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Prémices de l'esthétique moderne, Baudelaire

Publié le 26/04/2012

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Prémices de l’esthétique moderne, Baudelaire

I/Les Salons au XIXe

 

            A) Un genre littéraire

C’est Diderot qui a inauguré les commentaires des salons qui sont édités jusqu’en 1857. Mes comptes-rendus de critiques d’art se multiplient à l’instar de Diderot dans les journaux ou dans les brochures. (ex : Champfleury, Auguste Vitu) mais aussi des écrivains qui participent régulièrement comme Théophile Gauthier ou plus occasionnellement comme Musset ou Heine. Baudelaire lit toutes ces brochures attentivement et s’y réfère explicitement.

 

            B) La fonction de ces comptes-rendus

A l’époque de Diderot, ces comptes-rendus s’adressent à un public restreint et princier. Mais au XIXe, la classe sociale émergente est la bourgeoisie qui achète des œuvres ; donc les articles de Baudelaire, Musset éclairent le public bourgeois et orientent leurs gouts. Il n’y a pas encore de tension entre le public et les artistes. ( mais divorce dans les années 60). C’est pourquoi les articles concernent la disposition des œuvres dans les salons selon la classification traditionnelle : selon les genres.

 

            C) Originalité de Baudelaire

Dans le salon de 1845, il adopte l’ordre traditionnel selon les genres mais à partir de 1846, Baudelaire décrit et évalue les compositions individuelles dans de vastes synthèses conçues autour de thèmes esthétiques généraux. Les thèmes de Baudelaire sont en 1846, la modernité ; en 1859, l’imagination ; en 1855, c’est l’exposition universelle et l’opposition de deux conceptions rivales dans la peinture occidentale sous les figures d’Ingres et de Delacroix. C’est une véritable guerre esthétique.

 

            1) la méthode de Baudelaire : il fait rarement une description analytique des tableaux. Pour lui, la description classique n’est qu’une étape préliminaire et subordonnée au véritable but du critique : communiquer avec l’âme de l’artiste. La description analytique est la composition, le thème, la disposition particulière des tons, des volumes et des lignes. Contrairement à Diderot, il ne compte pas un tableau. Son œil saisit non le racontable mais ce qui constitue l’essence propre, unique d’une composition. Baudelaire s’en remet de plus en plus à sa mémoire pour mettre en valeur les qualités caractéristiques des œuvres. (Cf. Salon 1846 § 3) Il faut du recul pour se soustraire à l’emprise de la sensation première et il y a une cristallisation des sentiments et des pensées provoquée par le choc initial. Il veut penser la peinture (Cf. Salon § 7=>remise en cause de la mimesis et valorisation de la mnémotechnie)

 

            2) Principes de Baudelaire : défendre la nouveauté

 

II/ Défense de l’Art de Delacroix

            A) Delacroix : son héros

Au contraire de la pratique de Sainte-Beuve (critique biographique), Baudelaire met au premier plan la peinture. Il donne une conférence sur Delacroix en 1864 à Bruxelles quasi religieuse. Baudelaire en fait son icône. L’amour de Baudelaire n’était pas payé de retour et il ne recevait pas toujours Baudelaire et plus du tout dès 1857 car Delacroix se méfie des littérateurs qui parlent de peinture. (Cf. propos du 5 janvier 1857) Pourtant, le peintre révolutionnaire à des goûts littéraires plutôt classiques mais il reste soucieux de respectabilité bourgeoise et académique. Delacroix n’aime pas être entrainé par des polémiques par la bohême. Baudelaire avait ce côté bohême. D’autre part, en tant que poète, Baudelaire est sulfureux. Il a été trainé en correctionnel avec Les Fleurs du Mal, c’est donc un personnage peu fréquentable. Pourtant, Baudelaire, dans ses textes, montre que le peintre est littéraire puisqu’il est aimé des poètes. En effet, Delacroix sait traduire Dante, Shakespeare, Byron, Walter Scott… (Cf. Salon 1855) Toutefois, Baudelaire contemple les œuvres de Delacroix en tant que peinture parce que la pensée s’y incarne dans une couleur qui pense par elle-même. (Cf. Exposition Universelle 1855)

 

            B) Les tableaux évoqués par Baudelaire

Dante et Virgile (1822)

Les Massacres de Scio (1823-1924)

La mort de Sardanapale (1827)

La Liberté sur les barricades (1830)

Femme d’Alger (1834)

Hamlet et les deux fossoyeurs (1839)

La Prise de Constantinople par les Croisés (1840)

 

            C) Les thèmes critiques

•Problématisation de l’opposition couleur/dessin (Cf. Salon 1845/1846) Il distingue le dessin des coloristes et le dessin des dessinateurs. Il se réfère à Théophile Gauthier qui distingue le modelé, les lignes et les couleurs qui peuvent servir à tirer des objets en relief, à donner de l’importance à un dessin, à une silhouette. Dans les deux Salons de 45 et 46, il explique sa problématique : la couleur n’exclue pas le grand dessin en s’appuyant sur l’exemple de Véronèse et il estime que Delacroix respecte les grandes lois naturelles ; alors qu’en 1846, il critique Ingres (« le dessin est la probité de l’art »)RATTRAPEcar pour lui le dessin comprend tout 

Pour Baudelaire, il y a une lecture picturale de Delacroix avec des touches de couleurs juxtaposées qui se fondent pour l’œil avec un système de floshtyle (hachure). (Cf.La Lutte de Jacob avec l’ange, dans la Chapelle des Saints Anges à l’Eglise Saint Sulpice)

•Esthétique de l’esquisse : pour lui, il ne faut pas perdre l’expressivité de l’esquisse. Il fait une distinction entre le fait et le fini, en particulier à propos de Coraux. MAIS NE pas confondre le style de l’esquisse et le croquis. Baudelaire, dans le Salon de 1859. Baudelaire encense en Eugène Boudin qui n’a pas la prétention de donner ses notes pour des tableaux. Il y a des gens qui reprochaient à Delacroix de ne savoir peindre que des esquisses, Ingres, c’était de la peinture finie.

•La mélancolie romantique : (évoquée dans le Salon de 1846) Pour lui, Delacroix est le vrai peintre du 19e siècle car il y a pour lui une mélancolie singulière qui s’exhale de ses oevures et qui s’exprime aussi par le style de la couleur qu’il qualifie de shakespearienne et qu’il compare à une unité mystérieuse du drame et de la rêverie. (expo. Un. De 1855) Ainsi, des femmes d’Alger, c’est aussi « ce petit poème d’intérieur, plein de repos et de silence » avec une mélancolie qui contient un élément actif, un élan.

•L’héroïsme de la vie moderne (Cf. Conclusion du Salon de 1845+ § IV « le peintre de la vie moderne)

Pour lui, ce qu’on va appeler la modernité n’est pas une affaire de sujet mais de vision.

Comprendre, voir, s’extraire de la vie actuelle pour comprendre et voir avec de la couleur et du dessin combien nous sommes grands et poétiques. Pour lui, les deux dimensions du beau sont le fugitif et l’éternel. « La modernité, c’est le transitoire et le fugitif, le contingent, la moitié de l’art dont l’autre moitié est l’éternel, l’immuable. » Il reconnait la modernité à Delacroix sans l’isoler de la tradition qu’il lui reconnait. Il est « héritier de la grande tradition » mais qu’il « ouvre une nouvelle ère parce qu’il maitrise la douleur, la passion, le geste, parce qu’il peut exprimer le poétique dans l’historique, il peut tirer l’éternel du transitoire ».

 

III/ Profil de l’esthétique de Baudelaire

 

            A) Primat de l’imagination

(Cf. Salon de 1859) L’imagination fait le grand peintre et il faut que par la peinture, le langage du rêve soit très nettement traduit. « Tout l’univers visible n’est qu’un magasin de signes… » « Tout est signe et tout signe est message » (Proust) Pour lui, Delacroix est le type même du peintre-poète. L’art est l’expression de l’âme et c’est grâce au symbolisme subjectif de l’harmonie unique des tons que le peintre parle avec éloquence à l’âme du spectateur.

 

            B) L’art est création

En effet, il ne s’agit pas pour l’artiste de copier mais d’interpréter la nature dans une langue plus simple et plus lumineux. Le travail permet d’appréhender le sens profond des correspondances et de forger un monde nouveau à l’aide du dictionnaire fourni par les aspects visibles de la nature. Dictionnaire parce que Delacroix à dit « la nature est un dictionnaire ». D’où « le portrait est une recréation » et dans cette création, il y a exclusion du hasard, il n’y a plus de hasard que de mécanique dans l’art. « Le tableau est une machine où tous les systèmes sont intelligibles pour  un œil exercé. » Chaque tableau est issu d’un rêve.

 

            C) L’esthétique idéaliste de Baudelaire

Elle fait la synthèse de deux éléments généralement antinomiques. L’élément spiritualiste et mystique et l’angoisse pascalienne. Antinomie entre l’élément philosophique et sensualiste qui se traduit par une vision dualiste du beau : un beau absolu et un beau relatif. Pour accéder àç l’absolu il faut passer par le relatif. L’esthétique ne peut être fondée sur un seul modèle du beau. L’esthétique ne peut pas absolutiser le beau sinon on tombe dans le conventionnnel mais c’est dans le relatif qu’on peut être conduit vers le beau d’où un rejet des systèmes et de l’Académie qui rejette un beau absolu. « Le Beau est un mélange de bizarre et d’éternel » (Baudelaire) (Cf. Confère Poème Hymne à la beauté)

C’est à travers tous ces relatifs que l’on peut voir le beau éclore ou se rofiler mais il n’existe pas de beau absolu, systématisé.

 

 

            C’est une esthétique de la révolte et de la modernité qui témoigne de l’isolement moral des artistes novateurs de son temps. Baudelaire plaide pour l’originalité de l’art moderne et il doit défendre ces artistes contre l’hostilité ironique des bourgeois.C ‘est une défense pasionniée des modernes dans le salon de 1859. Bientôt les impressionnistes finiront par faire accepter aux critiques et au public ce que Baudelaire entrevoyait et ce que Baudelaire entrevoyait Les impressionnistes font faire accepter que tout artiste a un but et ce but c’est d’arracher au monde ce qui est propre au monde à en faire un monde cohérent.

Néanmoins, Baudelaire est l’homme de son époque, partisan de Delacroix et curieusement il n’est pas favorable au travail direct sur le motif qu’affectionnenet els impressionnistes.

 

            En fait, Baudelaire construit son esthétique en méditant sur l’œuvre de Delacroix et il reconnait surtout le fait proprement pictural. Il ne cherche pas à absorber la peinture dans la littérature. Il procède à une inversion romantique de lutte pictura poesis. C’est la poésie qui recueille la leçon de la peinture et non plus comme chez Le Brun au 17e siècle la peinture qui doit se moderler sur la discursivité poétique. C’est en ce sens que Baudelaire est révolutionnaire. Il inverse les proposde Léonard et d’Aleberti. Il y a pour Baudelaire une méditation, non transposition descriptive, persistante de la perception et correspondante entre le visible et les sensations. Il est le fondateur de l’art moderne.

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