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nouvelle heloise

Publié le 02/11/2015

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Corrigé du texte de Rousseau : Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! (Extrait de la nouvelle Eloïse, 1761) « Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu'il possède. On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère, et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux. En effet, l'homme avide et borné1, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu'il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l'objet même ; rien n'embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure2 point ce qu'on voit ; l'imagination ne pare plus rien de ce qu'on possède, l'illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères3 est en ce monde le seul digne d'être habité et tel est le néant des choses humaines, qu'hors de l'Etre4 existant lui-même, il n'y a rien de beau que ce qui n'est pas. Si cet effet n'a pas toujours lieu sur des objets particuliers de nos passions, il est infaillible dans le sentiment commun5 qui les comprend toutes. Vivre sans peine n'est pas un état d'homme ; vivre ainsi c'est être mort. Celui qui pourrait tout sans être Dieu, serait une misérable créature ; il serait privé du plaisir de désirer ; toute autre privation serait plus misérable. » Rousseau, La Nouvelle Héloïse, 1761. Ce corrigé n'est pas rédigé. Mais il met en avant les différentes étapes que vous pouvez suivre au brouillon. Mes remarques méthodologiques seront-elles notées en gras et italiques . Le thème général : est bien entendu le désir. Et le rapport que nous entretenons avec le désir. Mais attention bcp trop d'élèves cherchent à simplement lire le texte qu'ils ont sous les yeux, comme si cela suffisait pour l'expliquer. La simple répétition n'est pas satisfaisante. Il faut au moins essayer de relever et la thèse et le problème philosophique auquel fait face Rousseau : La thèse originale est subtile : la nature humaine est construite sur un malheur : « l'homme avide et borné, fait pour tout vouloir, et obtenir peu. » c'est-à-dire que l'homme sera sans cesse malheureux car il ne peut pas obtenir tout ce qu'il désire. La satisfaction ne peut pas le combler. Du coup cette nature humaine est à l'origine d'un paradoxe : « on est heureux qu'avant d'être heureux. ». L'homme ne peut pas être heureux, et « le pays des chimères est le seul digne d'être habité. ». Vous voyez déjà que considéré ainsi le texte prend un relief nouveau. D'accord la présentation de la thèse ne respecte pas la règle du commentaire linéaire, puisque je redécoupe le texte. Mais c'est obligatoire : si vous ne comprenez pas le texte dans sa singularité, vous ne pouvez pas l'expliquer. Donc un conseil, et un seul pour votre prochain commentaire : lisez, relisez, rerelisez, rererelisez le texte avant de vous lancer dans la rédaction. Et tant que vous n'avez pas dégagé la thèse, et il faut continuer à le re-re-re-re-re-re-re-relire? Quel est l'intérêt philosophique ? La position de Rousseau se distingue de celle des philosophies antiques, qui rejettent le désir ou du moins qui réclament un contrôle rationnel. Il faudra pouvoir comparer la position de Rousseau par rapport à l'épicurisme ou le stoïcisme, et comprendre comment pour des raisons morales il rejette ces philosophies de la volonté. Mais il s'oppose aussi à une philosophie spinoziste (de Spinoza) qui considère que certes le désir est l'essence de l'homme, mais que sa réalisation peut permettre la béatitude. La philosophie de Spinoza est une philosophie du bonheur. Alors que, encore une fois, celle de Rousseau est une philosophie du malheur. Une question vous taraude, j'en suis sûr : quelle place réserver à vos connaissances philosophiques, qui hantent votre esprit tout au long de votre travail ? Donc voilà un petit conseil : N'hésitez pas à faire des parallèles. Rousseau s'oppose à toutes les philosophies de la jouissance, et en tout premier lieu l'épicurisme. Epicure nous apprend que toute jouissance est bonne, si on respecte deux conditions : que le plaisir soit facilement renouvelable, et donc qu'il ne donne pas lieu à une trop longue attente. Ce que cherche le philosophe grec, c'est l'ataraxie. Au contraire dans ce texte, on apprend que c'est l'attente qui est source de joie. D'où vient cette différence d'appréciation ? Sans aucun doute d'une lecture différente de la nature humaine : Epicure est un philosophe matérialiste, et pour lui le corps est source du bien et du mal. Au contraire chez Rousseau l'imagination joue un rôle fondateur de sens. L'homme est donc esprit, esprit torturé mais esprit qui domine son corps. L'homme est malheureux par nature. Quel est le plan du texte ? : Ce texte peut être découpé en quatre parties. Avant de les énoncer, je rappelle deux principes qui doivent vous permettre d'éviter ces reproches (notamment celui de la paraphrase) : tout d'abord Rousseau n'a pas voulu découpé son texte. Notre travail est donc artificiel, et plusieurs découpages sont possibles. Ils ont pour utilité de mettre en avant les grandes étapes du raisonnement. Plus important en revanche est d'identifier la stratégie de pensée de l'auteur, c'est-à-dire la raison pour laquelle il a écrit ce texte. Demandez-vous toujours pourquoi ce texte était nécessaire, et pourquoi sous cette forme. Ici nous avons affaire à un discours, qui est énoncé avec des effets de rhéteur : Rousseau veut dénoncer une illusion répandue sur le désir. Peut-être un de ces tartuffe qui veulent nous voir vivre une vie recluse, sous prétexte d'un pathétique bonheur? . La Nouvelle Héloïse est un roman épistolaire, où un jeune homme -Saint Preux- amoureux de la jeune Julie, cherche à l'éduquer. Il ne vous était pas interdit, dans la mesure où c'était un devoir maison, de vous renseigner sur Rousseau et son ?uvre. La finalité de ce texte est sans aucun doute la persuasion, mais pas directement du lecteur qui découvre ces lettres. Il s'agit plutôt d'une auto persuasion que la peine et la douleur sont bien douces, par rapport à la faiblesse huamine. 1ère partie : Ligne 1 à «? avant d'être heureux »  Rousseau annonce sa thèse, mais sans rien démontrer. Cet effet d'annonce est provocateur, mais aussi prédicateur. Rousseau se veut le directeur de conscience, qui va réussir à convaincre ses brebis de revenir dans le droit chemin. Qui sont ces brebis égarées ? Tous les philosophes froids de c?ur, qui refusent de se soumettre à leur nature imaginative. Au moins tâchez dans votre travail de commentaire de noter la forme du discours. Ici il y a une note dramatique : ce que décrit Rousseau c'est la perte de l'individu, la misère parmi la misère. Rousseau ensuite développe son avertissement en posant deux propositions qu'il ne démontre pas, mais qui semblent évidentes. Le travail dans la suite du texte sera de développer ces deux propositions. On peut même noter que les deux prochaines parties ne sont que le développement de ces deux propositions fondatrices donc d'une nouvelle éthique : celle du malheur, car ce que décrit Rousseau, ce n'est pas un homme heureux, mais prisonnier d'une situation paradoxale : d'une part on ne jouit que dans l'espérance (et non la consommation), et d'autre part on n'est heureux qu'avant d'être heureux, ce qui est plutôt paradoxal. Il est donc très important dans votre commentaire de faire ressortir deux éléments : Tout d'abord la cohérence globale du texte, puis ensuite la valeur de chaque argument avec sa logique interne. 2ème partie : de « En effet? » à « ?au gré de sa passion ». Rousseau va donc développer sa première proposition, à savoir qu'on ne profite du plaisir que dans l'espoir. Il appuie sa démonstration (Qu'est-ce qu'une démonstration ? C'est lorsqu'on réussit à démontrer la nécessité de sa proposition. Ainsi Rousseau cherche à montrer que ses choix philosophiques ne sont pas arbitraires, mais découlent d'une logique à laquelle chacun peut adhérer.) sur une description de la nature humaine ; Il fait donc ?uvre d'anthropologie : la nature humaine est avide et bornée, c'est-à-dire que la volonté est disproportionnée par rapport aux capacités à obtenir. Encore une fois cette description n'est pas joyeuse. Un peu comme Blaise Pascal, Rousseau insiste sur la misère humaine, et son tableau n'est donc pas très élogieux. Heureusement, deuxième partie de l'argument, l'imagination est cette force consolante qui va nourrir l'espoir. La raison pour laquelle le plaisir se trouve dans l'attente, c'est que notre imagination peut embellir cette attente. Attention, l'imagination n'est pas la volonté. Nous ne pouvons pas la contrôler. Il est important d'être capable de travailler sur le sens des concepts, c'est-à-dire les mots moteurs du texte. Pour les définir, vous pouvez les comparer avec ce qu'ils ne sont pas. Le rôle principal de l'imagination est de produire un substitut de bonheur, mais de manière subtile, puisqu'il s'git de le modifier au gré de notre passion. Qu'est-ce qu'une passion ? C'est un sentiment qui domine notre comportement. Cela peut être l'amour, la peur, la haine, mais aussi le désir de posséder, la vanité, la mélancolie, l'orgueil ou l'angoisse. Notre imagination n'est donc pas un projet conscient, mais plutôt la dérive d'un bateau ivre, qui se laisse aller sur les courants de nos sentiments. 3ème partie : de « Mais tout ce prestige? » à « ?qui les comprend toutes ». Développement de la deuxième proposition, la plus paradoxale et la plus riche : on n'est jamais heureux qu'avant d'être heureux. Pourquoi ? Car tout ce prestige disparaît devant l'objet même. Notez donc bien que Rousseau ne fait que développer l'argument qui vient soutenir sa proposition. Si Le payse des chimères est le plus agréable, c'est parce qu'il est le plus beau. C'est le néant des choses humaines, car là encore c'est une misère de l'homme. Ce passage est particulièrement difficile à comprendre car il témoigne d'un vrai désespoir chez Rousseau : Seul le sentiment de Dieu, c'est-à-dire la foi en son existence, peut dépasser la beauté du virtuel. Tout le reste, tout ce qui existe est médiocre, terne, sans relief. Si on avait le droit aux anachronisme, on pourrait dire que Rousseau aurait adoré le cinéma, beaucoup plus beau que la réalité, et peut-être même qu'il aurait aimer jouer aux sims pour connaître un monde plus merveilleux. Peut-être aussi qu'il aurait pu se réfugier dans les paradis artificiels décrit par Baudelaire au 19ème siècle. Du moins aurait-il compris les raisons qui peuvent pousser un être humain à se réfugier en dehors de la réalité. Car notre réalité est triste. Ce n'est qu'un Néant. Heureusement l'espoir nous sauve. 4ème partie. Ligne 14 à la fin Les trois dernières lignes ont la forme de sentence. Nous retrouvons le ton dramatique et prédicateur du début du texte : Rousseau s'érige en directeur de conscience : L'homme ne peut pas ne pas connaître la douleur, car la satisfaction totale n'est que misère plus noire que l'insatisfaction. Nous sommes de plus en plus loin des philosophies eudémonistes de l'antiquité : Epicure nous proposait un long travail sur nos désirs, mais tout au moins cela permettait d'accéder à l'ataraxie. Avec Rousseau, seul Dieu peut tout. Mais ce n'est pas uniquement parce qu'il est puissant. C'est aussi parce qu'il peut se contenter de ce tout. L'homme serait lui triste s'il possédait tout, car il a besoin d'espérer de fantasmer et d'imaginer. Rousseau aurait sans doute été un fervent lecteur du Meilleur des mondes de Huxley : ce monde où tous les gens sont heureux donne la nausée, et le protagoniste principal du roman d'anticipation fait tout pour sortir et rejoindre ces quelques humains qui souffrent encore, car -et c'est là l'idée principale- la souffrance est ce qui fait que notre existence est humaine. D'où la nécessité de désirer, et l'inhumanité de ne pas vouloir désirer (comme les stoïciens et les épicuriens.) Conclusion  (rédigée): Rousseau dans ce texte nous fait donc une description de la nature humaine pour montrer que le désir est nécessaire à notre existence. Non pas que cela puisse nous permettre de « progresser » en obtenant ce qu'o désire, mais parce que le désir est ce qui fait que notre existence humaine est un peu colorée. Nous pouvons donc noter que ce texte s'oppose à toutes les philosophies de l'antiquité qui veulent qu'on s'attaque à notre nature, qui dévalorisent l'imagination, et qui nous demandent un effort constant de la volonté. Mais cette humanité a un prix, qu'il faut payer : celle de notre malheur inhérent à notre nature, face à une réalité triste à mourir. La conclusion doit être brève et synthétique. Elle rappelle rapidement les principaux moments du texte, et surtout après elle explique pourquoi ce texte est important, en faisant le lien avec d'autres philosophies connues, et les différentes parties de votre programme auxquelles elle se réfère. Introduction (rédigée) Ce qui caractérise les philosophies eudémonistes, c'est leur optimisme : elles pensent que grâce à un travail rationnel de la volonté, nous pourrons échapper à l'emprise des désirs. Que ce soit le stoïcisme ou l'épicurisme, nous ne sommes malheureux que dans la mesure où l'homme est faible par rapport à ces désirs. Or ce qui va caractériser le problème du texte qui nous est proposé, ce n'est pas cette thématique de la volonté. Au contraire, ce que va montrer Rousseau, c'est que loin de nous rendre malheureux, les désirs nous fournissent la seule possibilité de jouir de l'existence, car avec le désir se trouve et l'espoir et l'imagination. Le désir embellit un monde, qui autrement est terne, triste. Nous ne sommes pas Dieu, et donc nous ne pouvons nous contenter de la réalité. Pour construire cet extrait, Rousseau emploie une méthode simple : il fait deux propositions, expliquant pourquoi il serait triste de ne plus désirer. Ensuite il démontre ses deux propositions, pour enfin conclure à travers une prédication sans appel pour la nature humaine. L'introduction doit donc respecter plusieurs étapes. Elle doit expliquer le thème (de quoi parle le texte), le problème (quelle question a motivé l'écriture de ce texte), la thèse (la réponse qu'a apporté l'auteur), et enfin la structure du texte. Il est à noter que souvent vous avez une lecture parcellaire du texte. Au contraire il faut essayer de mettre en avant sa cohérence, et la stratégie globale de l'auteur.

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