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Quel est l'apport de la représentation théâtrale dans la perception que l'on peut avoir d'une oeuvre théâtrale ?

Publié le 05/12/2010

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perception

Autrefois, dans la Grèce antique, le théâtre était un art destiné à être regardé par un public. De nos jours, le théâtre est reconnu aussi bien comme un domaine littéraire, qu’un art du spectacle, et les valeurs littéraires des pièces de théâtre ne cessent de s’intensifier dans les yeux des amateurs. Ainsi, la représentation offre une approche vivante et actuelle d’une pièce, créant un lien entre le spectateur et les acteurs, dans un décor original, où chaque objet symbolise une idée particulière. Toutefois Louis Jouvet, affirme que « l’essentiel d’une œuvre dramatique c’est le texte « et que « tout l’art du comédien est un art de dire «. Effectivement, il est certain que la lecture permet de savourer la beauté de la langue utilisée, et de percevoir au mieux, l’aspect poétique de certaines pièces. Ainsi, dans quelles mesures ce jugement nous parait-il juste ? Et quel est alors l’apport de la représentation théâtrale dans la perception que l’on peut avoir d’une œuvre théâtrale ? En essayant de répondre à ces questions, nous allons voir, dans un premier temps, les pistes que la lecture peut offrir au lecteur, et dans quelle mesure, le texte est essentiel dans une œuvre dramatique. Nous soulignerons ensuite, qu’en effet, la représentation d’une pièce semble difficilement négligeable dans la mesure où elle lui apporte d’autres aspects admirables. 

Lire une pièce, semble être une excellente approche théâtrale, qui nous procure un certain plaisir, et le pouvoir d’en jouir comme nous le souhaitons. En effet, la question du temps consacré à la lecture n’est pas une contrainte, et cela nous offre la possibilité de revenir sur certains  passages importants dans le déroulement de l’action dramatique. Ainsi, le lecteur peut s’attarder sur certains passages qui lui semblent être importants dans l’histoire de l’œuvre, ou prendre du temps pour découvrir un langage théâtral, qui n’est pas forcément familier. En effet, le langage ayant évolué au fil des années, certains mots n’ont plus exactement la même signification que de nos jours, et si le lecteur arrive à se donner du temps pour se familiariser peu à peu avec le langage d’une pièce, la distance temporelle entre l’époque de l’auteur et celle du lecteur peut très bien se raccourcir, voire disparaître. Il en va de même pour le registre, le contexte historique et religieux ou encore le style comme l’écriture en vers dans les pièces de théâtre classiques. Ainsi, Andromaque, œuvre de Racine rédigé en 1667, est une tragédie écrite en vers, dans un langage plutôt soutenu, qui nécessite parfois plusieurs lectures afin de comprendre la totalité des vers, dans lesquels les figures de styles ne sont pas rares. De plus, des indications scéniques destinées aux lecteurs tout comme aux comédiens sont aussi utilisées par l’auteur, pour donner les informations nécessaire à la compréhension de la scène : les didascalies. Ces dernières donnent d’abord des indications sur les personnages, leurs noms, leurs positions sociale, les liens de parenté, parfois même au début de la pièce comme dans l’école des femmes, où Molière annonce tout les personnages, et précise les liens entre chacun d’entre eux. Il y a ensuite l’indication des décors, parfois très précise. Cette possibilité de concevoir des allers-retours dans l’œuvre est capitale tout d’abord pour cerner le message implicite que l’auteur a voulu cacher derrière son écriture. Chaque élément, qu’il soit dans les répliques ou dans les didascalies a un sens, rien n’est anodin car même dans les pièces que l’on peut qualifier d’absurdes, les messages sont très nombreux comme dans fin de partie de Beckett, où les didascalies y prennent une très grande place. Dans cette pièce, nous pouvons ainsi, à travers les didascalies « un temps « ou encore « bâillements «, comprendre que les personnages agissent sans considération de temps, et sont totalement lassés de la vie. Dans un second temps, les promenades du lecteur dans l’œuvre lui permettent de contempler la beauté de l’écriture utilisée. Ainsi, l’aspect poétique dans Bérénice de Racine mérite d’être étudié en profondeur par le biais de multiples figures de styles comme métaphore, comparaison, antithèse, ou chiasme, ou encore par la richesse des rimes dans les alexandrins. Finalement, suite à un certain temps consacré à l’œuvre, le lecteur est libre dans la « concrétisation « de l’image des acteurs, leur voix, leur taille, leur jeu, mais aussi pour tout ce qui concerne les cadres spatio-temporels comme les décors, les costumes, et les objets théâtraux. Il peut donc imaginer sa propre « représentation « car il n’y a pas d’images qui lui sont imposées comme dans le cas d’un spectateur au théâtre. Néanmoins, nous allons voir que l’apport de la représentation n’est pas un élément négligeable. 

En effet, il nous est impossible de concevoir que la lecture paraît capable à elle seule de nous transmettre toute la beauté de l’œuvre théâtrale. Cependant si nous regardons du côté de la représentation, les chemins proposés pour l’entrée dans l’œuvre sont également très abondants, et cette dernière peut également permettre la transmission de certaines choses non ressenties dans la lecture. Ainsi, malgré que la lecture semble indispensable, la représentation théâtrale est, elle, difficilement négligeable car le théâtre est créé tout d’abord pour être joué. En effet, le jeu sur scène permet de concrétiser les éléments dans la pièce, facilite l’accès à la compréhension de l’œuvre et offre en même temps une vision et une audition aux spectateurs. Ainsi, chaque élément sur scène, comme les costumes, la mise en scène et le jeu des acteurs est important. Effectivement, les costumes ont une première fonction, qui est informative, étant donné qu’ils aident le spectateur à identifier l’époque, le milieu social, et la fonction de certains personnages. C’est ainsi que dans la commedia dell’arte, Arlequin, Colombine, Pierrot sont très reconnaissable à leurs costumes. D’ailleurs, l’improvisation dans la commedia dell’arte fait la de la représentation théâtrale un art pratiquement indépendant d’une œuvre écrite. De plus, dans chaque pièce de théâtre, en parallèle avec les répliques se présentent les didascalies qui sont des indications soit pour l’espace scénique soit pour le jeu de l’acteur. Cette présence traduit la volonté des auteurs que leurs œuvres soient mises en scène. Pour le cas des pièces qui ont peu de didascalies comme chez Molière ou Racine, on apprend que ce n’est pas du à une volonté d’écrire une pièce à lire mais parce qu’ils sont eux-mêmes des metteurs en scène pour leurs pièces. Le spectateur est d’ailleurs considéré comme un des acteurs indispensables au théâtre, sans lequel il n’y aura pas de théâtralité. De plus, la mise en scène permet de voir en concret l’espace scénique et elle offre au spectateur une des visions possibles de l’œuvre. Les objets théâtraux ont tous des significations importantes qui permettent de mieux comprendre l’œuvre. Ainsi, dans la mise en scène de Fin de partie par Charles Berling, certains éléments comme les fenêtres très hauts perché, qui nécessitent d’ailleurs un escabeau pour regarder à travers, donne l’impression au spectateur, encore plus qu’à la lecture, que le lieu où se trouvent les personnages peut être assimilé à une prison, dans laquelle Hamm et Clov sont enfermés malgré eux. La façon de mettre en scène le décor et les objets théâtraux peut alors révéler ce que le metteur en scène a compris dans le sens de l’œuvre, dans le message que l’auteur a voulu transmettre dans sa pièce. Il serait donc dommage que la découverte d’une œuvre théâtrale soit réduite seulement à la lecture ou bien seulement à la représentation, et avoir la possibilité d’être en contact avec les deux est surement le meilleur moyen pour contempler une « double création «.  

Finalement, si la lecture offre plusieurs avantages tels que l’absence des contraintes temporelles, la possibilité d’entamer une étude profonde sur la beauté de l’écriture ou encore la liberté d'imaginer des dispositions et des personnages dans une pièce de théâtre, la représentation permet également de son côté, plusieurs approches intéressantes. Ainsi, il serait plus intéressant, pour pouvoir transmettre entièrement la beauté d’une œuvre au destinataire, de considéré ces deux voies comme complémentaire. Le destinataire de l’œuvre serait donc invité à savourer une double création artistique, tout en approchant plus facilement le sens d’une œuvre.

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