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Préface Poème Rimbaud

Publié le 23/10/2010

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rimbaud

 

Préface

 

Amis lecteurs, vous comme moi avez déjà ressenti ou ressentira ce sentiment à la fois d'attirance et  d'affection qu'est l'amour. L'amour est omniprésent, nous pouvons même dire que nous sommes cernés par l'amour : père et fils, mère et fille, homme et femme, copains, copines, vieux amis... 

« Le monde a soif d'amour, tu viendras l'apaiser « dit Arthur Rimbaud dans Soleil et chair extrait des Cahiers de Douai, poète adolescent avait lui aussi remarqué cela. Le « tu «, marque de la deuxième personne, apostrophe directement la femme aimée dont il sera particulièrement question dans les poèmes de Rimbaud présents dans cette anthologie, tirés des Cahiers de Douai.

Ce recueil n'a jamais été publié du vivant d'Arthur Rimbaud, conservé par son ami Paul Dameny qui le publiera après la mort du poète. Ce dernier grand vagabond, vivant de bohème et de fugue reflète ce goût pour les secrets que cache cette nature propice aux sentiments amoureux.

Cette Nature qui devient un être humain à part entière par le biais d'une majuscule dans Sensation  établie dès le premier poème du recueil, Première soirée, un lexique enivrant de la nature, vous vous laisserez surprendre et vous vous évaderez vers une vie de bohème à travers cette poésie bucolique étant l'objet des poèmes de « l'homme aux semelles de vent « comme le surnommait Verlaine, « les grands arbres «, « un petit rayon buissonnier papillonner dans son sourire « d'une Première soirée, au « soirs bleus d'été «, « sentiers «, « l'herbe menue « que vous foulerez à la simple lecture de Sensation , vous laisserez libre court à votre imagination, courrai les près, le bois, vivant d'errance et de fugue, logeant sous la nuit étoilée de Ma Bohème. Vous reprendrez la route avec le surnommé « passant considérable « comme le nommait Mallarmé. Les nombreuses répétitions du verbe « aller « (Sensation, Ma bohème, Les réparties de Nina) et l'usage du futur sont la marque concrète de cette mise en marche et de ce perpétuel désir de fuite qui est le moteur permanent des fugues de l'adolescent. Ainsi vous regagnerai les « villages de campagne « à travers « sentiers «, cette odeur de printemps, de « framboise « et par des envolées lyriques enivrera votre lecture, et vous sentirez chez vous à la campagne, dans les « fermes « ou sent bon le lait chaud, où Rimbaud invite sa muse fictive Nina dans Les Répartis de Nina. Tout cela menant à l'ivresse de l'amour d'un jeune poète de dix-sept ans « au cœur Robinsonne «  qui compare l'amour à « la sève « montant dans l'arbre, ou au « champagne « qui vous monte à la tête (Roman  et Les Répartis de Nina) rend compte de cette frénésie de l'amour, Rimbaud nous invite à entrer en osmose avec la nature, grâce a celle-ci il subit une sorte d'ivresse poétique comme il le laisse entendre dans  Ma Bohème.

La femme aimée, à qui s'adresse les différents poèmes est décrite de tous ces faits et gestes, c'est un jeune adolescent amoureux maladroit, qui s'éprend à séduire cette jeune fille à mi-nue assise sur la grande chaise du poète dans Première soirée. Une sensualité se dégage des mots de Rimbaud « un jolie rire de cristal « « Pauvre et palpitant sous ma lèvre «. Les deux amants entrent dans un jeux de séduction voire d'érotisme dont les points de suspension traduit l'ambiguïté de la situation, cette scène de séduction est beaucoup plus légère dans Roman , le vocabulaire de petitesse (« petit « répétés a nombreuses reprises) en est la preuve. Ici tout est simple et agréable et l'amour se résume à un baiser, pas de descriptions fastueuses mais seulement des points de suspension dans lesquels chacun peut imaginer la suite. Vous aussi, vous vous reconnaitrez sans doute dans la pensée de Rimbaud « On est pas sérieux quand on a dix-sept ans « dont la diérèse étoffe la naïveté et les illusions cet adolescent maladroit à la sensualité et sexualité naissante. 

Vous serez sans doute captivé par le désir du poète dans Les réparties de Nina, le conditionnel traduisant son souhait d'emmener Nina avec lui, suivis de près de verbes au futur soulignant sa volonté grandissante « tu seras heureuse « « nous regagnerons la route «...

Notons, que la femme aimée est simplement évoquée et suggérée dans Sensation ou encore dans Ma bohème au profit de l'errance champêtre du poète devenant une errance amoureuse. En effet, un parallèle est fait entre la femme et ce bohémien (« comme un bohémien « , « comme une femme «) ou les sentiments abstraits de cet « amour infini « dans Sensation tout comme dans  Ma bohème où la quête de la femme est connoté par le référence au mythe d'Orphée ayant  le don de charmer la nature aux accords de sa « lyre «.

Cependant, derrière ses poèmes que Pierre Brunel nomma « Les grandes vacances « référence  aux amours éphémères de vacances d'été que Rimbaud relate dans ses poèmes, éphémère comme le montre les répétitions des vers du début  dans les dernières strophes dans Roman, et Première soirée, appuie cette idée de retour perpétuel, et cyclique de l'amour soulignant la déception du jeune poète. 

Je vous invite ainsi à observer sur quel ton Rimbaud relate sa déception amoureuse : L'ironie sans aucun doute, Rimbaud ne trouve pas en ces femmes projetées la réponse à son propre désir, il se heurte à l'incompréhension stupide de Nina qui écarte d'un phrase laconique « Et mon bureau « les propositions lyriques du poète,ne pensant qu'à ses activités professionnelle. Il sape par la même occasion le lyrisme des grands romantiques et les natures grandioses comme celle décrite dans Le lac de Lamartine, ici c'est une nature des plus simples, « les tilleuls « de Roman, « la ferme « et ses « étables «, « le fumier chaud « des Réparties de Nina.

Les rires de la destinataire des ses « sonnet « dans Roman sont de la pure ironie à son sujet. Rimbaud est déçu de même de sa Première soirée, la jeune fille est légèrement méprisé, il ne lui accorde que des articles indéfinis au moment où celle ci se retire des baisers du poète « Les petits pieds «, « Un jolie rire «. La demoiselle a tout de même le droit de s'assoir sur « sa grande chaise «, le pronom possessif soulignant l'ironie de la situation. Cette ironie vient certainement de sa désillusion devant la résistance de la jeune fille. Il croyait pouvoir parvenir à ses fins rapidement mais ceci se révéla malheureusement être un échec. Ses illusions, son avatar féminin commencé dans Les réparties de Nina prennent cruellement fin dans Mes petites amoureuses, où Rimbaud dit clairement « Ô mes petites amoureuses, Que je vous hais ! «

En espérant que vous vous sentirez transporté par cette poésie florale de l'amour, sous l'ironie légère de la désillusion amoureuse d'un jeune poète. Bonne Lecture.

 

Première soirée

- Elle était fort déshabilléeEt de grands arbres indiscretsAux vitres jetaient leur feuilléeMalinement, tout près, tout près.Assise sur ma grande chaise,Mi-nue, elle joignait les mains.Sur le plancher frissonnaient d'aiseSes petits pieds si fins, si fins.- Je regardai, couleur de cire,Un petit rayon buissonnierPapillonner dans son sourireEt sur son sein, - mouche au rosier.- Je baisai ses fines chevilles.Elle eut un doux rire brutalQui s'égrenait en claires trilles,Un joli rire de cristal.Les petits pieds sous la chemiseSe sauvèrent : " Veux-tu finir ! "- La première audace permise,Le rire feignait de punir !- Pauvrets palpitants sous ma lèvre,Je baisai doucement ses yeux :- Elle jeta sa tête mièvreEn arrière : " Oh ! c'est encor mieux !...Monsieur, j'ai deux mots à te dire... "- Je lui jetai le reste au seinDans un baiser, qui la fit rireD'un bon rire qui voulait bien...- Elle était fort déshabilléeEt de grands arbres indiscretsAux vitres jetaient leur feuilléeMalinement, tout près, tout près.

 

Roman

On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.- Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !- On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bons dans les bons soirs de juin !L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;Le vent chargé de bruits, - la ville n'est pas loin, -A des parfums de vigne et des parfums de bière …

 - Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffonD'azur sombre, encadré d'une petite branche,Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fondAvec de doux frissons, petite et toute blanche ... 

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.La sève est du champagne et vous monte à la tête ...On divague ; on se sent aux lèvres un baiserQui palpite là, comme une petite bête ... 

Le cœur fou Robinsonne à travers les romans,- Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère,Passe une demoiselle aux petits airs charmants,Sous l'ombre du faux-col effrayant de son père ...

Et, comme elle vous trouve immensément naïf,Tout en faisant trotter ses petites bottines,Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif ...- Sur vos lèvres alors meurent les cavatines ... 

Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.Vous êtes amoureux. - Vos sonnets la font rire.Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.- Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire ... !

Ce soir-là, ... - vous entrez aux cafés éclatants,  Vous demandez des bocks ou de la limonade ...- On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ansEt qu'on a des tilleuls verts sur la promenade

Sensation

Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.Je laisserai le vent baigner ma tête nue.Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :Mais l'amour infini me montera dans l'âme,Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,Par la Nature, - heureux comme avec une femme.

Ma bohème

Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;Mon paletot aussi devenait idéal ;J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !Mon unique culotte avait un large trou.- Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma courseDes rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frouEt je les écoutais, assis au bord des routes,Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttesDe rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,Comme des lyres, je tirais les élastiquesDe mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

 

Les réparties de Nina

 

LUI - Ta poitrine sur ma poitrine,Hein ? nous irions,Ayant de l'air plein la narine,Aux frais rayons Du bon matin bleu, qui vous baigneDu vin de jour ?...Quand tout le bois frissonnant saigneMuet d'amour De chaque branche, gouttes vertes,Des bourgeons clairs,On sent dans les choses ouvertesFrémir des chairs : Tu plongerais dans la luzerneTon blanc peignoir,Rosant à l'air ce bleu qui cerneTon grand oeil noir, Amoureuse de la campagne,Semant partout,Comme une mousse de champagne,Ton rire fou : Riant à moi, brutal d'ivresse,Qui te prendraisComme cela, - la belle tresse,Oh ! - qui boirais Ton goût de framboise et de fraise,Ô chair de fleur !Riant au vent vif qui te baiseComme un voleur, Au rose, églantier qui t'embêteAimablement :Riant surtout, ô folle tête,À ton amant !... ............................................. Dix-sept ans ! Tu seras heureuse !Oh ! les grands prés,La grande campagne amoureuse !- Dis, viens plus près !... - Ta poitrine sur ma poitrine,Mêlant nos voix,Lents, nous gagnerions la ravine,Puis les grands bois !... Puis, comme une petite morte,Le cœur pâmé,Tu me dirais que je te porte,L'oeil mi-fermé... Je te porterais, palpitante,Dans le sentier :L'oiseau filerait son andante :Au Noisetier... Je te parlerais dans ta bouche ;J'irais, pressantTon corps, comme une enfant qu'on couche,Ivre du sang Qui coule, bleu, sous ta peau blancheAux tons rosés :Et te parlant la langue franche...Tiens !... - que tu sais... Nos grands bois sentiraient la sève,Et le soleilSablerait d'or fin leur grand rêveVert et vermeil. ............................................................. Le soir ?... Nous reprendrons la routeBlanche qui courtFlânant, comme un troupeau qui broute,Tout à l'entour Les bons vergers à l'herbe bleue,Aux pommiers tors !Comme on les sent toute une lieueLeurs parfums forts ! Nous regagnerons le villageAu ciel mi-noir ;Et ça sentira le laitageDans l'air du soir ; Ca sentira l'étable, pleineDe fumiers chauds,Pleine d'un lent rythme d'haleine,Et de grands dos Blanchissant sous quelque lumière ;Et, tout là-bas,Une vache fientera, fière,À chaque pas... - Les lunettes de la grand-mèreEt son nez longDans son missel ; le pot de bièreCerclé de plomb, Moussant entre les larges pipesQui, crânement,Fument : les effroyables lippesQui, tout fumant, Happent le jambon aux fourchettesTant, tant et plus :Le feu qui claire les couchettesEt les bahuts. Les fesses luisantes et grassesD'un gros enfantQui fourre, à genoux, dans les tasses,Son museau blanc Frôlé par un mufle qui grondeD'un ton gentil,Et pourlèche la face rondeDu cher petit... Noire, rogue au bord de sa chaise,Affreux profil,Une vieille devant la braiseQui fait du fil ; Que de choses verrons-nous, chère,Dans ces taudis,Quand la flamme illumine, claire,Les carreaux gris !... - Puis, petite et toute nichée,Dans les lilasNoirs et frais : la vitre cachée,Qui rit là-bas... Tu viendras, tu viendras, je t'aime !Ce sera beau.Tu viendras, n'est-ce pas, et même... ELLE - Et mon bureau ? 15 août 1870.

 

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