Pensez-Vous Que Faire Rire Est Un Bon Moyen De Critiquer Les Défauts De Notre Société ?
Publié le 22/10/2010
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Le genre comique fut pendant très longtemps considéré comme un genre destiné à divertir le peuple, il n’avait pas
d’autre fonction. En témoigne le succès de la farce au Moyen-Age , genre hérité de l’Antiquité qui n’hésite pas à toujours
reprendre les mêmes ficelles et à jouer sur la caricature des personnages et les situations grotesques.
Si le but premier du théâtre comique est par définition de divertir, l’oeuvre de Molière par exemple, qui comporte certes
des scènes farcesques comme les scènes de coups de bâton, nous permet de constater que le comique, à travers
des types de caractères, sert aussi à dénoncer les travers de la société.
Dès lors, nous essaierons d’analyser en quoi le comique peut conduire à une dénonciation sociale et morale efficace
et nous nous demanderons si le comique ne constitue pas plutôt actuellement un exutoire qu’ un procédé argumentatif
efficace pour étayer une critique sociale consistante.
Dans l’article de Pierre Langlais, une citation de Georges Meyer insiste sur le caractère subversif de la série à succès
des Simpson. L’objectif de cette série semblerait bien être de faire rire en caricaturant les valeurs de la famille américaine
moyenne . Déjà, dans les plus grandes comédies de Molière, le rire dépasse celui de la simple farce et la critique
Devoir no 02 de Français Éléments de correction
2 Martine Dewald - © CEMU
peut se montrer acerbe comme dans le Misanthrope qui attaque la cour ou Tartuffe dont la cible est les faux dévots.
La critique s’y charge de gravité en frôlant les thèmes chers à la monarchie du XVIIème : la religion, les courtisans, les
clans de cour. La portée de cette critique a d’ailleurs été perçue puisqu’elle a pu conduire à l’interdiction de certaines
pièces comme Dom Juan .
De la même façon, nul ne peut ignorer la force critique des films comiques de Charlie Chaplin. Si le spectateur rit à
voir le héros du film Les temps modernes continuer, une fois sorti de l’usine , à vouloir visser tout ce qui lui tombe sous
les yeux, il prend, en même temps, conscience des ravages que peut entraîner le travail à la chaîne sur l’équilibre
psychique de l’être humain.
Toutefois, pour qu’un réel esprit critique se mette en place, il semble indispensable qu’une fois que le rire a mis en
évidence un certain nombre de travers d’une société donnée, le relais soit pris par une argumentation qui amène à
réfléchir aux causes de ces travers afin de construire par là même une critique pouvant entraîner remise en question et
changement. Ainsi, si la condition des travailleurs à la chaîne s’est améliorée, c’est bel et bien parce qu’ un mouvement
de contestation a réussi à argumenter auprès des gouvernements. Ce fut, au XVIIIème siècle le rôle des philosophes
des Lumières , ne se bornant pas à contester et à détruire, d’aider à construire un monde meilleur. « Je sème un grain
qui pourra un jour produire «, disait Voltaire. Tout se passe comme si les comiques pointaient un certain nombre de
disfonctionnements qu’il convenait ensuite d’analyser méthodiquement afin de construire une critique efficace pouvant
déboucher sur des changements. Le comique tire le signal d’alarme , il reste à penser les solutions !
Face au désenchantement, à la résignation, à la mélancolie ambiante, la France du XXIème siècle traque le rire partout
où il se trouve. Au bureau, on s’envoie les dernières blagues du web et les adresses de sites humoristiques. Les internautes
se ruent sur dailymotion qui diffuse des clips et des vidéos drolatiques. Les films comiques comme Bienvenue
chez les Ch’tis triomphent, les journaux sont truffés de caricatures et , dans les médias, en littérature et sur scène, une
pépinière d’amuseurs publics plutôt doués et extrêmement différents attirent les foules. Le rire est tellement présent
qu’on peut difficilement toujours lui reconnaître une fonction critique ; il semble bien plutôt s’imposer comme un réflexe
naturel, un exutoire nécessaire dans notre période de crise génératrice d’angoisses en tous genres. Ainsi, rit-on plus
pour oublier la réalité que pour la remettre réellement en question. Se référer constamment à la dérision peut divertir
voire aveugler en mettant tout sur le même plan. S’en tenir au rire peut finalement amener à accepter une réalité qui
mériterait d’être remise en question. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui permet de comprendre le succès des Simpson qui
paradoxalement « attirent la sympathie de spectateurs états-uniens pourtant dégommés à chaque épisode « ?
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