Devoir de Philosophie

Pensez-vous que la justice actuelle soit plus « juste » qu'à l'époque de Voltaire ?

Publié le 20/01/2011

Extrait du document

justice

À l’époque de Voltaire, la monarchie absolue règne en France. Il n’en empêche pas moins que le philosophe est un féroce opposant à l’obscurantisme qui ne recule pas à utiliser son art pour dénoncer les travers de la société : intolérance religieuse, esclavage, monstruosité de la guerre… Ainsi Voltaire n’hésite pas à prendre parti dans des grands procès religieux opposant une justice catholique à des protestants condamnés d’avance, une justice selon lui particulièrement arbitraire car obéissant à la loi du plus fort. Peut-on pour autant dire que la justice actuelle soit plus juste qu’à l’époque de Voltaire ?

Afin de répondre à cette question, nous verrons dans un premier temps en quoi la justice, même aujourd’hui, peut être particulièrement injuste ; puis, dans un second temps, nous montrerons en quoi cette justice a évolué au sens positif du terme.

 

En effet, il semblerait que la justice reste contestable sur certains points et non des moindres car, pour beaucoup de gens, elle demeure une machine infernale dont les rouages sont parfois contestables.

Tout d’abord, la justice peut être source de disfonctionnements graves qui seront source à leur tour d’injustices. Le principe même de la démocratie repose sur le fait que tout individu peut librement exercer son esprit critique à l’égard des grandes instances régulatrices de la société : la justice n’y échappe pas et il n’est désormais plus rare de voir des citoyens s’interroger sur des lois qu’ils jugent contraires à son bon fonctionnement ou qui favorisent trop les puissants au détriment des plus faibles : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir « disait déjà La Fontaine au 17ème siècle. Ce sentiment d’injustice est particulièrement ressenti par l’ensemble de la population vis à vis des « affaires « qui traversent actuellement le paysage médiatique français. En effet, malgré les nombreuses mises en examen d’élus ou de dirigeants politiques, le sentiment persiste d’une justice plus douce pour l’élite. En ce sens, on peut faire le rapprochement avec le 18ème siècle et sa classe de privilégiés.

D’autre part, on peut remarquer que l’accès à la justice reste profondément lié à certains revenus. La société dans laquelle nous vivons est une société hiérarchisée, même si la notion de classe sociale s’est atténuée depuis l’époque de Voltaire. De ce fait, cette hiérarchisation entraîne des injustices dans la vie de tous les jours qui se retrouvent au tribunal : par exemple, une personne ayant de petits revenus se verra contrainte à prendre un avocat commis d’office, le plus souvent un jeune avocat inexpérimenté, alors qu’une personne plus aisée aura accès à des avocats plus intéressés car directement rémunérés par le client. De ce point de vue la justice est un produit de consommation, ce qui sociologiquement peut la rendre très injuste car elle n’est que le reflet de la société.

Enfin, dire que la justice est plus juste aujourd’hui que hier, cela reviendrait à admettre l’idée de progrès. Or l’Histoire est là pour nous rappeler que les grands procès injustes sont légion et que la justice n’a donc pas évolué sur certains points. De l’affaire Calas au 18ème siècle à l’affaire Raddad dernièrement, en passant par l’affaire Dreyfus à la fin du 19ème siècle, les injustices sont toujours nombreuses dès qu’il s’agit de discriminations, qu’elles soient liées à la religion, à l’apparence, à la couleur de la peau ou encore au milieu social.

 

Toutefois, la justice est-elle toujours aussi sanglante ? Bien qu’elle ne soit pas parfaite, elle tend de plus en plus vers l’indépendance et l’impartialité.

En effet, il est évident que la justice a évolué depuis l’époque de Voltaire, tant sur le plan du régime politique sous lequel nous vivons que sur le plan des procédures judiciaires en elles-mêmes.

Premièrement, la justice telle qu’elle était pratiquée au temps de Voltaire est à mettre en lien direct avec le fonctionnement politique de l’Ancien Régime, à savoir une monarchie absolue de droit divin bien souvent arbitraire dans ses décisions. De nos jours, l’accès à la démocratie implique le choix d’une justice impartiale, ne serait-ce que parce celle-ci est un pilier fondamental du bon fonctionnement de la démocratie. Cela se traduit sur le plan pratique par la mise en place de lois destinées à tous, sans discrimination, et qui touchent tout aussi bien le citoyen lambda que le président de ELF. En ce sens, on peut dire qu’il y a un évident progrès sur le plan historique.

D’autre part, l’impartialité de la justice se traduit par les procédures judiciaires en elles-mêmes, tant en ce qui concerne ceux qui jugent que ceux qui sont jugés. Pour les premiers, l’impartialité est garantie par deux exigences : l’indépendance des magistrats d’une part, leur responsabilité d’autre part. Leur pouvoir juridictionnel est à la fois organisé et contrebalancé par les règles de procédures. De fait, toute personne mise en examen bénéficie de la présomption d’innocence et a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial qui décidera de ses droits et de ses obligations. On peut prendre pour exemple les propos de M. Burgelin, procureur général, pour qui la notion d’impartialité constitue une des conditions d’une exigence unique : le droit à un procès équitable « qui tient une place éminente dans une société démocratique «, ce qui implique des aides juridictionnelles (la présence d’un avocat par exemple). De fait, tous les êtres humains sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection de la justice.

Enfin, la justice actuelle admet ses déficiences et peut dans certains cas chercher à les réparer par la réouverture d’enquêtes suite à des éléments nouveaux. Cette volonté judiciaire témoigne de la prise de conscience d’une justice humaine, c’est à dire profondément imparfaite. A ce titre, l’exemple de l’affaire Raddad est éloquente. Ce marocain avait été accusé du meurtre de l’épouse de l’industriel Marchal : cependant, aucune preuve n’avait été trouvé contre lui alors que des faits troublants avaient été rapportés au sujet de la famille de la victime. Une expertise génétique du sang sur la porte vient d’avoir lieu et semble innocenter Raddad. En ce moment même, un procès en vue de sa réhabilitation est prévu. Cela tend à démontrer une justice fort différente que celle qu’a pu connaître Voltaire, non pas parfaite, car très lente à se mouvoir, mais qui se veut beaucoup plus juste, même envers ceux qu’elle avait condamnés dans un premier temps.

 

L’image d’une justice difficile à comprendre, lourde dans ses procédures, aux lois parfois imparfaites semble accréditer la thèse selon laquelle, même au 20ème siècle dans une démocratie, l’injustice reste présente. Toutefois, les choses ont bien changé depuis Voltaire et notre propre justice fait des efforts importants pour respecter l’égalité de tous. Il est évident que la notion de démocratie n’est pas universelle et qu’il existe des pays dont la justice correspond en tout point à celle de l’affaire Calas. Personnellement, je pense que cette égalité n’existera jamais car l’homme est par nature imparfait. Il y aura toujours des erreurs judiciaires mais ce qui change, c’est la volonté de faire mieux, toujours mieux. En ce sens, la justice du 18ème n’est plus d’actualité mais elle pose le problème des nombreux pays dans le monde où elle reste plus qu’arbitraire et où la nécessité d’une réflexion, telle qu’elle a pu être pratiquée par les philosophes au Siècle des Lumières, s’impose.

Liens utiles