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mençant à devenir riches, ont moins de peine à faire de grandes acquisitions qu'ils n'ont eu auparavant, étant plus pauvres, à en faire de beaucoup moindres.

Publié le 22/10/2012

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mençant à devenir riches, ont moins de peine à faire de grandes acquisitions qu'ils n'ont eu auparavant, étant plus pauvres, à en faire de beaucoup moindres. Ou bien on peut les comparer aux chefs d'armée, dont les, forces ont coutume de croître à proportion de leurs victoires, et qui ont besoin de plus de conduite * pour se maintenir après la perte d'une bataille qu'ils n'ont, après l'avoir gagnée, à prendre des villes et des provinces. Car c'est véritablement donner des batailles que de tâcher à vaincre toutes les difficultés et les erreurs qui nous empêchent de parvenir à la connaissance de la vérité; et c'est en perdre une que de recevoir quelque fausse opinion touchant une matière un peu générale et importante : il faut, après, beaucoup plus d'adresse pour se remettre au même état qu'on était auparavant qu'il ne faut à faire de grands progrès lorsqu'on a déjà des principes qui sont assurés. Pour moi, si j'ai ci-devant trouvé quelques vérités dans les sciences (et j'espère que les choses qui sont contenues en ce volume feront juger que j'en ai trouvé quelques-unes), je puis dire que ce ne sont que des suites et des dépendances de cinq ou six principales difficultés que j'ai surmontées, et que je compte pour autant de batailles où j'ai eu l'heur de mon côté : même je ne craindrai pas de dire que je pense n'avoir plus besoin d'en gagner que deux ou trois autres * Prudence. semblables pour venir entièrement à bout de mes desseins; et que mon âge n'est point si avancé que, selon le cours ordinaire de la nature, je ne puisse encore avoir assez de loisir pour cet effet. Mais je crois être d'autant plus obligé à ménager le temps qui me reste que j'ai plus d'espérance de le pouvoir bien employer; et j'aurais sans doute plusieurs occa sions de le perdre si je publiais les fondements de ma physique. Car, encore qu'ils soient presque tous si évidents qu'il ne faut que les entendre pour les croire, et qu'il n'y en ait aucun dont je ne pense pouvoir donner des démonstrations, toutefois, à cause qu'il est impossible qu'ils soient accordants avec toutes les diverses opinions des autres hommes, je prévois que je serais souvent diverti par les oppositions qu'ils feraient naître. On peut dire que ces oppositions seraient utiles, tant afin de me faire connaître mes fautes qu'afin que, si j'avais quelque chose de bon, les autres en eussent par ce moyen plus d'intelligence et, comme plusieurs peuvent plus voir qu'un homme seul, que, commençant dès maintenant à s'en servir, ils m'aidassent aussi de leurs inventions. Mais encore que je me reconnaisse extrêmement sujet à faillir, et que je ne me fie quasi jamais aux premières pensées qui me viennent, toutefois l'expérience que j'ai des objections qu'on me peut faire m'empêche d'en espérer aucun pro fit : car ' j'ai déjà souvent éprouvé les jugements tant de ceux que j'ai tenus pour mes amis que de quelques autres à qui je pensais être indifférent, et même aussi de quelques-uns dont je savais que la malignité et l'envie tâcheraient assez à découvrir ce que l'affection cacherait à mes amis; mais il est rarement arrivé qu'on m'ait objecté quelque chose que je n eusse point du tout prévue, si ce n'est qu'elle fût fort éloignée de mon sujet : en sorte que je n'ai quasi jamais rencontré aucun censeur de mes opinions qui ne me semblât ou moins rigoureux ou moins équitable que moi-même. Et je n'ai jamais remarqué non plus que par le moyen des disputes * qui se pratiquent dans les écoles on ait découvert aucune vérité qu'on ignorât auparavant. Car pendant que chacun tâche de vaincre, on s'exerce bien plus à faire valoir la vraisemblance qu'à peser les raisons de part et d'autre : et ceux qui ont été longtemps bons avocats ne sont pas pour cela par après meilleurs juges. Pour l'utilité que les autres recevraient de la communication de mes pensées, elle ne pourrait aussi être fort grande, d'autant que je ne les ai point encore conduites si loin qu'il ne soit besoin d'y ajouter beaucoup de choses avant que de les appliquer à l'usage. Et je pense pouvoir dire sans vanité que s'il y a quelqu'un qui en soit capable, ce doit être plutôt moi qu'aucun autre : non pas qu'il ne puisse y avoir au monde plusieurs esprits in- * Conférences publiques suivies de débat.

« 170 Discours de la méthode semblables pour venir entièrement à bout de mes desseins; et que mon âge n'est point si avancé que, selon le cours ordinaire de la na­ ture, je ne puisse encore avoir assez de loisir pour cet effet.

Mais je crois être d'autant plus obligé à ménager le temps qui me reste que j'ai plus d'espérance de le pouvoir bien em­ ployer; et j'aurais sans doute plusieurs occa­ sions de le perdre si je publiais les fonde­ ments de ma physique.

Car, encore qu'ils soient presque tous si évidents qu'il ne faut· que les entendre pour les croire, et qu'il n'y en ait aucun dont je ne pense pouvoir donner des.

démonstrations, toutefois, à cause qu'il est impossible qu'ils soient accordants avec toutes les diverses opinions des autres hom­ mes, je prévois que je serais s.ouvent diverti par les oppositions qu'ils feraient naître.

On peut dire que ces oppositions seraient utiles, tant afin de me faire connaître mes fautes qu'afin que, si j'avais quelque chose de bon, les autres en eussent par ce moyen plus d'intelligence et, comme plusieurs peuvent plus voir qu'un homme seul, que, commen­ çant dès maintenant à s'en servir, ils m'aidas­ sent aussi de leurs inventions.

Mais encore que-.

je me reconnaisse extrêmement sujet à faillir, et que je ne me fie quasi' jamais aux premières pensées qui me viennent, toutefois · l'expérience que j'ai des objections qu'on me peut faire mrempêche d'en espérer aucun pro­ fit : car· j'ai déjà souvent éprouvé les juge­ ments tant de ceux que j'ai tenus pour mes. »

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