Devoir de Philosophie

Les regrets - Joachim Du Bellay

Publié le 18/05/2012

Extrait du document

bellay

            Auteur humaniste de la première partie du XVIème siècle, Joachim Du Bellay écrit en faveur de l’enrichissement de la langue française, il a notamment écrit l’ouvrage théorique Défense et illustration de la langue française. Il faisait partie de la Pléiade, un groupe de sept poètes français de la Renaissance formé  par son ami Pierre Ronsard. Les Regrets est un recueil de poèmes de 191 sonnets en alexandrins paru en 1558. Du Bellay écrivit celui-ci à la suite d’un décevant voyage à Rome. Il regagnera la France avec dans ses bagages les textes de cette expérience mal vécue qui explique le titre du recueil dont le registre principal est le lyrisme et la tonalité élégiaque. C’est une bonne volonté qui se transforme en consternation, allant jusqu’à déclencher chez le poète un profond doute dans son inspiration, c’est ce que Du Bellay dépeint dans cet extrait. Par quelles techniques l’auteur nous fait-il remarquer le trouble dont il est victime suite à son manque d’inspiration? Nous étudierons premièrement  comment la structure du sonnet permet au poète d’exprimer ses sentiments, et dans un second temps nous nous pencherons sur la constante évocation du passé. Enfin, l’étude de l’utilisation du présent formera une troisième partie.

 

        Lorsqu’on regarde la structure de ce sonnet, on remarque que les différents types de phrases sont habilement réparties,  la première et la deuxième strophe sont constituées de deux quatrains et traduisent le pouvoir de l’auteur quand il était encore inspiré. Du Bellay utilise aussi de nombreuses phrases interrogatives, en témoignent les  deux vers qui commencent par «Où ». De deux tercets sont présent dans les strophes suivantes, ceux-ci indiquent l’incertitude de l’auteur, quand à la fuite de son inspiration, il emploie ici même une phrase affirmative, tant il avoue lui-même avoir perdu son écriture. Le poète formule même des questions auxquelles il répond seul, où phrase interrogative trouve son antithèse dans une phrase déclarative. Lorsqu’on lit ce sonnet, on peut également constater le nombre élevé de répétitions, qui sont cependant voulues par l’auteur, au vers 1 et 9 il utilise le mot «maintenant» avec le présent d’énonciation, on peut penser qu’il décrive un changement.  Ensuite, c’est le terme « cœur » qui est répété au vers 2 et 10 revient. Ce mot est d’abord désigné avec une certaine distance, comme nous le prouve l'article « ce », puis avec de la passion, à la limite de la possession, avec le placement devant lui du déterminant « mon ». Ensuite, Du Bellay utilise deux fois une forme presque identique ,« je n’ai plus » au vers 12 et « je ne l’ai plus » dans le vers qui suit, ce qui lui permet d’accentuer le constat de perte et de manque. De plus, il place également des synonymes comme « immortalité » et « postérité » au vers 3 et 12 quand il parle de l’intérêt qu’on lui portera après sa mort; et l’énergie créatrice : « flamme » et « ardeur » dans les vers 4 et 13. L’inspiration que procuré les « Muses » et qui maintenant n’est plus, finira le bal des répétitions  (vers 6 et 14). La non-présence et la distance sont aussi tracé, une forte utilisation des déterminants, en témoignent tous les groupes nominaux des cinq premières phrases qui débutent tous par des démonstratifs (ce, cet, cette, ces).Placés ainsi en début de poème, ils permettent à Du Bellay d’introduire les volontées dont il veut faire part au lecteur, on compte parmi elles  le « désir d'immortalité », « coeur », « plaisirs ». Il considèrent cependant que ces plaisirs sont irrécupérables. A l’encontre des déterminants possessifs, les démonstratifs indiquent que ces sentiments font partis du passé, qui est terminé. Le dernier groupe nominal, « ces doux plaisirs », est par exemple complété par une subordonnée relative à l'imparfait : « que les Muses me donnaient ». Le changement dont se plaint l’auteur est reconnaissable en regardant méticuleusement les verbes utilisés. Le verbe être est à la base de la construction des sept premières phrases.  Les huitième et neuvième phrases, négatives, sont basées sur le verbe avoir, tandis que la dernière, utilise un verbe de mouvement : « s'enfuient ». Ce qui « était », la raison de vivre du poète, a disparu. Du Bellay utilise toute la force du verbe enfuir, en le plaçant comme dernier mot du poème, il confirme la dépossession. La construction de la dernière phrase en dit long sur le ressentit de l’auteur : « les Muses de moi, comme étranges, s'enfuient ». Presque tous les verbes sont ainsi utilisé au présent, le temps de l’écriture, mais l’imparfait intervient dans la deuxième strophe et provoque une rupture. La structure, les répétitions, et l’emploi stratégique des verbes et de leur temps, nous montre le manque que ressent Du Bellay .

 

      Etudions maintenant l’évocation des temps du passé. Le premier vers débute par l’interjection « Las », qui implique obligatoirement une réponse négative et qui à une signification très mélancolique. En contrepartie, l’auteur utilise « ce » quatre fois, alors que ce déterminatif à plutôt une valeur positive. Dans le vers 1, le poète décrit son heureux passé, il était en effet à l’époque encore inspiré, et insouciant du sort , car il pouvait toujours s’en sortir, il avait l’impression d’être fort et grand, en témoigne cette rime intérieure : cœur et vainqueur (vers 2).  Dans ce passé, l’écriture lui permettait d’accéder à tous ses désirs, et son inspiration qui était forte et présente lui donnait un sentiment d’invincibilité. La confiance qu’il possédait dans le passée se fait remarquer dans son écriture, et notamment par des vers au rythmes coupés au niveau de la césure ( 6 pieds - 6 pieds ) venant également montrer l’impression d’une stabilité. Le deuxième quatrain est à l’imparfait, le temps de la description,  Du Bellay veut accentuer la durer de l’action, et l’habitude. Ce quatrain comporte aussi une image métaphorique de lui-même en train d’écrire, ce qui permet au lecteur d’imaginé ce que l’auteur voyait la nuit, des muses qu’il « menais danser aux rayons de la lune ».  Il explique également dans les vers 5 à 8 que les Muses lui procurait cette inspiration si forte et libre, qui lui permettait d’écrire de grand poèmes.

L’auteur regrette donc amèrement ce passé tellement heureux mais définitivement révolu. Il nous décrit donc ensuite, à l’aide du présent, sa vie actuelle si difficile et triste. Afin de bien différentier le passé du présent, Du Bellay contraste son écriture entre les quatrains et les tercets des strophes 3 et 4. L’expression « Maintenant la Fortune est maîtresse de moi » vient s’opposer à celle du début du poème « La, où est maintenant ce mépris de fortune ». Cette contradiction significative est due au fait que l’auteur est dominé par cette fortune alors que dans le passé il ne s’en souciait nullement. De même son « cœur vainqueur de toute adversité » est devenu « Serf de mille maux et regrets ». L’auteur accentue encore une fois son désespoir et son mal-être et décrit le passé où tout était mieux. L’hyperbole « mille mots et regrets » (vers 11) désigne également sa désillusion. Il place encore une figure de style, une allitération en « m » cette fois-ci, dans le même vers. Du Bellay développe aussi des antithèses entre vers, « De la postérité je n’est plus le souci » est l’antithèse du vers 3, dans lequel il clame son immortalité. Depuis qu’il n’a plus d’inspiration, l’auteur concède qu’il n’est plus éternel. Enfin, on retrouve dans le vers 14 l’antithèse du vers 6 (« Les Muses me donnaient, alors qu’en liberté » contre « Les Muses de moi, comme étranges, s’enfuient »), de plus, dans la dernière strophe, l’assonance en « i » vient compléter ce sentiment de désarroi. Celui-ci est accentuer par une évolution décroissante dans le nombre de pied : 6-4-2-0, la cadence fait remarquer au lecteur la diminution toujours plus forte de l’inspiration, jusqu'à ce qu’elle est totalement disparue, quand le vers 14  se termine par un e muet.

Liens utiles