lettres montesquieu

L'extrait du roman épistolaire de Montesquieu (1689-1755) et les deux dialogues du corpus font naître tous les trois chez leurs participants, par une maïeutique en marche, les idées de tolérance et d'altruisme. En 1721 Montesquieu (en réalité, Charles Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu) publie un roman épistolaire comprenant 150 lettres numérotées, sans nom d'auteur. Le roman est édité à Amsterdam sous la fausse adresse d'un certain Pierre Marteau à Cologne. Deux Persans, Usbek et Rica, qui viennent d'Ispahan, [Ispahan est une ville de l'ancien empire perse, aujourd'hui de l'Iran, capitale de la province d'Ispahan située au sud de Téhéran] séjournent à Paris de 1712 à 1720. Ils écrivent à des compatriotes de leur pays d'origine. L'irrévérence de Montesquieu à l'égard du roi Louis XIV sénile et dévot, n'épargne pas davantage la très Sainte Eglise Apostolique et Romaine. Le philosophe égratigne le pape et le prétendu mystère de la Sainte Trinité. Le pape est présenté dans ces lettres comme un apprenti sorcier, une « vieille idole », un « magicien » qui fait croire au roi « que trois ne sont qu'un, que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce » (lettre XXIV). La satire est acidulée, virulente, dans ces lettres. Montesquieu (qui fut déclaré par la Sorbonne « mauvais citoyen, ennemi de la saine morale et de toute religion ») se protège de la censure : le genre épistolaire (roman par lettres) met en scène deux étrangers venus de Perse qui jettent un regard assez surpris et naïf sur la société louisquatorzième (le Crépuscule du roi Soleil ). Le roman épistolaire permet un mélange des voix (polyphonie énonciative), un croisement des regards. Les critiques de la société française sont réparties, selon les traits de chaque personnage. C'est un roman à plusieurs voix, ce qui permet de ne pas attirer les foudres des censeurs.