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par quels procédés les auteurs cherchent-ils à rallier leur auditoire à leur cause ?

Publié le 04/06/2012

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CORRECTION DU CORPUS p. 226 à 229.

 

La question.

Le combat pour l’abolition de la peine de mort a débuté dès le 18ème siècle et a mobilisé bon nombre d’intellectuels français.(amorce). Parmi eux, nous pouvons citer Robespierre, Hugo et Camus. Que ce soit dans le Discours contre la peine de mort que Robespierre prononça en 1791, dans le roman Le dernier jour d’un condamné que Victor Hugo a écrit en 1832 ou dans l’essai publié par Camus en1957, Réflexions sur la guillotine, nous voyons que tous ces auteurs argumentent pour faire changer l’opinion publique majoritairement favorable à la peine capitale (Présentation du corpus, noms des auteurs, titres soulignés des œuvres, dates de publication, points communs des textes). Par quels procédés ces auteurs cherchent-ils à rallier leur auditoire à leur cause ? (question donnée par le sujet)

 

(Ce corrigé est bien plus complet que ce qui peut être attendu d’un élève de seconde. Il cherche à balayer l’ensemble des réponses possibles et ressemble à ce qu’on peut espérer d’un bon élève de 1ère.)

 

Si les formes varient, tous les textes du corpus ont un même but : montrer qu’il faut abolir la peine de mort. Robespierre a recours à l’argumentation directe. Il emploie le discours comme l’indique le titre : «  Discours contre la peine de mort ». C’est aussi le choix de l’argumentation directe que fait Camus puisqu’il a rédigé un essai c’est-à-dire une œuvre qui se propose de développer un point de vue particulier sur des problèmes divers. Pour argumenterr l’essayiste peut persuader autrui grâce à la forme d’un discours intime et subjectif, ou convaincre en s’appuyant sur des faits, par exemple. C’est bien ce que fait Camus quand il s’appuie sur son propre vécu par l’anecdote autobiographique développée de la ligne 1 à la ligne 18 : il évoque sa famille en disant « mon père », « ma mère » (l.7, 11). Ainsi le discours prend un aspect intime propre à persuader. Mais Camus veut aussi convaincre dans la 2ème partie du texte, où l’énonciation est impersonnelle comme le montrent le « Il faut croire » (l. 19) ou le « il paraît difficile » (l.23) ou encore le « il éclate » (l. 25). Un connecteur logique figure l.25 : « au contraire », pour marquer l’opposition entre la thèse rejetée qui légitime la peine capitale et la thèse défendue énoncée explicitement : «  Il éclate au contraire qu’elle (la peine de mort) n’est pas moins révoltante que le crime, et que ce nouveau meurtre (…) ajoute une nouvelle souillure à la première ». Comme nous le voyons, Camus utilise un raisonnement déductif, partant du cas particulier – ce qu’il a personnellement vécu- pour aller vers une généralisation. Si Robespierre et Camus ont choisi l’argumentation directe, Hugo, lui, a fait le choix d’une argumentation indirecte par une fiction rédigée à la 1ère personne du singulier  que nous trouvons l. 5 « j’habite », l. 11 « mon imagination » ou l. 30 « ma lampe ». Le dernier jour d’un condamné est un faux journal intime, récit du passé du condamné et de ce qu’il vit quelques heures avant son exécution. Nous retrouvons les temps du récit, notamment l’imparfait avec « avait » (l. 6), « s’amusait » (l. 7) ou « c’était » (l12) ou le présent à valeur d’énonciation. Citons, par exemple, »j’habite », « se mêle » ou « il me semble ». Hugo laisse donc le soin au lecteur de généraliser son propos à tous les condamnés à mort.

 

Si le type d’argumentation varie, les registres des textes varient aussi. Robespierre et Camus emploient un ton polémique. Chez le premier, nous trouvons des questions oratoires lignes 13 à 16 : « (…) quel principe peut autoriser à lui donner la mort ? quelle nécessité peut l’en absoudre ? ». Le vocabulaire est très dépréciatif : « lâches assassinats », « crimes solennels ». Il assimile la peine de mort à un meurtre légal. Chez Camus, nous retrouvons cette même idée avec : « nouveau meurtre ». « (…) elle n’est pas moins révoltante que le crime » » est un euphémisme qui, par la négation du comparatif d’infériorité, crée l’égalité entre les deux mots : celle infligée par le condamné et celle que lui inflige la loi. V. Hugo fait, quant à lui, le choix du registre pathétique. Il souligne la détresse du condamné par des exclamatives « Condamné à mort ! » est répété trois fois pour montrer la stupeur du personnage. L’adjectif « horrible » est lui aussi répété pour insister sur la peur qu’il ressent. La description de la prison laisse imaginer au lecteur l’inconfort de sa situation : « dalle mouillée et suante » évoque l’humidité, le froid du cachot, « trame grossière de la toile de mes vêtements » un habit rugueux et peu chaud. Le prisonnier fait pitié par sa souffrance physique et morale. Pour faire comprendre sa peur de mourir, Hugo recourt à la personnification de la mort dont l’obsession est « comme un spectre de plomb », que le personnage voit en « face à face », dont il sent « les deux mains de glace ». Cette vision a de quoi terrifier tout à chacun et émouvoir le lecteur qui, dès lors, perçoit le condamné comme une victime et non plus comme un monstre. Le pathétique est aussi présent chez Robespierre quand il emploie, pour désigner le condamné, la périphrase « un ennemi vaincu et impuissant » ou le comparatif « plus faible qu’un enfant devant un homme fait » qui insistent sur la disproportion des forces et montre la faiblesse du condamné. Ce registre est aussi employé par Camus qui décrit le condamné comme un « corps pantelant », ce qui souligne aussi la faiblesse.

Chacun des auteurs cherchent à s’impliquer personnellement dans son texte par l’utilisation de la 1ère personne du singulier. Le « Je » Lignes 1, 5 et 35 dans le Discours contre la peine de mort est celui de Robespierre qui dit sa pensée personnelle et use ainsi d’un argument d’autorité car en tant qu’avocat, il est spécialiste du droit et en tant qu’homme politique de premier plan sous la Terreur, il bénéficie d’une large écoute des autres politiques et des citoyens. Camus, pour faire partager sa thèse, se fonde sur son vécu, comme nous l’avons dit, évoquant une anecdote familiale. Son implication personnelle vaut donc un argument d’expérience. Le « je » du texte de Hugo, par contre, n’est pas celui de l’auteur. Mais il donne l’impression de lire un journal intime, d’être le confident du condamné, ce qui rapproche les lecteurs de cet homme et les rend accessibles à la pitié car l’identification est possible ou, du moins, l’idée de proximité.

En conclusion, nous pouvons dire que ces textes cherchent tous à susciter l’émotion des lecteurs et qu’ils expriment tous une opinion personnelle.

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