Devoir de Philosophie

Lettre à un premier commis, Voltaire

Publié le 16/10/2010

Extrait du document

voltaire

 

Genre du texte : (ouverte = distribuée ou publiée dans des périodiques)

Lettre ouverte ( à un subalterne dans les administrations = commis) C’est un article indéfini, on ne sait pas de qui il s’agit. Puisqu’elle est ouverte, elle est écrite pour le public (relève du théâtre avec la double énonciation = 2 destinataires) Il s’agit ici, d’un cas de double énonciation car il s’agissait au départ à être destiné au premier commis, in fine, il est adressé ouvertement à la société.

 

Registres : comique (l.1), polémique et satirique

 

Thème : La censure

Dénonciation : censure étatique

Proposition : limitation de la censure ainsi que de la liberté de jugement du public

 

Thèse : Ce n’est pas à l’Etat de décider de ce qui est publiable ou non, mais au public de choisir dans l’offre la plus large car la censure doit se limiter à la répression de la diffamation.

 

Par quels moyens, Voltaire dénonce-t-il la censure étatique ? Comment revendique-t-il la liberté d’expression ?

 

I/ La dénonciation de la censure

   A. Approche générique (genre de la lettre ouverte)

   B. Traiter la censure

 

II/ La revendication de la liberté d’expression

   A. L’éloge des belles lettres

   B. La liberté d’expression et individuelle

 

De la lettre à la lettre ouverte :

   a) Système énonciatif de la lettre traditionnelle :

         ❖ Mention d’un destinataire « à un premier commis)

         ❖ La date « 20 juin 1733 «

         ❖ Adresse directe « vous «

         ❖ Règle élémentaire de la courtoisie épistolaire « monsieur «, « belle « Ligne 1

Avec sa phrase d’entée courtoise « rendre service aux belles lettres «, il s’agit d’une antiphrase. Les éléments arrivent juste après …

Le sous-entendu ne dure pas longtemps , car tout de suite il dévie à la ligne 12 par « vous me dites que «, cela suppose un entretien, un échange avec son destinataire (pourtant l’échange n’a probablement jamais existé)

Ce discours indirect rapporté qui mime un échange épistolaire fictif que Voltaire met en place est uniquement pour confronter ses arguments.

Ludique sur un échange fictif, il fait parler indirectement les censeurs par ce procédé fictif. Ce n’est plus réellement un style encyclopédique, mais plutôt une œuvre fictionnelle qui rend l’argumentation plus vivante, un côté plus distrayant à l’argumentation.

Il y a une série d’impératif : « rognez « l. 1, « contentez-vous « l.7, « souffrez « l.9

Bayle est un protestant, élève de Descartes, attaque toutes les religions chrétiennes « dictionnaire historique et critique « qui préfigure dans l’Encyclopédie.

L’objectif de faire rentrer Bayle en France est comme une requête, s’élargit pour exposer ce que doit faire un « bon censeur «.

   b) Cet élargissement du propos se situe dans le deuxième paragraphe.

« vous « l.15, est une généralisation du propos (différent du « vous « du 1er paragraphe) avec une portée générale proche du pronom indéfini « on «

l.19 GN « l’homme d’Etat «, désigne tous les responsables politiques et administratifs. Passage de la lettre sous une forme apparente de la lettre ouverte (forme particulière de l’argumentation) dans le but de dénoncer la censure.

 

I/B. Des registres polémiques et satiriques pour dénoncer les censures

     a) Le lexique qui est utilisé pour désigner la censure « rognez « usage métaphorique qui ramène le censeur au statut d’animal terrestre bas qui s’attaque à celui qui vole « aile «. Le censeur est donc animalisé. La censure est montrée comme une entreprise tyrannique par la série d’hyperboles « esclavages «. Mais aussi, il va plus loin avec la proscription de l’imprimerie avec référence à la Turquie ; l.6 :  « il y a je ne sais quoi à proscrire à l’imprimerie « (Le texte de Voltaire qui est en rapport avec l’expérience de la Turquie, est un cliché ironique qu’utilise les philosophes, cliché d’intolérance) Ce cliché est utilisé au 18e siècle dans notre pays (voir « De l’horrible danger de la lecture «, de Voltaire) l.4 désigne la censure « inquisition littéraire « métaphore qui met un parallélisme entre l’homme et l’Eglise. C’est une périphrase  de l’inquisition qui a été autodafé  dans l’histoire de l’inquisition. (il y a eu plusieurs procès de jeunes garçons profanés avec la croix chrétienne sans le christ = persécution de l’Eglise catholique contre les hérétiques)                   Obscurantisme religieux qui s’exprime par l’obscurantisme culturel (l.8 ?.)

     b) La censure est définie par les méfaits qu’elle cause

Il y a une métaphore filée au premier paragraphe de l’oiseau (symbole de l’élévation de l’esprit) c’est un symbole traditionnel de la liberté. C’est une métaphore qui est utilisée au service d’une antithèse entre les volailles de basse-cour et les aigles.

Les volailles ne volent pas, elles sont domestiquées et « cour « connote l’esprit courtisan (la cour de Louis XIV) Dans toutes les littératures, la poule est bête.

C’est une opposition avec « l’aigle « qui représente la majestuosité, un prédateur sauvage d’une grande envergure, libre, plane, vole à de hautes altitudes.

Cette antithèse est une censure où on montre que lorsque nous rognons les ailes des aigles, ils deviennent alors des poules (ils n’ont plus de liberté)

Si on ne rogne pas les ailes des écrivains, « ils pourraient devenir des aigles « (3) soient des esprits libres. La censure joue un rôle anti culturel puisqu’elle empêche la littérature et les esprits libres de se développer et d’exister.

Dans le même passage, il y a un parallélisme antithétique entre la liberté honnête qui lève l’esprit et l’esclavage qui le fait ramper. Une opposition entre l’élévation et le fait de ramper, entre le haut (noblesse d’esprit) et le bas (soumission du corps) : « une liberté honnête élève l’esprit, et l’esclavage le fait ramper « (3)

 

La censure est dénoncée car la liberté d’expression est revendiquée par Voltaire, garantissant que la liberté individuelle est une revendication majeure des révolutionnaires.

 

II/ La revendication de la liberté d’expression

   A. L’éloge des belles lettres

Voltaire ne remet pas en question la censure mais ses règles et les choix pris pour elle. Pour lui, elle est nécessaire à combattre la diffamation mais elle doit s’exercer dans les esprits de tolérance.

Voltaire distingue 2 types d’écrits :

    ❖ Les écrits de littérature (c’est ce qu’il appelle « les Belles lettres « (1))

Pour lui cela est péjoratif, « les autres productions « (9) où il fait une allusion aux textes qui sont en atteinte à la liberté individuelle car il les calomnie : (8) « libelles diffamatoires «. Il utilise un lexique hyperbolique pour disqualifier radicalement ces textes « libelles diffamatoires « (8), « crimes « (8), « infâmes calottes « (9), « horreur et le mépris « (9). Il pointe un paradoxe du côté de la censure qui laisse paraître un texte péjoratif « débite hardiment « (8). En même temps, ils interdisent les œuvres de Bayle.

L’idéal de Voltaire pour être un bon censeur doit se distinguer « réprimer sévèrement « (7), tout ce qui n’œdème pas les esprits des lecteurs. Il inscrit donc le combat entre l’obscurantisme et l’esprit des Lumières.

    ❖ Voltaire fait l’éloge du patrimoine culturel européen

Dès la ligne 4, il y a un parallélisme de construction dans les deux phrases qui se suivent. Les 2 phrases commencent par « si «, construction rhétorique qui présente 2 énumérations d’exemples d’écrivains aussi bien pour l’Italie que l’Angleterre. Enumération d’auteurs : Latins (toutes les littératures européenne en sont héritières) et Anglais (17e et 18e) « S’il y avait eu une inquisition littéraire à Rome, nous n’aurions aujourd’hui ni Horace, ni Juvénal, ni les œuvres philosophiques de Cicéron. Si Milton, Dryden, Pope et Locke n’avaient pas été libres, l’Angleterre n’aurait eu ni des poètes, ni des philosophes. «  (4 à 6)

Il y a un saut dans le temps, pour Voltaire comme beaucoup d’écrivains, l’Angleterre représente un idéal politique de tolérance car ce pays est dirigé par une monarchie parlementaire et se distingue par rapport aux monarchies (comme par ex. 18e : Hugo se réfugie là-bas)

Si ces auteurs tant connus, auraient été interdit par la censure ils n’auraient pu enrichir notre pensée, si ils ont pu faire partie du patrimoine c’est dû au fait qu’ils n’ont pas été censurés.

Voltaire accorde aux écrivains une importance sociale très importante : (10) « Bayle entre en France et que celui qui fait tant d’honneur à sa patrie «

 

II/ La revendication de la liberté d’expression

   B. La liberté d’expression et individuelle (double comparaison)

1ère comparaison des livres à des « denrées « (14)

Réfuter l’idée du commis selon laquelle il y aurait trop de livres. C’est une manière d’introduire une antithèse pour mieux la combattre.

Le livre est assimilé  à une marchandise mais VITALE : les denrées sont de l’argent, elles permettent de faire survivre le peuple. Le livre, par opposition à la denrée est essentiel à notre survie. Cette idée de traiter les livres comme les denrées rejoint l’idéal des Lumières en matière économique (libre circulation des biens) 14 : « en achète qui veut « défendre le libéralisme économique. Cette formule souligne l’idée de la libre circulation des biens économiques, permettant d’avoir le choix. Voltaire associe étroitement la liberté d’expression et individuelle de consommation.

 

2e comparaison qui rapproche Paris d’une grande bibliothèque (14) « une immense bibliothèque ressemble à la vie de Paris «

C’est une comparaison très concrète qui s’inscrit dans l’idéal des Lumières car l’idée d’une immense bibliothèque signifie la libre accession d’un maximum de citoyens au savoir. Dans cette comparaison, les livres sont personnifiés (16) devenir des « amis «. Par cette personnification, Voltaire pousse plus loin car on ne peut être l’ami de tout le monde.  Donc les citoyens de Paris ne peuvent lire tous les livres.

Il souligne cette nécessité d’un choix parmi l’immensité des œuvres. Voltaire utilise une hyperbole des nombres « huit cent mille « (15) pour montrer la nécessité d’un choix sombre dans de grands nombres « sept ou huit mille « (17), « quinze ou seize mille «. Pour parler des périodiques « une foule « (18)

Il justifie l’idée d’un certain chaos (15) « vous ne vivez pas avec tout ce chaos «

Ce qui caractérise ce « chaos «, c’est l’absence d’organisation : Dieu a arrêter le chaos quand il a fait le monde.

Ce « chaos « se traduit par l’immensité du nombre. Celui qui pourrait mettre de l’ordre, c’est « l’homme de goût « (18), celui qui sait reconnaître ce qui en vaut la peine. Le choix appartiendra à « l’homme de goût « qui garantira la liberté. C’est ce qui est dit dans la dernière phrase : « l’homme d’Etat permet le bon et le mauvais « (19) contrairement à « l’homme de goût « qui ne peut faire que le « bon «. Le gouverneur empêcherait les citoyens de penser par eux-mêmes et ce moment-là irait contre la liberté des citoyens.

 

            C’est dans cette « lettre à un premier commis « que Voltaire dénonce la censure étatique à travers une double énonciation, permettant de faire de sa lettre, une lettre ouverte, associant le public au débat. En dénonçant la censure explicitement, il critiquera la proscription  de l’imprimerie. Voltaire développe les pensées de son article, pamphlet satirique et burlesque dans : « de l’horrible danger de la lecture « Dans lequel il attribue tous les progrès de l’humanité grâce à la lecture. Voltaire dessine un idéal puisqu’il revendique la liberté d’expression en faisant l’éloge de la lecture qui selon lui est nécessaire pour la liberté.

 

Liens utiles