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Maeterlinck, Pelléas et Mélisande (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Maeterlinck, Pelléas et Mélisande (extrait). Cette scène du chef-d'oeuvre de Maeterlinck (mis en musique par Claude Debussy dans son opéra éponyme, créé en 1902) est scandée par trois moments forts (déclaration d'amour, verrous qui se ferment, ombre de Golaud) et voit exploser les tensions accumulées entre les personnages. Les deux jeunes gens se déclarent pour la première fois leur amour ; Mélisande, sachant depuis toujours son impossibilité, accepte d'avance la destinée. Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck (acte IV, scène 4) PELLÉAS C'est le dernier soir... le dernier soir. Il faut que tout finisse... j'ai joué comme un enfant autour d'une chose que je ne soupçonnais pas. J'ai joué, en rêve, autour des pièges de la destinée. Qui est-ce qui m'a réveillé tout à coup ? Je vais fuir en criant de joie et de douleur, comme un aveugle qui fuirait l'incendie de sa maison. Je vais lui dire que je vais fuir... Il est tard ; elle ne vient pas. Je ferais mieux de m'en aller sans la revoir. Il faut que je la regarde bien cette fois-ci. Il y a des choses que je ne me rappelle plus... on dirait par moments qu'il y a cent ans que je ne l'ai plus vue... Et je n'ai pas encore regardé son regard. Il ne me reste rien si je m'en vais ainsi... Et tous ces souvenirs... C'est comme si j'emportais un peu d'eau dans un sac de mousseline ; Il faut que je la voie une dernière fois jusqu'au fond de son coeur... Il faut que je lui dise tout ce que je n'ai pas dit. (Entre Mélisande.) MÉLISANDE Pelléas ? PELLÉAS Mélisande ! Est-ce toi Mélisande ? MÉLISANDE Oui. PELLÉAS Viens ici, ne reste pas au bord du clair de lune, viens ici, nous avons tant de choses à nous dire... Viens ici dans l'ombre du tilleul. MÉLISANDE Laissez-moi dans la clarté. PELLÉAS On pourrait nous voir des fenêtres de la tour. Viens ici ; ici, nous n'avons rien à craindre. Prends garde, on pourrait nous voir ! MÉLISANDE Je veux qu'on me voie. PELLÉAS Qu'as-tu donc ? Tu as pu sortir sans qu'on s'en soit aperçu ? MÉLISANDE Oui, votre frère dormait. PELLÉAS Il est tard, dans une heure on fermera les portes. Il faut prendre garde. Pourquoi es-tu venue si tard ? MÉLISANDE Votre frère avait un mauvais rêve. Et puis ma robe s'est accrochée aux clous de la porte. Voyez, elle est déchirée ; j'ai perdu tout ce temps et j'ai couru. PELLÉAS Ma pauvre Mélisande ! J'aurais presque peur de te toucher. Tu es encore hors d'haleine comme un oiseau pourchassé. C'est pour moi que tu fais tout cela ? J'entends battre ton coeur comme si c'était le mien. Viens ici, plus près de moi. MÉLISANDE Pourquoi riez-vous ? PELLÉAS Je ne ris pas ; ou bien je ris de joie sans savoir... Il y aurait plutôt de quoi pleurer. MÉLISANDE Nous sommes venus ici il y a bien longtemps. Je me rappelle... PELLÉAS Oui... il y a de longs mois. Alors je ne savais pas. Sais-tu pourquoi je t'ai demandé de venir ce soir ? MÉLISANDE Non. PELLÉAS C'est peut-être la dernière fois que je te vois. Il faut que je m'en aille pour toujours. MÉLISANDE Pourquoi dis-tu toujours que tu t'en vas ? PELLÉAS Je dois te dire ce que tu sais déjà ! Tu ne sais pas ce que je vais te dire ? MÉLISANDE Mais non, mais non ; je ne sais rien. PELLÉAS Tu ne sais pas pourquoi il faut que je m'éloigne ? Tu ne sais pas que c'est parce que... je t'aime. MÉLISANDE Je t'aime aussi. PELLÉAS Oh ! Qu'as-tu dit, Mélisande ! Je ne l'ai presque pas entendu. On a brisé la glace avec des fers rougis ! Tu dis cela d'une voix qui vient du bout du monde ! Je ne t'ai presque pas entendue... Tu m'aimes ? Tu m'aimes aussi ? Depuis quand m'aimes-tu ? MÉLISANDE Depuis toujours... depuis que je t'ai vu. PELLÉAS On dirait que ta voix a passé sur la mer au printemps ! Je ne l'ai jamais entendue jusqu'ici. On dirait qu'il a plu sur mon coeur. Tu dis cela si franchement ! Comme un ange qu'on interroge... Je ne puis pas le croire, Mélisande. Pourquoi m'aimerais-tu ? Mais pourquoi m'aimes-tu ? Est-ce vrai ce que tu dis ? Tu ne me trompes pas ? Tu ne mens pas un peu pour me faire sourire ? MÉLISANDE Non, je ne mens pas, je ne mens qu'à ton frère. PELLÉAS Oh ! Comme tu dis cela ! Ta voix ! Ta voix ! Elle est plus fraîche et plus franche que l'eau ! On dirait de l'eau pure sur mes lèvres... On dirait de l'eau pure sur mes mains... Donne-moi, donne-moi tes mains. Oh ! tes mains sont petites ! Je ne savais pas que tu étais si belle ! Je n'avais jamais rien vu d'aussi beau avant toi... J'étais inquiet, je cherchais partout dans la maison... Je cherchais partout dans la campagne, et je ne trouvais pas la beauté... Et maintenant je t'ai trouvée... je l'ai trouvée... je ne crois pas qu'il y ait sur la terre une femme plus belle ! Où es-tu ? Je ne t'entends plus respirer. MÉLISANDE C'est que je te regarde. PELLÉAS Pourquoi me regardes-tu si gravement ? Nous sommes déjà dans l'ombre. Il fait trop noir sous cet arbre. Viens dans la lumière. Nous ne pouvons pas voir combien nous sommes heureux. Viens, viens ; il nous reste si peu de temps. MÉLISANDE Non, non, restons ici... Je suis plus près de toi dans l'obscurité. PELLÉAS Où sont tes yeux ? Tu ne vas pas me fuir ? Tu ne songes pas à moi en ce moment. MÉLISANDE Mais si, je ne songe qu'à toi. PELLÉAS Tu regardais ailleurs. MÉLISANDE Je te voyais ailleurs. PELLÉAS Tu es distraite... Qu'as-tu donc ? Tu ne me sembles pas heureuse. MÉLISANDE Si, si, je suis heureuse, mais je suis triste. PELLÉAS Quel est ce bruit ? On ferme les portes. MÉLISANDE Oui, on a fermé les portes. PELLÉAS Nous ne pouvons plus rentrer ! Entends-tu les verroux ? Écoute, écoute... les grandes chaînes ! Il est trop tard, il est trop tard ! MÉLISANDE Tant mieux ! Tant mieux ! PELLÉAS Tu ? Voilà, voilà... Ce n'est plus nous qui le voulons ! Tout est perdu, tout est sauvé ! Tout est sauvé ce soir ! Viens, viens... mon coeur bat comme un fou jusqu'au fond de ma gorge. (Il l'enlace.) Écoute ! Mon coeur est sur le point de m'étrangler... Viens !... Ah, qu'il fait beau dans les ténèbres ! MÉLISANDE Il y a quelqu'un derrière nous... PELLÉAS Je ne vois personne. MÉLISANDE J'ai entendu du bruit. PELLÉAS Je n'entends que ton coeur dans l'obscurité. MÉLISANDE J'ai entendu craquer les feuilles mortes. PELLÉAS C'est le vent qui s'est tu tout à coup. Il est tombé pendant que nous nous embrassions. MÉLISANDE Comme nos ombres sont grandes ce soir ! PELLÉAS Elles s'enlacent jusqu'au fond du jardin ! Ah ! Qu'elles s'embrassent loin de nous ! Regarde ! Regarde ! MÉLISANDE Ah ! Il est derrière un arbre ! PELLÉAS Qui ? MÉLISANDE Golaud ! PELLÉAS Golaud ? Où don ? Je ne vois rien. MÉLISANDE Là... au bout de nos ombres. PELLÉAS Oui, oui ; je l'ai vu... Ne nous retournons pas brusquement. MÉLISANDE Il a son épée. PELLÉAS Je n'ai pas la mienne. MÉLISANDE Il a vu que nous nous embrassions. PELLÉAS Il ne sait pas que nous l'avons vu. Ne bouge pas ; ne tourne pas la tête. Il se précipiterait. Il nous observe. Il est encore immobile. Va-t'en, va-t'en, tout de suite par ici. Je l'attendrai, je l'arrêterai. MÉLISANDE Non ! PELLÉAS Va-t'en ! MÉLISANDE Non ! PELLÉAS Il a tout vu. Il nous tuera ! MÉLISANDE Tant mieux ! PELLÉAS Il vient ! MÉLISANDE Tant mieux ! PELLÉAS Ta bouche ! Ta bouche ! MÉLISANDE Oui ! oui ! oui ! PELLÉAS Oh ! Oh ! Toutes les étoiles tombent ! MÉLISANDE Sur moi aussi ! Sur moi aussi ! PELLÉAS Encore ! Encore ! Donne... MÉLISANDE Toute !... ... toute, toute ! PELLÉAS ... donne, donne... (Golaud se précipite et frappe Pelléas de son épée.) MÉLISANDE Oh ! Oh ! Je n'ai pas de courage ! Je n'ai pas de courage ! Ah ! Source : Maeterlinck (Maurice), Pelléas et Mélisande, in Livrets d'opéra, tome I, Paris, Robert Laffont, 1991. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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« MÉLISANDE Mais non, mais non ; je ne sais rien. PELLÉAS Tu ne sais pas pourquoi il faut que je m’éloigne ? Tu ne sais pas que c’est parce que… je t’aime. MÉLISANDE Je t’aime aussi. PELLÉAS Oh ! Qu’as-tu dit, Mélisande ! Je ne l’ai presque pas entendu.

On a brisé la glace avec des fers rougis ! Tu dis cela d’une voix qui vient du bout du monde ! Je ne t’ai presque pas entendue… Tu m’aimes ? Tu m’aimes aussi ? Depuis quand m’aimes-tu ? MÉLISANDE Depuis toujours… depuis que je t’ai vu. PELLÉAS On dirait que ta voix a passé sur la mer au printemps ! Je ne l’ai jamais entendue jusqu’ici.

On dirait qu’il a plu sur mon cœur.

Tu dis cela si franchement ! Comme un ange qu’on interroge… Je ne puis pas le croire, Mélisande.

Pourquoi m’aimerais-tu ? Mais pourquoi m’aimes-tu ? Est-ce vrai ce que tu dis ? Tu ne me trompes pas ? Tu ne mens pas un peu pour me faire sourire ? MÉLISANDE Non, je ne mens pas, je ne mens qu’à ton frère. PELLÉAS Oh ! Comme tu dis cela ! Ta voix ! Ta voix ! Elle est plus fraîche et plus franche que l’eau ! On dirait de l’eau pure sur mes lèvres… On dirait de l’eau pure sur mes mains… Donne-moi, donne-moi tes mains.

Oh ! tes mains sont petites ! Je ne savais pas que tu étais si belle ! Je n’avais jamais rien vu d’aussi beau avant toi… J’étais inquiet, je cherchais partout dans la maison… Je cherchais partout dans la campagne, et je ne trouvais pas la beauté… Et maintenant je t’ai trouvée… je l’ai trouvée… je ne crois pas qu’il y ait sur la terre une femme plus belle ! Où es-tu ? Je ne t’entends plus respirer. MÉLISANDE C’est que je te regarde. PELLÉAS Pourquoi me regardes-tu si gravement ? Nous sommes déjà dans l’ombre.

Il fait trop noir sous cet arbre.

Viens dans la lumière.

Nous ne pouvons pas voir combien nous sommes heureux.

Viens, viens ; il nous reste si peu de temps. MÉLISANDE Non, non, restons ici… Je suis plus près de toi dans l’obscurité. PELLÉAS Où sont tes yeux ? Tu ne vas pas me fuir ? Tu ne songes pas à moi en ce moment. MÉLISANDE Mais si, je ne songe qu’à toi. PELLÉAS Tu regardais ailleurs. MÉLISANDE Je te voyais ailleurs. PELLÉAS Tu es distraite… Qu’as-tu donc ? Tu ne me sembles pas heureuse. MÉLISANDE Si, si, je suis heureuse, mais je suis triste. PELLÉAS Quel est ce bruit ? On ferme les portes. MÉLISANDE Oui, on a fermé les portes. PELLÉAS Nous ne pouvons plus rentrer ! Entends-tu les verroux ? Écoute, écoute… les grandes chaînes ! Il est trop tard, il est trop tard ! MÉLISANDE Tant mieux ! Tant mieux ! PELLÉAS Tu ? Voilà, voilà… Ce n’est plus nous qui le voulons ! Tout est perdu, tout est sauvé ! Tout est sauvé ce soir ! Viens, viens… mon cœur bat comme un fou jusqu’au fond de ma gorge. (Il l’enlace.) Écoute ! Mon cœur est sur le point de m’étrangler… Viens !… Ah, qu’il fait beau dans les ténèbres !. »

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