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Préface du Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo

Publié le 23/10/2010

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hugo

 

Victor Hugo, écrivain engagé, a défendu nombre de causes ou dénoncé nombre d'injustices de son temps. Les misérables (1862) offre l'exemple d'un roman utilisant la fiction à des fins dénonciatrices : c'est l'inégalité des couches sociales de la société du XIXe siècle qui y est stigmatisée. Par ailleurs, Victor Hugo reste célèbre pour sa prise de position avant-gardiste contre la peine de mort, développant dans des récits comme Claude Gueux (1834) ou Le Dernier jour d'un condamné (1829).

Cette dernière œuvre se présente comme le journal d'un condamné à mort qui est le réceptacle de ses pensées ultimes mais au-delà de ce détour par la fiction, Victor Hugo explicite sa prise de position dans la préface de ce roman, écrite en 1832. Il s'agit d'un plaidoyer direct en faveur de l'abolition de la peine de mort.

Comment la rigueur argumentative du discours associée à sa tonalité enflammée  contribuent-elles à créer les conditions d'une adhésion du destinataire?

Dans un premier temps nous verrons la stratégie argumentative et dans un second temps, un discours enflammé.

 

   La stratégie argumentative

1° Thème et argumentateur 

Thème = peine de mort. Argumentateur = Victor Hugo, impliqué explicitement dans son discours «nous« (17,18,25,26)  (l'implication explicite de l'argumentateur est une des constante de l'essai comme genre argumentatif). Au «nous« s'oppose le «Ceux« (21), «vous« (5,6,7) et le «on« (10) = Distanciation, dévalorisation. Destinataire explicite : partisans de la peine de mort & un autre : tout lecteur de cette préface. 

2° Visée du discours argumentatif 

But : Modifier l'opinion des partisans de la peine de mort et de démontrer à tout lecteur de la préface l'illégitimité de la peine de mort. La mise en place de certaines composantes de l'argumentation comme l'argumentateur, les destinataires, le thème et la visée son clairement mis en place. 

3°Un schéma argumentatif délibératif 

Il répond à une des constantes de l'essai a visée argumentatif. Les thèses et arguments adverses sont pris en compte par Hugo pour mieux les réfuter ensuite. La thèse est dite (1) : la peine de mort est légitime. Trois arguments,ordonnés par connecteurs logique d'additions, viennent l'appuyer mais et sont toujours réfutés par Hugo : 

1er (2-4) il faut ôter de la société un élément  qui a cherché à lui porter atteinte et qui pourrait recommencer.  

2em (10-11) il faut donner à la société les moyens de la vengeance et de la punition. 

3em (19-22) il faut faire des exemples afin de dissuader ceux qui auraient des intentions criminels. 

Tous les arguments sont réfutés de façon systématique → dialogue au sein de la parole Hugolienne (signe du dialogue : tiret, verbes de paroles,jeux de Q/R 5à6) 

1er contre argument: (4-9) la prison à vie est un châtiment suffisant lorsqu'il s'agit de libérer la société d'un élément nuisible. 

2em // (11-18) : L'individu se venge, Dieu punit, la société ne peut prétendre à aucun de ces rôles; le sien est de permettre, de s'amender(corriger pour améliorer).

3em // (25-29) : les exemples sont inutiles, ils privent le publique de toute notion de morale, il ne fait plus la distinction entre le bien et  le mal. 

Le débat est rondement mené, chaque arguments est contrés et le schéma délibératif parfaitement maitrisé.

 

Au delà de la complexité et de la rigueur argumentative, Hugo met sa passion et son talent au service de son argumentation.

 

   Un discours enflammé

1° Un discours imagé 

Figures de style nombreuses et venant renforcer l'argumentation : - synecdoque (9) :frappant car lapidaire et disposer à faire un paragraphe toute seule. «Pas de bourreau où le geôlier suffit« = pas de peine capital où la prison suffit. - parallélismes syntaxiques (11-12 «se venger est de l'individu, punir est de Dieu« ) clarifient le propos précédant. -répétition (25-26) «nous nions« montre le refus & contribue à l'installation du registre polémique. - la personnification (10-11 «il faut que la société se venge, que la société punisse«) Société humanisé au travers de comportement divins & résultats de sentiments, Hugo rejette cette interprétation. Donc discours très travaillé et contribue à l'efficacité argumentative. 

2° Registre et rythmes 

La passion se lit dans l'usage du registre polémique : exclamatives regroupé enfin de texte (20,22). Le lexique laisse percer un jugement  lassé, exaspéré («éternelle« 23) et indigné («Eh bien!« 25) . Rythmes binaires ( 11-12 ; 15-16) et ternaire ( 16-17 «Transformer de cette façon la formule des criminalistes, nous la comprenons et nous y adhérons«) = souffle harmonieux du discours, donnant une tournure oratoire ( + Questions rhétorique 5). Donc on n'est pas dans une argumentation désincarnée mais, au contraire, face à un discours passionné et imagé, qui ne peut laisser le destinataire indifférent.

 

Cet extrait de la préface du Dernier jour d'un condamné est exemplaire du talent argumentatif de Hugo: la clarté extrême du raisonnement associé au souffle littéraire imprimé du discours par une véritable passion pour la cause défendue sont autant d'éléments qui font du texte l'un des plaidoyers en faveur de l'abolition de la peine de mort qui ont pu faire date dans la longue histoire de son abolition.

 

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