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Olof Palme pèlerin du tiers-monde et du désarmement

Publié le 22/02/2012

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28 février 1986 - Un visage émacié, des yeux comme fiévreux, des mains en perpétuel mouvement... Il y avait du prédicateur chez cet homme-là, qui donnait toujours l'impression de ne jamais avoir connu le doute et qui ne détestait rien tant que d'avoir à reconnaître une erreur. Président depuis 1969 du Parti social-démocrate suédois, Olof Palme avait exercé les fonctions de premier ministre de 1969 à 1976. Il avait repris la tête du gouvernement depuis la victoire de PSD aux élections de 1982. Volontiers cassant, autoritaire, avec ses adversaires politiques suédois, Olof Palme changeait du tout au tout lorsqu'il avait affaire à un interlocuteur étranger qu'il avait décidé de charmer et de convaincre. La discussion pouvait alors se prolonger fort tard dans la nuit, et le premier ministre passait vite au tutoiement, de rigueur en Suède. Seule la politique étrangère faisait réellement " vibrer " Olof Palme, et beaucoup de Suédois, confusément, lui reprochaient de ne pas s'intéresser suffisamment à eux. Et c'est vrai qu'Olof Palme donnait parfois l'impression de regretter d'être né dans un pays trop petit pour qu'il puisse donner la pleine mesure de ses talents. Peut-être est-ce pour cela qu'il se transforma vite en pèlerin international, épousant toutes les " bonnes causes " du moment, quitte à passer pour un moraliste impénitent et, finalement, sans grande prise sur l'événement. Défense du castrisme, lutte contre la guerre du Vietnam, dénonciation de l'apartheid, combat pour les Palestiniens, éloge du Nicaragua ( où il fit un voyage remarqué en 1984), plaidoyer pour le dialogue Nord-Sud : les passions d'Olof Palme étaient celles du " tiers-mondiste " type. Il les exprimait sans concession, et c'est sans doute pourquoi ses relations personnelles n'ont jamais été bonnes avec un homme comme François Mitterrand, auquel il reprochait en privé d'avoir mis trop d'eau dans son vin socialiste et de se comporter en monarque condescendant. En même temps, Olof Palme ne se cachait pas de reprocher aux socialistes français les nationalisations de 1981, car cet homme généreux et quelque peu sectaire était aussi un ardent défenseur de la liberté d'entreprendre et du capitalisme privé... Mais ce sont ses conceptions en matière de sécurité et de désarmement qui l'éloignaient le plus du socialisme français. Partisan d'un neutralisme actif, Olof Palme, qui a toujours été hostile à la force de dissuasion française, avait détesté l'intervention de François Mitterrand dans la bataille des euromissiles et avait fait alliance avec Andreas Papandréou pour tenter de retarder la mise en place des Pershing 2 et des missiles de croisière. Sympathisant avoué du mouvement pacifiste, il était partisan du maintien d'un dialogue permanent avec Moscou, où il devait d'ailleurs se rendre quelques semaines plus tard, en partie pour tenter de régler l'irritante question des incursions de sous-marins soviétiques dans les eaux territoriales suédoises. Ce qui ne l'empêchait d'ailleurs pas de poursuivre sa bataille en faveur de la création d'une zone dénucléarisée dans la Baltique et, en tant que président de la commission sur le désarmement qui porte son nom, de prôner la mise en place d'un " couloir dénucléarisé " entre les deux parties de l'Europe. Ces contradictions entre Suédois et Français étaient palpables à chaque réunion de l'Internationale socialiste, où il est arrivé qu'Olof Palme vote par exemple une résolution condamnant les essais nucléaires français dans le Pacifique. L'affaire du Rainbow-Warrior n'avait, bien sûr, pas contribué à ramener le premier ministre suédois à de meilleurs sentiments. Olof Palme était-il prosoviétique ? Certainement pas, et, en privé-moins souvent en public,-il dénonçait sans ambiguïté la " dictature " soviétique. Mais, pour lui, il fallait " vivre avec " et savoir attendre avec patience une évolution qui ne manquerait pas de se produire un jour. Il ne faisait pas preuve de la même tolérance, en revanche, à l'égard des Etats-Unis, auxquels il prêtait les pires intentions. Le rêve secret d'Olof Palme a-t-il été d'être secrétaire général des Nations unies ? Beaucoup de ses proches le pensent, même si les règles géographiques qui président au choix du secrétaire général ne l'auraient jamais favorisé. Le fait est, en tout cas, qu'il aurait trouvé à New-York une tribune à la dimension de ses engagements et d'une certaine conception utopique qu'il avait du monde. Car Olof Palme n'a jamais eu besoin de réussir pour persévérer. C'est ainsi qu'il menait depuis des années une mission de conciliation entre l'Irak et l'Iran que lui avait confiée Javier Perez de Cuellar. Cela l'avait d'ailleurs mené à critiquer, une fois de plus, Paris, pour ses livraisons d'armes à Bagdad... JACQUES AMALRIC Le Monde du 2-3 mars 1986

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