Devoir de Philosophie

Pour qui écrit-on ?

Publié le 31/01/2011

Extrait du document

1 Maurice Blanchot écrit dans L'Espace littéraire (Gallimard,1955) :«L'oeuvre est solitaire : cela ne signifie pas qu'elle reste incommunicable, que le lecteur lui manque. Mais qui la lit entre dans cette affirmation de la solitude de l'oeuvre, comme celui qui l'écrit appartient au risque de cette solitude."Qu'en pensez-vous ?

2 D'Alembert s'était écrié :«Malheur aux productions de l'Art dont la beauté n'est que pour les artistes !« Et Leconte de Lisle - environ un siècle plus tard - a répliqué :«Seules sont durables les oeuvres conçues sans aucune préoccupation du goût du public.« Qui des deux vous paraît avoir raison ?

3 Etes-vous d'accord avec cette opinion d'Antonin Artaud :«On doit en finir avec cette idée des chefs-d'oeuvre réservés à une soi-disant élite, et que la foule ne comprend pas. Les chefs-d'oeuvre du passé sont bons pour le passé : ils ne sont pas bons pour nous. Nous avons le droit de dire ce qui a été dit et même ce qui n'a pas été dit d'une façon qui nous appartienne, qui soit immédiate, directe, réponde aux façons de sentir actuelles et que tout le monde comprendra. Il est idiot de reprocher à la foule de n'avoir pas le sens du sublime, quand on confond le sublime avec l'une de ses manifestations formelles qui sont d'ailleurs toujours des manifestations trépassées. Et si, par exemple, la foule actuelle ne comprend plus Oedipe Roi, j'oserai dire que c'est la faute à Oedipe Roi et non à la foule.« (Le Théâtre et son double, Gallimard, 1938). Antonin Artaud pense surtout aux pièces de théâtre, mais vous pourrez raisonner en donnant au problème toute son extension artistique.

4 Que pensez-vous de la façon dont Thierry Maulnier voit les rapports du chef-d'oeuvre et de la foule :«Une grande réussite littéraire ne reste pas nécessairement secrète. En des moments, à vrai dire assez rares, de l'histoire et de la culture, le grand art a pénétré dans la foule. Mais c'est qu'il avait alors avec le public un terrain commun de conversation et d'entente. Un grand art ne devient populaire qu'à la condition de garder en lui quelque chose des pensées et des destinées moyennes, de les mettre en jeu dans l'épopée guerrière ou sociale, de les illustrer par quelque imagerie primitive. L'individu ne fait écho à une oeuvre d'art qu'autant qu'il y retrouve l'idée qu'il se fait de lui-même et de sa vie.« (Racine, Gallimard, 1947.)

5 Si vous aviez à éditer telle œuvre que vous aimez, quelle présentation choisiriez-vous (livre de luxe, édition illustrée, édition commentée, collection  populaire, etc.) ? Vous justifierez votre choix en prenant un ou des exemples précis. (CAPES, Lettres classiques, Femmes, 1965.)

6 Critiquant un ouvrage de Wells, (Nouveaux pretextes, Mercure de France)

André Gide lui reproche de s'adresser «alternativement à des personnes trop différentes« :«Il y a, dit-il, dans ce livre des pages qui né peuvent amuser que des enfants, des gens neufs ; d'autres pages pour plaire aux vieux avertis que nous sommes, mais qui rebuteront les premiers: d'autres enfin où il ne semble amuser que je ne sais quel autre lui-même...« Et ces réflexions l'ont conduit à formuler une loi de l'oeuvre d'art :«Aux fameuses trois unités, volontiers j'ajouterais une quatrième : l'unité du spectateur. Elle impliquerait qu'il importe que, pièce ou livre, la création poétique s'adresse, d'un bout à l'autre de sa durée, au même lecteur ou auditeur.« Expliquez, commentez et, le cas échéant, discutez, à l'aide d'exemples précis, cette exigence artistique de l'unité du spectateur ou du lecteur. (CAPES, Lettres classiques, Femmes, 1961.)

7 Marcel Proust (dans «À l'ombre des jeunes filles en fleurs«) résout ainsi les problèmes que pose le succès ou l'échec de certaines oeuvres :«Ce qui est cause qu'une oeuvre de génie est difficilement admirée tout de suite, c'est que celui qui l'a écrite est extraordinaire, que peu de gens lui ressemblent. C'est son oeuvre elle-même qui, en fécondant les rares esprits capables de la comprendre, les fera croître et multiplier.« En vous appuyant sur des exemples précis pris dans l'histoire des arts et de la littérature, vous exposerez comment vous concevez les rapports entre le public et les oeuvres nouvelles et si vous faites vôtre l'explication de Marcel Proust. (CAPES, toutes langues vivantes, 1966.)

8 Expliquez et discutez ces lignes de Maurice Blanchot :«L'on dit quelquefois que tout auteur écrit en présence de quelque lecteur ou encore pour être lu. C'est une manière de parler peu réfléchie. Ce qu'il faut dire, c'est que la part du lecteur, ou ce qui deviendra, une fois l'oeuvre faite, pouvoir ou possibilité de lire, est déjà présente, sous des formes changeantes, dans la genèse de l'oeuvre. Dans la mesure où écrire, c'est s'arracher à l'impossibilité, où écrire devient possible, écrire assume alors les caractères de l'exigence de lire, et l'écriture devient l'intimité naissante du lecteur encore infiniment futur. (L'Espace littéraire, Gallimard 1955.)

9 On lit dans Variété de Paul Valéry (Gallimard) :«Le changement d'époque, qui est un changement de lecteur, est comparable à un changement dans le texte même, changement toujours imprévu et incalculable... Ce que les contemporains prisaient le plus, peut-être nous échappe-t-il ; ce qu'ils regardaient à peine nous touche parfois étrangement.« Prenant l'exemple d'une ou plusieurs oeuvres plus ou moins éloignées dans le temps, mais bien vivantes pour vous, vous apprécierez la justesse de cette constatation, et vous direz si ces réactions du lecteur moderne sont légitimes. (CAPES, Lettres classiques, Femmes, 1955.)

10. Un esthéticien contemporain s'exprime ainsi :«L'Art est la fonction essentielle de l'homme, indispensable à l'individu comme aux sociétés, et qui s'est imposée à eux comme un besoin dès les origines préhistoriques. L'art et l'homme sont indissociables. Par lui l'homme s'exprime plus complètement, donc se comprend et se réalise mieux.« Que pensez-vous de cette conception de l'art ?

11 Discutez cette opinion de Tolstoï :«Ce qui distingue l'art, c'est précisément que son langage est compris de tout le monde. Dire que l'oeuvre d'art est bonne et cependant incompréhensible à la majorité des hommes, c'est comme si l'on disait d'un certain aliment qu'il est bon, mais que la plupart des hommes doivent se garder d'en manger.« (ENS, Sèvres, 1964.)

12 Vigny écrit dans le Journal d'un Poète :«Rien de si rare que les écrivains dont on voit le fond, ce sont les plus grands«, et il donne en exemple Montaigne et Pascal. D'autre part, nous lisons dans les Nouveaux Prétextes, d'André Gide (Mercure de France) :«Toutes les grandes oeuvres d'art sont d'assez difficile accès. Le lecteur qui les croit aisées, c'est qu'il n'a pas su pénétrer au coeur de l'oeuvre. Ce coeur mystérieux, nul besoin d'obscurité pour le défendre contre une approche trop effrontée : la clarté y suffit aussi bien.« Appréciez et discutez ces deux opinions ainsi rapprochées. (CAPES, Lettres modernes, Femmes, 1952.)

Liens utiles