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pensez-vous que les apologues soient destinés aux enfants ? »

Publié le 22/10/2010

Extrait du document

 

Explicitation de la problématique :

o Apologue = récit à visée didactique =) genre reposant en partie sur l’implicite puisque l’on se sert d’une médiation, le récit, pour faire passer un enseignement théorique

o Et, pour comprendre cette « médiation «, cet « implicite «, il faut disposer d’une faculté de compréhension suffisamment grande. Or, elle fait souvent défaut aux enfants parce que ce sont des individus dont l’esprit est encore en formation, des individus encore inexpérimentés

 

Plan

I/ L’apologue, un genre destiné aux enfants, par essence

1     Un genre qui se présente, avant tout, comme didactique

Des leçons moralisatrices (cf. préface de La Fontaine, et Perrault)

Des leçons de sens communs (modération, entraide…), dont la banalité et la simplicité sont parfaitement accessibles aux enfants

Des connaissances sur les animaux, mais surtout sur le comportement humain, qui peuvent préparer l’enfant à vivre en société (La Fontaine)

2 Une forme particulièrement adaptée

Une forme généralement courte, qui ne lassera pas le lecteur peu expérimenté qu’est l’enfant 

Des protagonistes caricaturaux, facilement identifiables, dont la psychologie est stigmatisée = de bons repères pour les enfants qui ont bien souvent une vision simpliste du monde eux aussi (le loup vs l’agneau, le lion vs le cerf…)

Parfois choix de la versification = rythmes de phrases plus faciles à retenir = avantage appréciable pour une œuvre didactique s’adressant à un public peu attentif 

3 Les avantages de la narration 

Une mise en scène du précepte moral, qui devient ainsi beaucoup plus parlant pour un enfant parce que plus concret que des sermons et maximes abstraites 

Narration = schéma narratif = péripéties =) le récit a un côté divertissant non négligeable, il est donc plus attractif. L’enfant, appâté par le récit, l’enrobage, va assimiler, sans s’en rendre compte, une leçon, en sus. 

De plus, les auteurs ont souvent recours à divers registres pour les rendre encore plus attrayants : le merveilleux pour le conte, certaines fables, la science-fiction pour la contre-utopie (monde exotique), ou le registre comique (Voltaire), tragique (La Fontaine) =) en plus d’être plus attrayants, ces récits ont souvent également plus d’impact (registre =) sentiment =) persuasion), et si le récit a plus d’impact, il en sera de même pour son enseignement

Tout cela conduira logiquement au phénomène d’identification : jeune public plus impressionnable voudra suivre le modèle du héros de l’apologue lu. C’est par cette imitation que l’enfant adoptera un comportement vertueux (cf. Perrault) 

 

II/ Mais l’apologue présente aussi de gros dangers pour les lecteurs non avertis que sont les enfants.

1 La narration : des qualités qui peuvent se transformer en défautS

L’implicite n’est pas toujours accessible à l’enfant qui prend souvent ce qu’il entend, ou lit, au pied de la lettre. Et si la narration et son côté divertissant obstruait complètement la morale ? On prend le risque de ne prendre l’apologue que comme un simple récit, sans visée didactique, et l’auteur aura échoué dans son entreprise. 

L’enfant ne maîtrise pas toujours les subtilités de la langue et du récit. S’il est capable de percevoir l’implicite, sera-t-il capable de l’interpréter à bon escient, sans contresens ? (cf. « La cigale et la fourmi « : pour comprendre que LF déplore l’attitude égoïste de la fourmi dans cette fable, et non la paresse de la cigale, il faut être capable de percevoir la connotation de certains termes et notamment se rendre compte que, sous couvert de neutralité, le fabuliste est fort critique envers la fourmi (« c’est là son moindre défaut « = valeur antiphrastique de la litote, qui n’est pas forcément accessible à tout le monde), alors que même s’il avoue certains défauts de la cigale, il semble très compatissant, et la cigale fautive nous devient sympathique) 

L’identification = un effet à double tranchant. L’enfant, dans sa vision simpliste du monde et des choses, s’identifiera à celui qui réussit (cf. Rousseau). Aucun problème quand c’est le gentil qui gagne, mais que se passe-t-il quand c’est le méchant ? L’enfant risque, en effet, de comprendre à l’envers : au lieu d’être prudent envers les puissants (qui réussissent toujours chez LF par exemple), l’enfant voudra devenir puissant et agir comme eux parce que c’est bien plus lucratif.

2 Et puis certains apologues ne peuvent pas être destinées aux enfants de par la nature de leur contenu

Certaines morales font état de préoccupations d’adultes : la vieillesse, la résignation face à la mort,… , sans parler des contes philosophiques qui, comme leur nom l’indique, ont une ambition bien plus élevée 

Quand l’apologue revêt une dimension satirique ou polémique, il s’appuie sur des références politiques ou culturelles que l’enfant maîtrise peu probablement. (quelles connaissances sur la politique extérieure de Louis XIV, sur l’eugénisme, le fascisme, la politique des missionnaires jésuites en Amérique du sud ??) Or, si l’on passe à côté de cela comment comprendre certains fables ou certaines contre-utopies ?

 

III/ Faut-il pour autant retirer catégoriquement les apologues des mains des enfants ?

1 Parler « d’enfant « est un faux problème : la problématique rejoint celle des avantages et des inconvénients de l’implicite. L’apologue est un mode d’apprentissage indirect et comme tout ce qui est indirect il peut faire l’objet d’une mauvaise interprétation. Et cela vaut aussi pour les adultes : certains enfants sont sûrement plus aptes à comprendre des apologues et leurs enseignements que certains adultes. Rousseau stigmatise les faiblesses d’un enfant, car lui-même semble ne semble pas avoir bien saisi la morale du « Loup et le Chien « !!!

2 De plus, si le but premier reste la formation morale de l’enfant, peut-on réellement imaginer qu’il soit possible de se passer d’une présentation indirecte ? Peut-on croire qu’un enfant puisse endurer des exposés théoriques et abstraits sur la nécessité de la modération dans l’existence ? Cf. le peuple enfant du « Pouvoir des fables « dont l’attention ne peut être captée que par la fable de l’orateur et qui reste réfractaire à tout sermon. A choisir, il vaut mieux un apologue imparfaitement compris dont il restera, malgré tout, quelques bribes, qu’un discours clair et évident mais inefficace parce que l’enfant ne l’aura pas entendu. Ensuite pour éviter d’éventuelles déconvenues sur l’interprétation de la morale et le choix du modèle à suivre, il suffit d’apporter un soin particulier à la construction de l’apologue, faire gagner les vertueux comme le fait Perrault, ou ménager une morale explicite, après la narration (càd après avoir capté l’attention de l’enfant), comme le fait Esope.

3 Et enfin, même si l’enfant ne comprend pas tout, il en comprendra toujours une partie, on peut très bien envisager que certaines œuvres aient différents niveaux de lecture, un pour chaque âge, un pour chaque moment de la vie :

« Le petit chaperon rouge « a ainsi deux destinataires : la 1ère version s’adresse directement aux parents et les engage à ne pas laisser leur progéniture vagabonder seule dans les forêts

Même si on ne comprend pas les références historiques ou culturelles de La Fontaine, on peut toujours tirer un apprentissage de certaines fables : « Le pouvoir des fables «, pour complexe qu’elle soit, est tout de même claire sur un point : la fable a un grand pouvoir sur les esprits : si un enfant ne comprend que cela, il aura déjà saisi l’essentiel de la pensée du fabuliste. Et si, pour lui, la morale de The island se résume à « la volonté et la détermination viennent à bout de tous les obstacles «, sans y voir la réflexion sur la notion d’humanité et du droit à l’existence, ce ne sera déjà pas mal (même si la réflexion est limitée, cela reste tout de même un film américain !)

Et s’il ne perçoit pas du tout la visée didactique, il pourra être divertit par le côté narratif, ce qui est un argument amplement suffisant pour ne pas lui refuser l’accès aux apologues.

 

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