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Novalis, Hymnes à la nuit (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Novalis, Hymnes à la nuit (extrait). Empreints de mysticisme funèbre, les Hymnes célèbrent l'amour en deuil, la nuit éternelle du coeur. Y reconnaissant la voie de l'amour divin et de la béatitude -- dont Sophie, l'inspiratrice disparue, sera l'initiatrice --, Novalis laisse la Nuit et son monde magique s'imposer à lui comme un emportement joyeux. Il accueille son vertige sacré dans une poésie fluide, dont les ondulations sont modelées par les variations des états de son âme lyrique et endeuillée. Hymnes à la nuit de Novalis Loin d'elle je me détourne vers l'ineffable, la sainte, la mystérieuse Nuit. Le monde est loin -- sombré dans l'abîme -- à sa place tout n'est plus que solitude et désert. Un souffle de mélancolie fait frissonner les fibres de mon âme. Je voudrais tomber en gouttes de rosée et me mêler à la cendre. -- Lointains souvenirs, voeux juvéniles, rêves de l'enfance, joies vaines, espoirs fugitifs d'une longue vie, tous viennent à moi, vêtus de gris, comme les brouillards du soir au soleil couché. La Lumière est allée planter dans d'autres contrées ses tentes de joie. Ne reviendra-t-elle jamais vers ses enfants qui espèrent son retour avec la foi de l'innocence ? Quel est ce pressentiment que je sens sourdre sous mon coeur et qui résorbe cette molle atmosphère de tristesse ? Aurais-tu, toi aussi, quelque complaisance pour nous, sombre Nuit ? Sous ton manteau, qu'est-ce donc que tu portes ? Quel est cet invisible aimant qui s'empare de mon âme ? Un baume précieux coule goutte à goutte de la gerbe de pavots que tu tiens dans ta main. Tu relèves les ailes appesanties de l'âme. Un obscur, un ineffable émoi nous saisit -- plein d'effroi et de joie, je vois s'incliner vers moi un grave visage tout empreint de douceur et de recueillement et, sous une forêt de boucles emmêlées, je reconnais les traits de la Mère en son gracieux printemps. Qu'elle me semble pauvre et puérile, à présent, cette Lumière -- heureux et béni l'adieu du jour ! -- Ainsi donc, c'est parce que la Nuit détourne de toi tes fidèles que tu as semé dans l'espace infini ces globes lumineux, destinés à proclamer ta toute-puissance -- à annoncer ton retour -- au temps où tu es loin ? Plus divins que les étoiles scintillantes nous semblent les yeux infinis que la Nuit a ouverts en nous. Leur regard porte bien au-delà des astres les plus pâles d'entre tes armées innombrables -- sans faire appel à l'aide de la Lumière, ils percent les profondeurs d'un coeur aimant, emplissant d'une volupté indicible l'espace qui est au-dessus de l'espace. Célébrons la Reine de l'univers, sublime messagère des mondes sacrés, prêtresse d'un céleste amour -- Elle t'envoie vers moi -- tendre amoureuse -- gracieux soleil de la Nuit -- c'est à présent que je veille -- que je suis mien et tien à la fois -- tu m'as révélé que la Nuit, c'est la vie -- tu m'as fait homme. -- Consume mon corps de la flamme spirituelle, et que réduit en une aérienne substance je me mêle à toi d'union plus intime, afin que dure pour l'éternité notre nuit de noces. Source : Novalis, Hymnes à la nuit, trad. par Geneviève Bianquis, Paris, Aubier-Montaigne, coll. « bilingue des classiques étrangers «, 1943. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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