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L'étau serbe se resserre autour de Zenica

Publié le 22/02/2012

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8 novembre 1992   Au centre, une nasse, qui se resserre chaque jour sous les coups des forces serbes : c'est à peu près tout ce qui reste de la République indépendante de Bosnie-Herzégovine, hormis une capitale en ruines, Sarajevo, coupée du reste du pays, et quelques poches éparses.    " Cessez-le-feu " ou pas, les troupes serbes continuent inexorablement à tailler dans les territoires encore tenus par les forces fidèles au régime du président Alija Izetbegovic (majoritairement musulmanes),rognant un à un les saillants d'une zone qui ne sera bientôt plus qu'un mouchoir de poche autour de la ville de Zenica, devenue une sorte de capitale bis, et l'une des rares localités de Bosnie centrale d'où l'on n'entend pas encore le bruit du canon.    La liste de villes perdues par les Bosniaques s'allonge sans fin. Après Jajce (à un peu plus de 100 kilomètres au nord-ouest de Sarajevo),tombée fin octobre aux mains des Serbes, viendra sans doute à brève échéance le tour de Travnik, Maglaj, Tuzla.    Prises en étau, ces villes ne sont déjà plus joignables, au prix de risques énormes, que par d'étroits corridors contrôlés par les artilleurs serbes et constamment exposés à des offensives. Une unité britannique de la Force de protection de l'ONU (FORPRONU) a ainsi dû renoncer à atteindre Zila, il y a une dizaine de jours, après être tombée dans une embuscade.    Actuellement c'est dans la région de Travnik que la poussée serbe paraît la plus forte. Les forces serbes ne sont plus qu'à 5 kilomètres environ de l'ancienne capitale ottomane de Bosnie qu'elles menacent directement. Les unités croato-musulmanes ont du mal à tenir : elles ont perdu la plus grande partie de la chaîne de villages qui s'étend à l'ouest de Travnik et dont l'ultime maillon, Turbe, est tombé. Petite localité de 7 000 habitants environ à l'origine, Turbe est aujourd'hui en grande partie détruite et totalement désertée, sauf par quelques rares personnes qui s'accrochent à leur terre en dépit des bombardements constants. Fuir un enfer    La situation est telle qu'après une série de pilonnages particulièrement violents les autorités de Travnik ont demandé, samedi 14 novembre, aux forces de l'ONU d'assurer l'évacuation de la population encore présente dans la région, et qui ne peut faire un pas sans devenir la cible des soldats serbes.    Certaines familles musulmanes et croates sont cependant parvenues à fuir cet enfer dans la nuit de samedi à dimanche, pour aller se jeter dans un autre enfer : celui que vivent les " personnes déplacées " dont la Bosnie centrale regorge désormais. C'est par centaines de milliers(près de 400 000 selon les chiffres du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) que les réfugiés s'entassent déjà dans cette nasse où se trouvent aujourd'hui près de deux millions de personnes, dont plus de la moitié - réfugiés et habitants - ont un besoin urgent d'aide.    " A mesure que les poches se rétrécissent, la Bosnie centrale est devenue un lieu où tournent sans fin les réfugiés " sans possibilité, pour la plupart, d'en sortir, dit un responsable de l'une des organisations humanitaires présentes sur place. La Croatie était la seule issue  elle ne l'est plus depuis que les Croates, eux-mêmes submergés par l'afflux de réfugiés, ont fermé leur frontière. Quant à l'Europe occidentale, arguant de ce qu'elle ne veut pas avoir l'air d'entériner le " nettoyage ethnique " pratiqué par les Serbes, elle n'accueille de réfugiés qu'au compte-gouttes, tout en étalant son incapacité à mettre fin à ce " nettoyage ".    " Je resterai ici jusqu'à ce que les Serbes arrivent  alors je repartirai ailleurs, en Bosnie. " Razija a fui il y a deux mois la ville de Maglaj assiégée pour trouver asile, avec sa famille, dans l'école du petit village de Lijesnica, distant de 5 kilomètres. A quelques mètres à peine de son refuge, les murs des maisons sont troués, les toits sont enfoncés : régulièrement des obus s'abattent sur une partie du village, depuis les collines environnantes.    Une nuit, Razija est retournée chez elle à Maglaj, pour y récupérer quelques affaires. Depuis cette escapade, elle reste confinée dans une petite pièce de l'école. Sa voisine d'exil, Hanifa, a déjà vécu deux exodes depuis qu'elle a quitté son village, il y a cinq mois. Son frère est prisonnier des forces serbes et elle n'a qu'une idée en tête : obtenir de ses nouvelles. D'exil en exil    A une soixantaine de kilomètres plus au sud, à Zenica, c'est dans un cinéma que Hussein vit son troisième ou quatrième exil. Il est de Prijedor (dans le nord-ouest de la Bosnie). Il a fui en juin, avec sa femme et ses deux enfants, après que sa maison eut été incendiée. Ils ont trouvé asile chez un de leurs parents, puis ont dû fuir encore, se cacher dans un bois, traverser les lignes de combat au péril de leur vie et chercher refuge, après un long calvaire, dans une petite localité à majorité croate, Novi-Travnik.    Ils croyaient avoir enfin trouvé là un asile, mais quelques semaines plus tard, ils se sont trouvés pris dans un autre conflit, une guerre dans la guerre. Croates et Musulmans, alliés contre les forces serbes mais débordant de méfiance les uns envers les autres, en sont venus aux armes. C'est par les Croates que Hussein et sa famille ont alors failli être tués. " C'était comme à Prijedor " (lors des combats contre les Serbes), dit-il.    Une fois de plus il a dû fuir. Et il s'est retrouvé dans ce petit cinéma de province où se sont entassées jusqu'à huit cents personnes, entre les travées des sièges, dans le hall d'entrée, sur la scène, avec pour seul matelas une maigre couverture. Certains, depuis, ont été relogés dans des maisons abandonnées par des Serbes ou accueillis dans des villages alentour. Un peu plus de deux cents hommes, femmes et enfants se partagent encore la seule douche et les sanitaires hors d'usage du cinéma de Zenica.    Hussein aimerait partir, mais il n'a pas d'argent, ne connaît personne à l'étranger, n'a nulle part où émigrer. Danger de mort    Safeta a installé un lit de fortune au fond de la salle obscure, pour elle, sa belle-mère et ses deux enfants. Son mari, malade, est à l'hôpital. Cela ne fait " que " quinze jours qu'elle se trouve échouée là, sans rien d'autre que quelques vêtements. Elle a fui Jajce le 28 octobre  le lendemain, la ville tombait aux mains des Serbes. " La ville était en proie à la panique. J'avais entendu dire que les Serbes étaient tout près " : elle est partie séance tenante, à pied, elle a attendu la nuit dans un bois, puis elle a pu trouver une place - avec une quinzaine d'autres réfugiés - dans une remorque de tracteur.    Après des heures sous les tirs serbes, elle a atteint Travnik, où une autre épreuve l'attendait : le tri entre Musulmans et Croates. Safeta a eu le malheur de se tromper d' " aiguillage " : elle s'est fait chasser par le Conseil de défense croate (HVO, Forces croates de Bosnie-Herzégovine), qui est allé jusqu'à lui refuser un morceau de pain pour elle et ses enfants sous prétexte qu'elle était musulmane et devait donc s'adresser à l'armée bosniaque, raconte-t-elle. C'est le seul moment de son récit où elle craque  elle pleure.    Rien que dans la ville de Zenica intra muros, ils sont des milliers à vivre dans ces conditions plus que précaires, entassés dans des écoles ou des grandes surfaces. Beaucoup connaissent le même sort dans des dizaines d'autres localités de plus ou moins grande importance, ou bien sont isolés dans des zones difficilement accessibles comme la région de Tuzla ou Maglaj. Tous, alors que l'hiver est là, que les premières neiges sont tombées, sont en danger de mort. " Les risques d'hécatombe parmi les réfugiés cet hiver sont difficiles à évaluer ", dit-on de source humanitaire, car il existe une " façade trompeuse ", un semblant d'organisation locale des secours qui cache une situation autrement plus grave, un véritable " chaos ".    Les risques, qui dépendront de la rigueur de l'hiver et de celle des combats, pèsent sur les réfugiés mais aussi sur la population locale, explique-t-on encore. Et l'on évalue, de même source, à 60 000 personnes environ le nombre de Bosniaques qui - " purification ethnique " oblige - pourraient venir s'engouffrer encore dans la nasse à partir de la région de Banja-Luka, sous contrôle serbe.

« guerre dans la guerre.

Croates et Musulmans, alliés contre les forces serbes mais débordant de méfiance les uns envers les autres,en sont venus aux armes.

C'est par les Croates que Hussein et sa famille ont alors failli être tués.

" C'était comme à Prijedor "(lors des combats contre les Serbes), dit-il. Une fois de plus il a dû fuir.

Et il s'est retrouvé dans ce petit cinéma de province où se sont entassées jusqu'à huit centspersonnes, entre les travées des sièges, dans le hall d'entrée, sur la scène, avec pour seul matelas une maigre couverture.Certains, depuis, ont été relogés dans des maisons abandonnées par des Serbes ou accueillis dans des villages alentour.

Un peuplus de deux cents hommes, femmes et enfants se partagent encore la seule douche et les sanitaires hors d'usage du cinéma deZenica. Hussein aimerait partir, mais il n'a pas d'argent, ne connaît personne à l'étranger, n'a nulle part où émigrer. Danger de mort Safeta a installé un lit de fortune au fond de la salle obscure, pour elle, sa belle-mère et ses deux enfants.

Son mari, malade, est à l'hôpital.

Cela ne fait " que " quinze jours qu'elle se trouve échouée là, sans rien d'autre que quelquesvêtements.

Elle a fui Jajce le 28 octobre le lendemain, la ville tombait aux mains des Serbes.

" La ville était en proie à la panique.J'avais entendu dire que les Serbes étaient tout près " : elle est partie séance tenante, à pied, elle a attendu la nuit dans un bois,puis elle a pu trouver une place - avec une quinzaine d'autres réfugiés - dans une remorque de tracteur. Après des heures sous les tirs serbes, elle a atteint Travnik, où une autre épreuve l'attendait : le tri entre Musulmans et Croates.Safeta a eu le malheur de se tromper d' " aiguillage " : elle s'est fait chasser par le Conseil de défense croate (HVO, Forcescroates de Bosnie-Herzégovine), qui est allé jusqu'à lui refuser un morceau de pain pour elle et ses enfants sous prétexte qu'elleétait musulmane et devait donc s'adresser à l'armée bosniaque, raconte-t-elle.

C'est le seul moment de son récit où elle craque elle pleure. Rien que dans la ville de Zenica intra muros, ils sont des milliers à vivre dans ces conditions plus que précaires, entassés dansdes écoles ou des grandes surfaces.

Beaucoup connaissent le même sort dans des dizaines d'autres localités de plus ou moinsgrande importance, ou bien sont isolés dans des zones difficilement accessibles comme la région de Tuzla ou Maglaj.

Tous, alorsque l'hiver est là, que les premières neiges sont tombées, sont en danger de mort.

" Les risques d'hécatombe parmi les réfugiéscet hiver sont difficiles à évaluer ", dit-on de source humanitaire, car il existe une " façade trompeuse ", un semblant d'organisationlocale des secours qui cache une situation autrement plus grave, un véritable " chaos ". Les risques, qui dépendront de la rigueur de l'hiver et de celle des combats, pèsent sur les réfugiés mais aussi sur la populationlocale, explique-t-on encore.

Et l'on évalue, de même source, à 60 000 personnes environ le nombre de Bosniaques qui -" purification ethnique " oblige - pourraient venir s'engouffrer encore dans la nasse à partir de la région de Banja-Luka, souscontrôle serbe.. »

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