

 

Le premier XXe  siècle semble donc être une période où s'achève la grande mise en mouvement européenne séculaire, et où prédominent les mouvements accidentels, notamment dans « l'Europe des ténèbres » (Mazover).

 

II. Pendant le second XXe siècle, les migrations internationales reprennent avec vigueur ; elles concernent essentiellement les populations d'un Tiers Monde en transition migratoire. Ces migrations sont volontaires mais aussi forcées.

 

A. Les migrations internationales volontaires concernent après 1945 surtout les pays du Tiers Monde, affectés à leur tour par la transition migratoire.

 

1. Le tarissement des fronts pionniers. Dans les pays développés, l'après 1945 voit le tarissement des fronts pionniers. Seuls le Canada et l'Australie accueillent encore des émigrés européens, relayés par des émigrés d'origine plus variée à mesure que le temps passe.

 

Car les flux majoritaires sont désormais ceux des pays du Tiers Monde, qui entrent à leur tour dans la phase de transition migratoire et dont les flux internationaux se dirigent vers des pays à niveau de vie élevé.

 

Cette phase n'entraîne cependant pas des flux proportionnellement comparables à ceux qu'a connue l'Europe auparavant, mais les masses en jeu lui donnent importance et visibilité : l'émigration internationale concerne moins de 0,5 % des populations qui migrent le plus (Maghrébins, Mexicains, populations des Caraïbes).

 

2. Jusque dans les années 1990, les flux sont concentrés sur des lieux précis, ce peut localement être perçu comme une « invasion » ; le phénomène est particulièrement sensible quand il y a une forte proximité géographique des disparités de PIB par tête, comme entre Cuba et la Floride, le long de la frontière américaino-mexicaine, ou bien de part et d'autre de la Méditerranée.

 

Les liens historiques entre les régions expliquent jusque dans les années 1990 l'existence de couples de régions d'émigration/immigration : liens coloniaux qui expliquent la présence de Jamaïcains ou de Pakistanais en Grande-Bretagne, de Maghrébins, de ressortissants d'Afrique noire ou de la péninsule indochinoise (Vietnamiens, Chinois de la diaspora, Cambodgiens) en France, Portoricains, Philippins et Vietnamiens aux Etats-Unis.

 

B. Les directions des flux des migrations internationales en provenance des pays du Tiers Monde vers les pays à haut niveau de vie sont variées, mais après 1945 elles se concentrent sur trois pôles principaux.

 

1. Les Etats-Unis sont redevenus à partir des années 1960 un pays d'immigration massive, la législation restrictive des années 1920 ayant été desserrée. 25 millions de migrants arrivent aux Etats-Unis de 1950 à 1995, avec une diversification des origines. Les populations venues d'Amérique latine y sont les plus nombreuses (10 millions de Mexicains officiels, et plusieurs millions de wetbacks, illégaux, 3 millions de Portoricains, 1 million de Cubains), leur présence dans les Etats du Sud entraînant un bilinguisme local (Californie, Texas, Floride).

 

2. L'Europe occidentale tout entière a suivi les voies ouvertes depuis le XIXe siècle par la France : l'Allemagne fédérale accueille plus de 9 millions d'immigrés jusqu'en 1990, les Allemands des zones orientales étant relayés dès le début des années 1950 par les Gastarbeiter italiens, yougoslaves et turcs. La France accueille 4 millions d'immigrés, dont 1,4 million de Maghrébins dans le cadre d'une politique délibérée menée par l'Office national de l'immigration jusqu'au début des années 1970, où l'immigration officielle est stoppée. La Grande-Bretagne, les pays scandinaves, la Belgique et la Suisse connaissent une évolution semblable ; depuis les années 1980, les pays d'Europe méditerranéenne, terres d'émigration jusque dans les années 1960, accueillent à leur tour des immigrés, majoritairement africains (Marocains en Espagne).

 

3. La troisième direction est celle des Etats pétroliers du monde arabe, dans un mouvement qui s'amplifie après le premier choc pétrolier. Au noyau arabe et à la diaspora palestinienne s'agrègent des musulmans empruntant les filières traditionnelles du pèlerinage à La Mecque (hadj), Nigérians, Soudanais, Pakistanais et Indonésiens, en tout près de 7 millions de personnes jusqu'en 1985, un mouvement interrompu provisoirement par le contre-choc pétrolier, mais a repris dans les années 1990 jusqu'à atteindre, en 2002, 12 millions de personnes, dont 3,2 millions d'Indiens [1][1].

 

4. Depuis les années 1990, les flux se sont accélérés et mondialisés, avec un relâchement de la logique de couplage qui prévalait jusqu'alors. On comptait 100 millions de migrants en 1990 (contre 77 en 1965), il y en a le double en 2005, soit un peu moins de 3 % de la population mondiale. L'essentiel de ces flux concerne les « pays du Sud », et reste à 60 % « intra » dans le Sud, étant liés parfois à l'usage de lieux de passage vers des migrations plus lointaines de la part de populations des pays voisins (Afrique du Nord pour des émigrés d'Afrique subsaharienne tentant de passer en Europe). Ils sont aussi la conséquence des catastrophes politiques qui affectent les pays du Tiers Monde.

 

C. A la figure du travailleur immigré ou des femmes et des enfants rejoignant leur mari et père il faut en effet ajouter la figure du réfugié ou de la personne déplacée malgré elle. On en compte 15 millions en 1990, 30 en 1995 et 40 en 2005, selon les estimations du Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU (UNHCR).

 

1. C'est en 1951 qu'en conséquence de l'existence en Europe de 1,6 million de réfugiés apatrides issus de la Seconde Guerre mondiale, du déplacement dramatique de 17 millions de personnes à la suite de la partition de l'Inde anglaise en 1947 et de l'exil de centaines de milliers de Palestiniens après la guerre de 1948, est créée cette structure d'assistance internationale, qui accessoirement permet une comptabilité approximative d'un phénomène en accroissement sensible.

 

2. La Guerre froide entraîne avec elle son cortège de réfugiés : 3 millions d'Allemands, de Polonais, de dissidents soviétiques fuient l'Europe de l'Est entre 1949 et 1961 ; la réunification du Vietnam en 1975 entraîne la fuite de centaines de milliers de boat people ; la guerre d'Afghanistan déplace des millions de réfugiés vers le Pakistan et l'Iran ; des dizaines de milliers de Cubains fuient leur île (balseros).

 

3. L'après Guerre froide et ses crises ne tarissent pas le mouvement : déplacements de populations fuyant les massacres de Croates, d'Albanais ou le génocide des Bosniaques dans l'ancienne Yougoslavie, exode des Afghans sous la dictature des Talibans puis sous les bombes américaines. En Afrique, la situation se détériore nettement dans les années 1990, la crise économique se combinant avec les guerres civiles, avec ses flux croisés de réfugiés : Burundais et Rwandais fuyant les massacres de hutus et le génocide des tutsis en 1994, Zaïrois, Soudanais, Somaliens, Angolais, etc.

 

Conclusion : les migrations internationales dans le monde se sont amplifiées au XXe siècle, constituant un des aspects de la « mise en mobilité » de la population mondiale. Elles n'en affectent qu'une faible part, mais constituent un élément important de la mondialisation, favorisant intégration, échange et brassage, mais suscitant également rejet et repli sur soi : répétitions d'une vieille histoire, mais dans des proportions et à des échelles nouvelles.

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