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qu'est-ce qu'un monstre

Publié le 16/01/2011

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INTRO : Qu’est-ce qu’un monstre Le vocable monstre ne manquera jamais, à son évocation, d’éveiller toute imagination travaillant à définir ce sujet. Tributaire d’une palette de représentations artistique étendue -du Cauchemar de Füssli au portrait papal de Bacon-, le « monstre » repose en son fondement même sur une étymologie incertaine et disputée : il consisterait en un possible dérivé de monstranum (phénomène que l’on montrait dans les cirques ou foires) ou de monstrum (qui lui ferait écho à un présage). On s’en tiendra à la première étymologie, qui confère au monstre tout son caractère pittoresque. Le monstre peut tout à la fois se draper dans une connotation très littérale(monstre de visu) ou figurée (monstre psychologique). Dans ces deux cas, le monstre semble être ce qui sort de l’ordinaire : l’amorphe. Par définition, le monstre est anormal. D’emblée, on voit s’esquisser l’idée de standards, de normes, qui permettent, par raisonnement a contrario, de déterminer le monstre. Partant, le paradoxe du monstre est qu’il est déterminé par sa non-détermination, c’est-à-dire qu’il est considéré comme tel parce qu’il ne souscrit pas aux standards de la normalité. Or, si le monstre est amorphe, anormal, peut-on réellement lorsqu’on cherche à le définir, l’appréhender sous un angle « purement » normatif? Le terme « purement » est ici d’obédience kantienne, et est volontairement choisi pour faire écho à une possible inaptitude de la raison pure à atteindre l’essence d’un monstre en soi. Parce qu’il n’obéit pas à « nos » critères physiques, il doit être circonscrit à la nébuleuse de la métaphysique, ou à tous le moins à une alter-physique si l’on veut se permettre l’affront d’employer un néologisme. Il semble que cela ne soit pas de notre ressort de définir le monstre. Pourtant, l’héritage artistique et littéraire du monstre est notoire et largement fourni : les divers Cerbère, Minautore, Harpie, Griffon et autres monstres jalonnent les tercets enchaînés de la Divine Comédie dantienne, et se font l’écho d’une pichenette à la réalité et la certitude qu’il lui est sous-jacente. Les « monstres de papiers » sus évoqués confondent réalité et supra-réalité. C’est la réalité actant le doute en somme, et qui prend alors des accents de menace. Parallèlement, le Horla de Maupassant à ceci d’original qu’il met en scène un ectoplasme de monstre qui n’a lieu d’être que par ses manifestations. Un verre d’eau à demi consommé ou une porte refermée suffisent chez Maupassant à caractériser l’existence du monstre, qui tend alors à se confondre avec l’imaginaire humaine. « Suis-je fou? » n’a de cesse de se répéter le narrateur. Cet exemple à le mérite de souligner que c’est l’imaginaire humain qui enfante toutes les représentations du monstre, dont l’existence n’est jamais tangible, bien que potentiellement tangible. (Cf Dieu, à la différence près que Dieu est à l’image de l’homme quand le monstre n’est pas constitué à l’aune de l’homme. Il émane de son imagination certes, mais diffère monstrueusement de l‘homme) Le monstre peut exister, mais il se dérobe sans cesse. On croit l’apercevoir au détour d’un coin sombre et voilà que ses traits s’effacent, mêlant imagination et réalité, doute et certitude, soit in fine contingence et nécessité. C’est cette ambivalence du monstre qui le place à distance égale entre le définissable et l’ineffable. Enfin, le monstre a ceci de menaçant que malgré toute l’aura mystérieuse qu’il l’entoure, et bien que le monstre ne soit pas anthropomorphique (c’est justement en cela qu’il est monstre), le monstre reste assimilable à l’homme. Il ne s’agit pas ici de se contredire. Bien qu’émanant de l’imagination humaine, le monstre reste monstrueux et non au diapason de l’homme; les choses sont à envisager de l’autre côté. Le monstre ne peut jamais affecter des traits humains (ou alors il devient Homme) alors que l’homme est enclin à devenir monstrueux. On rappellera le cas Eichmann, dont Hannah Arendt soulignait la « banalité du mal » : le reflet humain peut alors se transmuer en reflet monstrueux. Le monstre ne constitue plus alors une menace extérieure. La menace vient possiblement alors de l’intérieur. L’essence du monstre est indéfinissable, mais celle de l’homme est monstrueuse en puissance. Le monstre se confond alors au ça freudien : tous deux sont à la fois imprévisibles mais coercitifs, et c’est là que réside la menace. Qu’est-ce qu’un monstre? Comment définir l’indéfinissable? A quoi reconnaître le monstre, si icelui est hors-normes, au-delà des standards , et pourtant foncièrement proche de l’homme? S’il semble en effet qu’on ne puisse envisager le monstre sous un angle normatif (I), il reste que l’on peut circonscrire les représentations du monstre (II). En outre, il semble que l’homme soit monstrueux en puissance, et qu’il affecte par conséquent des traits caractéristiques du monstre (III).

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