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London, le Mexique puni (extrait).

Publié le 07/05/2013

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London, le Mexique puni (extrait). De Jack London, chacun conserve l'image de l'écrivain aventurier. Une vision qui occulte le Jack London journaliste et témoin engagé de son temps qui, en avril 1914, embarque avec les Marines américains pour l'expédition de Veracruz, afin de couvrir la Révolution mexicaine pour l'hebdomadaire américain Colliers. Des révolutionnaires, il dresse un portrait critique, les jugeant inconsistants, orgueilleux et galvanisés par un instinct plus spontanément prédateur que politique. Le Mexique puni de Jack London Je n'avais encore jamais rencontré un groupe de guerriers aussi étourdis et insouciants ainsi que pourvus d'excellentes provisions et d'alcools ! Chacun d'entre eux était monté et chaque cheval avait évidemment été volé, portant les marques au fer rouge de l'hacienda ou du ranch auquel il avait appartenu : ça allait du Rio Grande à Panuco ! On voyait quelques hommes grisonnants mais presque tous étaient des jeunes. Je dirais même de très jeunes puisqu'il y avait parmi eux des garçons de dix, onze et douze ans avec des éperons superbes et disproportionnés par leur énormité. Ils enfourchaient fièrement leurs chevaux non dressés, portant des images de saints dans leur sombrero, des dagues prises à des soldats tués et des couteaux-poignards enfilés dans leurs guêtres, pistolets et revolvers à la hanche, la ceinture et les épaules déformées par des bandoulières de cartouches qui leur servaient à la fois de ceinture et de colliers ; quant à l'inévitable fusil, il était accroché au pommeau de la selle. Parmi eux se trouvaient des femmes, toutes de jeunes femmes, amazones et soldaderas, les unes en jupe et montant à cheval en amazone et les autres en pantalon et enfourchant leur monture ; mais toutes étaient diablement armées. Et croyez-moi, quand une soldadera s'approche, je n'aimerais pas être un poulet égaré sur son chemin ni un ennemi blessé gisant sur le champ de bataille. Traversant le Panuco sur un bateau à fond plat pour gagner la rive sud, j'essayai de prendre une photo d'une farouche soldadera en jupe. Mais je n'y parvins pas jusqu'à ce que je gagne les faveurs du lieutenant-colonel en actionnant le déclic de mon appareil et en faisant ainsi semblant de le prendre lui et ses officiers. Ils furent tellement ravis qu'ils m'offrirent tout ce qu'ils possédaient et l'ordre fut intimé à la soldadera de faire face à l'appareil. Le fier colonel interrompit même la séance pour la décorer de sa propre ceinture de cartouches, de son couteau et de son revolver. Elle était jeune, forte, sans corset, avec une robe de coton et se trouvait avec les révolutionnaires depuis deux ans, m'apprit-on. Elle venait de loin dans le nord du pays et son seul objectif était d'entrer un jour dans Mexico. Après avoir mis le pied sur la rive sud, j'essayai encore de prendre deux ou trois rebelles sur la pellicule mais j'eus alors à souffrir de l'embarras des riches. Tous les soldats se groupèrent au premier plan -- il y en avait bien un millier -- et mon objectif n'était pas d'assez grand angulaire pour les prendre tous à la fois. En deux temps et trois mouvements, ils adoptèrent les attitudes les plus sanguinaires et je m'en tirai en faisant semblant de les photographier, le film tournant à vide sur place et j'appuyai consciencieusement sur le déclencheur. Ils étaient fiers comme des paons, aussi émotifs et naïfs que des enfants. Juste au moment où je faisais semblant et appuyai sur le déclic pour soi-disant prendre une longue rangée de cavaliers, l'un d'eux trop rempli de vaillance et de feu déchargea accidentellement son fusil. Ses compagnons se moquèrent de lui mais ses officiers ne froncèrent même pas les sourcils : c'était là une chose vraiment trop habituelle. Ces rebelles étaient des chahuteurs se conduisant comme des fous, lesquels avaient échangé la monotonie de la journée de travail pour un long, très long pique-nique de plusieurs années. Ce pique-nique était ce qu'il était, avec un cheval à conduire, un peso et demi par jour, de la bonne nourriture, quelque chance de pouvoir piller et, mieux que tout cela encore, la possibilité de tuer un homme, ce qui, en fin de compte est le jeu le plus exaltant de tous : aller à la chasse de son semblable. Sous les feux du soleil couchant, ces hommes, ces femmes et ces bien jeunes gens mirent leurs chevaux en une file ondulante et disparurent vers le sud, sur la route de Mexico, pleins d'espoir de rattraper quelques-uns de ces diables de Fédéraux à la traîne derrière l'armée en déroute de Zaragoza, les infortunés ! Source : London (J.), Le Mexique puni, trad. Charles-Noël Martin, coll. Découvertes, Éditions Gallimard, 1989. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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