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Purification ethnique: le rapport Mazowiecki

Publié le 22/02/2012

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28 octobre 1992 -   " La purification ethnique apparaît non pas comme la conséquence de la guerre [en Bosnie-Herzégovine] mais plutôt comme son objectif. Ce but a, dans une large mesure, déjà été atteint par meurtres, passages à tabac, viols, destructions de maisons et menaces. De telles pratiques se sont multipliées au cours des dernières semaines, et l'on constate de moins en moins de résistance de la part de la population non serbe, une part croissante de cette dernière étant prête à tout abandonner et fuir sa terre ", écrit M.Tadeusz Mazowiecki dans son rapport. Des trois peuples de cette République, le musulman est la principale victime du conflit et est " menacé d'extermination ".    " Les événements récents observés dans la région de Prijedor, Doboj et Kotor-Varos [nord de la Bosnie] prouvent que les dirigeants serbes de Bosnie-Herzégovine ne sont pas prêts à renoncer à leurs projets. Les Musulmans et les Croates vivent, dans les régions contrôlées par les autorités serbes, sous d'énormes pressions et dans la terreur. Des centaines de milliers de gens sont forcés de quitter leur maison et d'abandonner tous leurs biens afin de sauver leur vie ", explique M. Mazowiecki dans son rapport, rendu public mercredi 28 octobre.    A la suite de ces constats, M. Mazowiecki donne deux exemples de " la résistance à cette politique, toutes deux vaines " : " Les habitants du village musulman de Mahovliani ont cherché à échapper à la déportation en démontrant leur loyauté aux autorités locales serbes, y compris en livrant leurs armes et en acceptant d'effectuer un service militaire s'ils y étaient requis. En dépit de cela, ils sont l'objet d'attaques perpétuelles de la part " d'inconnus "  ". Les habitants de Vesici, dans la région de Kotor-Varos, ont opté pour la résistance armée. Le rapporteur spécial [M. Mazowiecki] est intervenu personnellement auprès de M. Radovan Karadzic, leader des Serbes de Bosnie, pour tenter de prévenir le massacre de quelque soixante-dix familles vivant à Vesici. " Mauvais traitements "    Autre exemple des conséquences de la purification ethnique pratiquée par les Serbes : " On a pu constater une situation dramatique dans la région de Travnik [au nord-ouest de Sarajevo], où un grand nombre de Musulmans déplacés vivent dans des conditions extrêmement difficiles. La ville de Travnik, avec une population de 19 000 personnes, doit héberger plus de 14 000 réfugiés. Nombre d'entre eux ont confié au rapporteur spécial [M. Mazowiecki] que tant les autorités locales [serbes] qu'une " agence d'émigration " à Banja-Luka [ville du nord-ouest de la Bosnie sous contrôle serbe] avaient organisé leur déportation et que certains d'entre eux avaient payé jusqu'à 300 deutschemarks pour rejoindre une région contrôlée par les Musulmans. Ils ont été conduits vers la ligne de front mais ont été forcés de descendre des autocars quelques kilomètres avant de l'atteindre et de traverser les zones de combats comme ils pouvaient. " Sur la route, dit encore le rapport, ces déportés ont régulièrement fait l'objet de mauvais traitements.    Après avoir souligné que les combats dans la région de Travnik menaçaient la sécurité des personnes déplacées ainsi que l'acheminement de l'aide humanitaire, M.Mazowiecki déclare avoir été " particulièrement choqué par les conditions de vie dans le camp de Trnopolje, où des gens se sont rassemblés dans l'espoir de fuir la purification ethnique pratiquée par les Serbes. Plus de 3 000 personnes se sont entassées dans trois bâtiments et quelques petites maisons, où elles vivent dans une saleté indescriptible, dormant sur de minces couvertures et des paillasses infestées de poux, buvant de l'eau croupie et survivant avec de maigres rations de pain. Certaines sont restées dans ce camp pendant plus de quatre mois ".    Le rapporteur spécial de l'ONU précise que Trnopolje est décrit parles autorité locales serbes comme étant un " camp ouvert " mais que les conditions alentour, " où pratiquement toutes les maisons appartenant aux Musulmans et aux Croates ont été détruites ", sont telles que lesprisonniers ne peuvent se déplacer qu'en risquant leur vie : " Même à l'intérieur du camp, ils se sentent menacés par les miliciens de garde ".    Et le rapporteur spécial d'évoquer le sort de ces personnes déplacées qui ne pourraient survivre qu'en trouvant refuge hors de la Bosnie-Herzégovine mais qui sont refoulées aux frontières, tant par les Croates - qui hébergent déjà chez eux quelque 700 000 réfugiés - que parles " casques bleus " de la Force de protection des Nations unies(FORPRONU), qui limitent les entrées à l'intérieur des zones placées sous leur protection et refoulent nombre de réfugiés. Sarajevo à l'agonie    Quant à Sarajevo, M. Mazowiecki la décrit comme une ville à l'agonie, dont la population désespérée perd toute confiance dans l'efficacité de l'aide étrangère. " Seul un cessez-le-feu immédiat peut sauver la population de Sarajevo, comme celle d'autres villes assiégées, de l'extermination ".    M. Mazowiecki juge, d'autre part, la situation au Kosovo (province méridionale de Serbie à population majoritairement albanaise) comme " dangereuse ". " Les leaders albanais, comme les représentants des communautés musulmane et catholique du Kosovo, ont fourni au rapporteur spécial la preuve de discriminations contre les Albanais de souche ainsi que de violations des droits de l'homme ", indique le rapport, qui fait notamment état d'une manifestation réprimée par la police alors qu'elle avait été autorisée et de brutalités policières contre des manifestants. M. Mazowiecki évoque également une discrimination certaine dans les domaines de l'éducation, de la justice ou de la santé.    Le rapport cite le cas de la Voïvodine (province septentrionale serbe à population partiellement hongroise), où l'on peut constater des pratiques proches de la purification ethnique, bien que dans de moindres proportions qu'en Bosnie-Herzégovine. Les non-Serbes ont notamment été chassés d'emplois publics, comme la police, la justice et l'administration, assure le rapport, qui cite le chiffre de 90 000 Croates et Hongrois ayant fui la région tandis que le nombre de réfugiés serbes s'installant dans la province se monterait à 150 000. " Hongrois, Croates, Slovaques, Slovènes, Ukrainiens et autres minorités craignent que les réfugiés [serbes] ne soient installés [sur place] de façon permanente, confisquant les propriétés des autres groupes ethniques et diminuant l'autonomie politique et culturelle de ces derniers ". " Zones de sécurité "    Autre source potentielle de conflit : le Sandjak, cette région de Serbie limitrophe de la Bosnie-Herzégovine et peuplée de Musulmans, dont le rapport dit que " des incidents contre des membres de la communauté musulmane ont été rapportés ", mentionnant le cas de maisons brûlées et de mosquées détruites " lors d'attaques terroristes ". " Quelque 70 000 Musulmans auraient quitté la région depuis le début du conflit " en Bosnie-Herzégovine voisine.    En conclusion de son rapport, M. Mazowiecki demande que " la priorité soit donnée à la protection du droit à la vie " et que en conséquence, refuge soit accordé à ceux dont la vie est en danger. Quant à l'argument selon lequel accorder asile aux personnes déplacées reviendrait à s'aligner sur la politique de purification ethnique, M.Mazowiecki, qui rappelle que les pays européens n'ont accepté, jusqu'à présent, d'accorder asile qu'à un petit nombre des personnes dont la vie est en danger, estime qu'un tel raisonnement ne peut prévaloir sur la nécessité de sauver des vies humaines. Le rapporteur préconise, en outre, la création de " zones de sécurité " et estime que " les efforts en vue d'ouvrir des corridors humanitaires pour toutes les régions assiégées de Bosnie-Herzégovine " devraient être prioritaires.    Le rapport de M. Mazowiecki mentionne, enfin, la découverte, près de Vukovar (région orientale de la Croatie conquise par les Serbes), du site d'un possible charnier et la collecte d'informations sur l'existence d'autres fosses communes à propos desquelles il estime urgent qu'une enquête internationale plus poussée soit menée. YVES HELLER Le Monde du 30 octobre 1992

« albanaise) comme " dangereuse ".

" Les leaders albanais, comme les représentants des communautés musulmane et catholique duKosovo, ont fourni au rapporteur spécial la preuve de discriminations contre les Albanais de souche ainsi que de violations desdroits de l'homme ", indique le rapport, qui fait notamment état d'une manifestation réprimée par la police alors qu'elle avait étéautorisée et de brutalités policières contre des manifestants.

M.

Mazowiecki évoque également une discrimination certaine dansles domaines de l'éducation, de la justice ou de la santé. Le rapport cite le cas de la Voïvodine (province septentrionale serbe à population partiellement hongroise), où l'on peutconstater des pratiques proches de la purification ethnique, bien que dans de moindres proportions qu'en Bosnie-Herzégovine.Les non-Serbes ont notamment été chassés d'emplois publics, comme la police, la justice et l'administration, assure le rapport,qui cite le chiffre de 90 000 Croates et Hongrois ayant fui la région tandis que le nombre de réfugiés serbes s'installant dans laprovince se monterait à 150 000.

" Hongrois, Croates, Slovaques, Slovènes, Ukrainiens et autres minorités craignent que lesréfugiés [serbes] ne soient installés [sur place] de façon permanente, confisquant les propriétés des autres groupes ethniques etdiminuant l'autonomie politique et culturelle de ces derniers ". " Zones de sécurité " Autre source potentielle de conflit : le Sandjak, cette région de Serbie limitrophe de la Bosnie-Herzégovine et peuplée deMusulmans, dont le rapport dit que " des incidents contre des membres de la communauté musulmane ont été rapportés ",mentionnant le cas de maisons brûlées et de mosquées détruites " lors d'attaques terroristes ".

" Quelque 70 000 Musulmansauraient quitté la région depuis le début du conflit " en Bosnie-Herzégovine voisine. En conclusion de son rapport, M.

Mazowiecki demande que " la priorité soit donnée à la protection du droit à la vie " et que enconséquence, refuge soit accordé à ceux dont la vie est en danger.

Quant à l'argument selon lequel accorder asile aux personnesdéplacées reviendrait à s'aligner sur la politique de purification ethnique, M.Mazowiecki, qui rappelle que les pays européensn'ont accepté, jusqu'à présent, d'accorder asile qu'à un petit nombre des personnes dont la vie est en danger, estime qu'un telraisonnement ne peut prévaloir sur la nécessité de sauver des vies humaines.

Le rapporteur préconise, en outre, la création de" zones de sécurité " et estime que " les efforts en vue d'ouvrir des corridors humanitaires pour toutes les régions assiégées deBosnie-Herzégovine " devraient être prioritaires. Le rapport de M.

Mazowiecki mentionne, enfin, la découverte, près de Vukovar (région orientale de la Croatie conquise parles Serbes), du site d'un possible charnier et la collecte d'informations sur l'existence d'autres fosses communes à proposdesquelles il estime urgent qu'une enquête internationale plus poussée soit menée. YVES HELLER Le Monde du 30 octobre 1992. »

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