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Questions Sur L'Île Des Esclaves De Marivaux

Publié le 05/08/2010

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marivaux

Q 1 : quels sont les enjeux du dialogue entre Arlequin et Iphicrate ?  a) Le mot clé du libellé est « enjeux «  b) Les enjeux d’une scène d’exposition sont de situer le contexte général dans lequel va se dérouler la pièce, donner les informations nécessaires concernant des événements antérieurs au début de la pièce et donner les premiers éléments de l'intrigue qui vont exciter la curiosité du spectateur.  Les enjeux d’une scène de comédie sont de montrer les vices, les travers et les mœurs d’une personne ou d’une société de manière divertissante.  Les enjeux particuliers de la situation présentée ici sont importants car c’est la scène d’exposition. Elle joue bien sont rôle car le spectateur est tenu en haleine: le maître va-t-il tuer le valet ? Si non, comment réagira-t-il à sa nouvelle condition d'esclave ? Comment Arlequin se comportera-t-il, en tant que nouveau maître ? Qui sont ces "camarades" que le valet va retrouver ?  Cette scène pose d'emblée un problème fondamental dans la pièce : les relations maîtres / esclaves : leurs fondements, leur légitimité (ou leur illégitimité), leur fragilité. Mais elle semble promettre de traiter cette grave question non pas de manière superficielle, mais en gardant une tonalité comique.    Q 2 : la première scène de l’Ile des esclaves est-elle une scène de comédie ?  a) On attend d’abord d’une scène de comédie qu’elle provoque le rire mais c’est aussi un moyen de critique sans censure sur la société, les relations humaines, les conditions humaines, la fonction politique…elle est donc un moyen de remise en cause. Dans cette scène, l’attente est satisfaite car la relation esclaves/maitres est présenté et la situation dans laquelle sont les personnages tient en halène les lecteurs. La situation est comique mais ce n’est pas une scène qui fait rire mais qui peut provoquer des sourires.  b) La scène est divertissante mais elle a une autre fonction : elle dénonce les travers de la société.    Q 3 : quels rapports entre maître et serviteur la première scène de l’Ilie des esclaves met-elle en place ?  a) Les mots clés du libellé sont « rapports entre maître et serviteur «.  b) De quelle nature sont les rapports entre les personnages ? Evoluent-ils au cours de la scène ? Ils ont fait naufrage. Ce naufrage bien sûr est un symbole. C'est la tension même du rapport maître/esclave qui est à l'origine du naufrage. Car une société qui repose sur une telle inégalité, ça ne tient pas la mer. Et pourtant, dans la fiction, c'est un vrai naufrage ! Ils arrivent sur une île. Cette île bien sûr est un symbole. C'est l'espace de l'impossible, de l'imaginaire, de l'expérimentation. Car le monde où nous sommes, ça ne se renverse pas comme ça. Et pourtant, dans la fiction, c'est vraiment une île !    Q 4 : étudier une scène d’exposition  a) Quels renseignements fournit le paratexte sur le lieu et l’époque de l’action ?  • Une époque difficile à situer : références à l'antiquité, mais de manière assez vague (la seule référence est celle de l'esclavage en Grèce) ; on oublie assez facilement cette référence à l'antiquité et la pièce semble davantage se dérouler à une époque contemporaine (cf. le nom d'Arlequin, par exemple, référence à la comédie italienne).  • Un lieu également très vague (cf. les indications de décor, avant le début de la pièce : une mer, des rochers, des arbres et des maisons). Une notation importante, celle de l'île, caractéristique des utopies : l'île est un endroit isolé, sans contact direct avec le monde habituel : on peut donc y établir de nouvelles lois et abolir les anciennes. Mais aucune précision géographique (situation de l'île par rapport au reste du monde ; paysage environnant). Le contexte géographique n'est qu'un prétexte à la réflexion d'ordre moral qui constitue l'essentiel de la pièce.  • les lieux : Athènes : origine des naufragés. Le changement de lieu dû au naufrage provoque une remise en cause des situations sociales. L'île : pas de situation géographique précise. Identifiée par Iphicrate. Une fonction politique : elle sert de refuge aux esclaves depuis 100 ans. Un lieu inconnu qui présente des dangers physiques (la mer, les rochers) et un danger social (le maître risque de perdre sa liberté).   • Les didascalies renseignent sur l’espace de l’action (île, mer, rochers, arbres, maisons). C’est un décor dépouillé, un espace insulaire.  • Espace et temps : On a affaire à un décor symbolique.  Pour Iphicrate et Euphrosine cette île suggère l’enfermement : "  ne négligeons rien pour nous sortir d’ici ", ainsi que la sauvagerie des habitants puisque " leur coutume est de tuer les maîtres qu’il rencontrent ". Pour Arlequin et Cléanthis, cette île est " un lieu paradisiaque peuplé de gens " aimables " et " raisonnables ". A travers ces deux extrêmes, Marivaux nous présente cette île comme un lieu civilisé où est né un projet social. On peut expliquer la volonté du dramaturge de faire figurer des " habitants de l’île " puisque celle-ci figure comme un lieu utopique.  Les seuls indices temporels que nous ayons portent sur le temps d’esclavage d’Iphicrate et d’Euphrosine ; celui-ci est supposé durer " trois ans " ; les nouveaux maîtres, eux, ont " huit jours pour se réjouir " ; quant à la pièce, elle n’excède pas vingt-quatre heures.  • l'espace : la didascalie initiale plante-t-elle un décor précis ? En quoi peut-on se saisir de cette remarque pour confirmer que nous sommes bien là devant un décor symbolique, presque abstrait, comme le sont souvent les décors des apologues et des fables ? On peut aussi observer comment le lieu scénique se situe entre deux espaces, l'un naturel et sauvage, l'autre plus civilisé. Il faut donc lui donner un caractère transitoire, l'imaginer comme une sorte de "no man's land" ou de "sas" qui symbolise la nudité, le dépouillement d'où pourrait naître, pour les personnages qui y évoluent, une vie nouvelle.   L'insularité amène d'ailleurs des représentations opposées selon l'origine sociale de nos quatre personnages : pour Iphicrate et Euphrosine, elle suggère l'enfermement ("ne négligeons rien pour nous tirer d'ici, dit Iphicrate dans la scène I, si je ne me sauve, je suis perdu, je ne reverrai jamais Athènes, car nous sommes dans l'île des Esclaves") et la sauvagerie ("leur coutume est de tuer tous les maîtres qu'ils rencontrent"). Pour Arlequin et Cléanthis, l'île est au contraire un lieu paradisiaque peuplé d'« aimables gens. - Et raisonnables « (on pense à L'Île de la raison, autre comédie de Marivaux).  b) Quels renseignements fournit le paratexte sur la situation des personnages ? sur les relations qui les unissent ?  • Des personnages typiques de la comédie italienne et de la comédie française  • Arlequin : le type du zanni de la commedia dell'arte : valet spontané, joyeux, apparemment sans malice extrême. Accessoire traditionnel : la bouteille (signe extérieur du bon vivant).  • Iphicrate : un personnage qui appartient davantage au fonds comique français. Un aristocrate sûr de sa position sociale, reflétée par le caractère que lui prête Marivaux : égoïsme (nombreux "je" dès la première réplique du passage), condescendance ("mon cher Arlequin"), autorité naturelle (nombreux impératifs). Il s'agit donc de personnages comiques : la tonalité d'ensemble de la pièce est ainsi donnée sans ambiguïté.  • Les relations maître-valet aussitôt plantées se précisent ensuite sous l'angle du conflit et du ressentiment ("j'étais ton esclave, tu me traitais comme un pauvre animal") et Arlequin ne tarde pas à en manifester l'étendue en prenant soudain un ton net et menaçant.  c) Quels renseignements le dialogue donne-t-il sur les données de l’intrigue ?  Il s'agit ici d'un dialogue. Le volume des répliques est en faveur d'Arlequin. Examinons les premières et les dernières : si Iphicrate parle le premier, c'est Arlequin qui aura le dernier mot. Ceci est un premier indice objectif d'un renversement de situation. D'autre part, les premières répliques d'Iphicrate se font sur le mode interrogatif, ce qui signale un certain désarroi ("Que deviendrons-nous?"), alors qu'Arlequin marque à la fin de la scène par des injonctions ("prends-y garde") une fermeté bien surprenante pour un valet.  d) Quelles sont les fonctions d’une scène d’exposition ? l’extrait étudié remplit-il ces fonctions ?  L'étude d’une scène d’exposition donne des indications dramaturgiques significatives :  • Les personnages dialoguent : Iphicrate nous avise d'un naufrage et de l'origine des naufragés ("je ne reverrai jamais Athènes"). Tout aussi vite, Iphicrate présente les mœurs des indigènes et retrace même leur histoire. Avec Arlequin, nous voilà en présence d'un rapport social ("mon patron", puis "Monsieur Iphicrate").  • Une scène d'exposition ne se contente pas de présenter ni d'informer : elle pose un enjeu dramatique qui concentre les attentes des spectateurs. Ainsi le dramaturge laisse habilement dans l'incertitude les informations qu'Iphicrate nous donne sur la nature de l'île. Ses craintes en laissent planer une autre sur son sort, d'autant qu'il dramatise les coutumes du lieu ("tuer tous les esclaves qu'ils rencontrent"), tandis que les avertissements d'Arlequin définissent déjà le projet "thérapeutique" de l'île : "Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi ; on va te faire esclave à ton tour ; on te dira aussi que cela est juste, et nous verrons ce que tu penseras de cette justice-là ; tu m'en diras ton sentiment, je t'attends là. Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable ; tu sauras mieux ce qu'il est permis de faire souffrir aux autres." Ces futurs laissent attendre une expérience d'ordre psychologique et moral, que Trivelin présentera dans la scène suivante, mais dont Arlequin a aussitôt perçu l'enjeu  • Le genre : Une pièce de théâtre se signale d'emblée par son registre. Ici, la présence familière d'Arlequin (au moins pour le public de l'époque) garantit une comédie, et nous trouvons bien en effet les caractéristiques du genre. Mais les formes pathétiques du discours d'Iphicrate, le ton menaçant d'Arlequin à la fin de la scène viennent nuancer notre impression et nous rendent incertains quant au dénouement. L'époque de Marivaux est aussi celle du drame bourgeois ou de la comédie larmoyante. Ici encore, la scène d'exposition joue pleinement son rôle en renforçant notre incertitude.  On peut donc aboutir à une première conclusion : il s'agit bien d'une scène d'exposition. Nous disposons des éléments nécessaires à la compréhension de l'intrigue qui se noue et entretenons déjà des attentes qui garantissent l’attention.    Q 5 : analyser les rapports entre les 2 personnages  a) Observer les didascalies : quelles indications donnent-elles  • Sur le caractère d’Iphicrate ? les didascalies d'Iphicrate signalent l'exaspération croissante puis la soudaine colère, la violence ex : esclave insolent «. De fait, la scène s'achève sur une poursuite armée : l'obstacle que lui oppose Arlequin dans sa dernière réplique marque le tour dramatique que prennent les choses : l'esclave fait front.  • Sur celui d’Arlequin ? Valet rieur, Arlequin est le contraire du domestique soumis. Il manifeste son insolence, son ironie ou sa raillerie. Arlequin utilise un ton ("je ne t'obéis plus, prends y garde") qui menace son maître et l'avertit, il guette son interlocuteur.  • Ces traits de caractère sont-ils inattendus ? Oui, ce ne sont pas des relations normales maitre / esclave  b) Observez le jeu des pronoms personnels. Quel changement essentiel intervient dans la tirade d’Arlequin ?  • Le rôle du langage : au début du passage, Iphicrate associe étroitement le sort du valet au sien : emploi du "nous", tout en montrant d'emblée que seul lui importe son bonheur (trois emplois de "je"). Le changement de situation sociale se manifeste par le passage du vouvoiement et du tutoiement dans les propos d'Arlequin, alors que son maître le tutoie d'un bout à l'autre de la pièce. Un changement qui symbolise une relation plus égalitaire entre les personnages (mais qui ne durera qu'un temps, puisqu'à l'issue de la pièce, Arlequin vouvoiera à nouveau son maître).  • Arlequin emploie le tutoiement pour parler à son maitre – Arlequin inverse les rôles en employant le « je « comme son maitre le faisait pour lui et il le tutoie puis il emploie le nous pour moraliser l’histoire  « Nous «, englobe le spectateur -> valeur collective -> enjeu de savoir, vérifie la justice de l'ordre ancien.  Le tutoiement signifie lui aussi l'inversion des rôles : la distance entre le maitre et l'esclave est désormais abolie.  • Il montre d'abord son autorité et son rôle par le jeu des pronoms personnels : emploi marginal de "je" : il se retranche bien plus derrière un "nous" qui renvoie à une collectivité à la fois connue et difficile à identifier, ce qui renforce le pouvoir du personnage. Ce "nous" s'identifie d'abord par la référence au passé : "nos pères", ils". Il s'identifie ensuite par opposition au "vous", qualifiant bien sûr Iphicrate et Euphrosine, mais, au-delà-, l'ensemble des maîtres qui échouent sur l'île. Le "nous" est en général sujet dans cette tirade, en particulier lorsqu'il s'agit de verbes d'action : "nous vous corrigeons", "nous vous jetons", "nous prenons", etc. "Vous" reste sujet de verbes d'état : "devenir", "êtes", impliquant la situation actuelle ou future des maîtres. "Vous" est également sujet de verbes à l'impératif : les anciens maîtres reçoivent des ordres !  c) Par quels termes les personnages s’interpellent ? quelle évolution se dessine dans leurs rapports ? quels termes, dans les didascalies, soulignent cette évolution ? que devient le couple formé par le maitre et le valet, à la fin de la scène ?  Relations marquées par une grande tension entre les deux personnages (enchaînement des répliques, communication...) On passe de l'insulte (esclave insolent) à la moquerie et l'insolence et la provocation (interrogation, exclamation).  Iphicrate essaye de maintenir l'ordre ancien et de ne pas accepter les changements. Il a peur de perdre la liberté sur cette île, et c'est pour cela qu'il aimerait vite partir de cette île. Comme il a besoin de son esclave pour retrouver d'éventuels compagnons qui auraient survécu au naufrage, il adopte une fausse amabilité envers Arlequin, il devient poli avec lui. Mais malgré sa peur, il continue d'insulter son esclave (Esclave insolant) de rappeler les chaînes qui lient le maître à l'esclave et même de le menacer (Tu ne mérites pas de vivre). Ses interrogations montrent qu'il ne comprend pas la situation. Son désespoir est montré par le vocabulaire et les didascalies. Le maître est déstabilisé, il a peur de perdre sa liberté, il essaye de résister à ces nouvelles règles.  Ton très passionné ("misérable, tu ne mérite pas de vivre"), le maître va jusqu'au désir de tuer.  Ton d'arlequin ("je ne t'obéis plus, prends y garde") qui menace son maître et l'avertit, il guette son interlocuteur.  La fragilité du pouvoir d'Iphicrate : elle apparaît d'abord dans l'évolution du comportement d'Iphicrate à l'égard de son valet : après avoir donné du "mon cher" à son valet, il se laisse gagner par la colère (cf. la didascalie "retenant sa colère") et injurie Arlequin ("esclave insolent") et il lui prend même l'envie de tuer son ancien esclave (cf. la dernière didascalie : "l'épée à la main" : apparition de la violence d'ordre physique). Elle apparaît ensuite dans les réflexions d'Arlequin : sans son gourdin, son maître a perdu de sa force ; dans les réflexions d'Iphicrate lui-même : il a besoin de "ses gens" ; on s'aperçoit plus loin que, même, il n'existe pas vraiment sans eux. Enfin, elle apparaît dans le comportement d'Arlequin qui passe de l'ironie badine (ordinaire chez ce personnage italien) à l'accusation sérieuse (insistance de la didascalie sur ce changement : "d'un air sérieux"). Le personnage fait ici preuve d'une grande capacité de réflexion, inattendue pour le spectateur (habitué à voir des Arlequins sur scène), en faisant coïncider l'idée de souffrance et celle d'acquisition de la raison : la souffrance revêt une valeur pédagogique (une idée qui sera développée à d'autres moments de la pièce).  d) quels objets symbolisent le pouvoir du maître ? quel rôle jouent-ils dans cet extrait ?  Le gourdin résume le pouvoir d’Iphicrate, signale le caractère primitif de ce recours à la force ; il emblématise la volonté de puissance d’Iphicrate. La violence, autorisée par la justice des maîtres, est toujours abusive et illégitime d’un point de vue moral. Arlequin souligne le sadisme des maîtres : ceux-ci savent bien, en effet, qu’ils utilisent la violence sans raison, pour assouvir de façon plus ou moins consciente leur volonté de domination. L’emploi de la force est toujours un abus et une honte qu’Arlequin refusera, lui, quand il deviendra provisoirement le maître  e) observez les temps verbaux dans la tirade d’Arlequin. Quelle opposition apparait ? Qu’indique-t-elle ? Quelle particularité présente la situation à venir ?  Les temps utilisés sont le présent, l’imparfait puis le futur. Il y a une progression dans le dialogue montrant le changement de situation visé. Arlequin recourt volontiers à des maximes « les hommes ne valent rien « « quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable « « tout irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi. « il revendique son statut d’humain.  La Grèce antique : une convention pour évoquer les problèmes de la société du XVIIIè siècle.   Le passé (passé composé) : évocation du naufrage   Le présent : évocation de la situation des personnages  Le futur : source d'inquiétude pour Iphicrate     Q 6 : étudier le registre de la scène  a) Arlequin est un personnage célèbre de la commedia dell'arte. Serviteur ivrogne et jouisseur, conforme en cela à la tradition de la commedia dell'arte, il pense d'abord à la nourriture. C’est un bouffon paresseux, naïf et familier. On le représente souvent dans son manteau coloré et une bouteille à la main. Ces attributs signalent au public qu’il ne faut pas tenir compte de ses paroles, cependant le XVIII° siècle fait évoluer ce personnage: il prend plus de profondeur. Il est ici le servant d’Iphicrate et deviendra maître au même titre que Cléanthis. Il profitera de son statut de maître, mais se montrera peu rancunier envers son ancien maître. Véritable électron libre du théâtre, pour qui rien ne porte à conséquence, retournera rapidement à son statut d’esclave  a)  b) Arlequin se trouve investit d'un rôle riche qui à une dimension intéressante. Il formule l'enjeu de la pièce et présente de façon raisonnée les étapes de la transformation sociale. Les rôles ne sont pas inversés pour exécuter une vengeance personnelle. Cette réciprocité est l'instrument d'une amélioration des rapports humains.  c) Panique et peur profonde du maître dans ce nouvel état social. Arlequin rie, il raisonne, développe l'enjeu de la pièce, il se moque du maître, il rie de sa liberté nouvelle (190 : Ah, Ah vous parlez la langue d'Athènes, mauvais jargon que je n'entends plus"). Il va mettre en pratique les nouveaux rapports directement. Il endosse le premier le nouveau rôle. Il en profite pour se rebeller contre l'autorité de son maître. Il refuse d'obéir à son maître (193 à106) et ne cesse de provoquer son maître (169, lorsqu'il chante). Puis il est sérieux (193) et il expose par une tirade les nouveaux rapports et l'enjeu de la pièce de façon raisonnée, car la tirade est construite. Cet Arlequin n'est pas aliéné, il comprend très bien les nouvelles règles du jeu.  C'est là le sens du pardon d'Arlequin. Aussi, lors de sa tirade, Arlequin fait un constat de l'attitude passée de son maître. Le but visé par Arlequin n'est pas seulement de faire souffrir son maître, c'est de lui faire comprendre ses erreurs. La souffrance n'est qu'une arme à la leçon de morale.    Q 7 : répondre à la question posée  a) Situer brièvement le texte : auteur, date de parution, œuvre :  MARIVAUX   (1688-1763)     L'Île des esclaves (1725)  Biographie et bibliographie  Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux naît en 1688 à Paris. Il passe son enfance à Riom et dès son retour dans la capitale en 1712, il entame une discrète carrière littéraire. Il publie plusieurs romans dont Pharsamon ou les nouvelles folies romanesques, La voiture embourbée, Les Effets surprenants de la sympathie… Le public ne s’intéresse pourtant à lui qu’en 1720 grâce à la comédie Arlequin poli par l’amour.  Mais Marivaux est aussi un romancier. Il a écrit La vie de Marianne en 1731-1741 et Le paysan parvenu en 1735 où il introduit une dimension réaliste doublée d’une grande lucidité. Il a également publié des journaux : d’abord Le spectateur français en 1722 remplacé par L’indigent philosophe en 1728 et ensuite Le cabinet du philosophe en 1734. Mais son œuvre est assez méconnue étant donné la futilité que le siècle lui accorde. C’est pourquoi Marivaux meurt en 1763 dans une indifférence totale.  Il a également écrit des pièces de théâtre telles que La Double Inconstance en 1723, Le jeu de l’amour et du hasard en 1730, L’Heureux stratagème en 1733 ou encore Les Fausses Confidences en 1737 qui sont fréquemment jouées de nos jours.  Marivaux écrivit L'île des esclaves, comme la plupart de ses pièces, pour les Comédiens-Italiens. Ceux-ci n'ont qu'un rapport lointain avec les comédiens italiens appelés en France en 1570 par Catherine de Médicis et qui y avaient fait triompher la commedia dell'arte. Cet art, originaire de Bergame, était surtout bâti sur le mime et le comique de situation. Les comédiens interprétaient des personnages génériques immuables (Arlequin, Brighella, Pantalone...) sur de simples canevas qui laissaient toute latitude à leur improvisation. On sait que Molière en fut considérablement influencé. Au XVII° siècle, les comédiens italiens, promus "Comédiens du Roi", avaient fini par être expulsés en raison des libertés qu'ils se permettaient et de la représentation d'une Fausse prude, dans laquelle on avait eu peut-être raison de reconnaître Mme de Maintenon, épouse de Louis XIV.  b) Caractérisez rapidement le genre, le registre, le thème du texte :  L’Île des esclaves est une comédie en un acte (11 scènes) et en prose de Marivaux représentée pour la première fois le lundi 5 mars 1725, à l’Hôtel de Bourgogne par les Comédiens Italiens. Le mélange des genres se retrouve sur tous les plans : les personnages grecs, le naufrage ainsi que le caractère d’Euphrosine tendent vers une tragédie. Mais la pièce est bien une comédie : confusion des sentiments, échanges de pouvoir entre maîtres et valets, enfin l’aspect résolument comique du personnage d’Arlequin. De plus, la pièce se termine sur une reprise du pouvoir par les maîtres et le retour au statut d’esclave de Cléanthis et d’Arlequin ; ce retour à la situation initiale est le propre de la comédie.  c) Rappelez la question posée et annoncez les enjeux dans l’ordre où ils seront étudiés  Suite à un naufrage, Iphicrate, un jeune maître athénien et Arlequin, son esclave, ont échoué sur l'île des esclaves, habitée par d'anciens esclaves qui suppriment les maîtres ou qui les jettent dans l'esclavage. Alors qu’Iphicrate désormais en danger, est pressé de partir à la recherche de ses camarades, et qu'il espère quitter l'île le plus rapidement possible, Arlequin ralentit le pas et n'a pas les mêmes intentions que son maître.  Arlequin, dans ce passage, quitte son rôle d'esclave et expose la nouvelle situation dans laquelle le maître, Iphicrate, va subir l'épreuve de l'esclavage.  Dans cette première scène qui commence par une rupture violente avec un passé auquel le spectateur n'a pas accès (le naufrage, l'utopie permet de lancer la problématique essentielle de la pièce : dans cette île où les relations maître / esclave sont renversées, que vont devenir les deux personnages que découvre le spectateur ? Au renversement concret de situation marqué par le naufrage va peut-être correspondre un renversement d'ordre moral que revendique déjà le valet, puisqu'il affirme dès la première scène son refus désormais d'obéir à Iphicrate, qui, lui, voudrait absolument fuir cette île.    Q 8 : dégager l’essentiel pour répondre à la question 1  a) C’est une scène d’exposition  b) La scène montre la dissociation d’un couple  c) Arlequin se rebelle  d) La scène vise l’amusement du spectateur  e) Arlequin conquiert la liberté  f) La scène annonce le projet d’une œuvre : corriger les mœurs  g) Iphicrate est impuissant devant la révolte d’Arlequin  h) Le maître est dépouillé des emblèmes du pouvoir    Q 9 : dégager l’essentiel pour répondre à la question 3  a) Quels sont les indices les plus significatifs du changement de relation entre les personnages ? Le valet étant une figure emblématique, il ne sort de l’anonymat que grâce à son maître. Ainsi lorsqu’il dialogue avec son maître, il s’affirme et se révèle.  Dans le théâtre, l’inversion du pouvoir constitue le véritable enjeu dramatique de la pièce. Dans la vie réelle, les provocations d'Arlequin et de Cléanthis sont des gifles à l’ordre établi.  Les valets ont ainsi plusieurs fonctions :  Ils ont avant tout une fonction didactique : ils portent des jugements permettant - par exemple lorsque Cléanthis dresse le portrait de sa maîtresse - une certaine complicité entre l’auteur et le public.  Ils ont aussi une fonction d’information car ils sont présents dans presque toutes les scènes d’exposition et de dénouement. Ainsi de nombreuses facettes des maîtres sont dévoilées grâce au valet.  Enfin, les valets ont une fonction dramatique : affrontant les maîtres, ils maintiennent la tension dramatique aussi longtemps que l'issue du conflit reste incertaine.  b) Arlequin triomphe-t-il à la fin de la scène ? le maître remet-il son attitude en question ?  Plus subtilement, la dernière réplique d'Arlequin suggère que seule l'obéissance de l'esclave fait la force du maitre : « tes forces sont bien diminuées car je ne t’obéis plus, prends-y garde «. Le seul obstacle à l’émancipation de l’esclave est dans la tête de l’esclave.    Q 10 : présenter une conclusion  a) Rappeler la progression du dialogue et son résultat  Il semble que la scène obéisse à un triple mouvement :  - Iphicrate informe Arlequin de la nature de l'île (> "Eh ! encore vit-on") : information bien imprudente qui donne à Arlequin une première occasion de se réjouir ("ils tuent les maîtres, à la bonne heure"). Dans ce passage, Iphicrate reste le maître, malgré son inquiétude : il donne des ordres, établit un premier projet ("nous tirer d'ici"). Arlequin l'appelle d'ailleurs "mon patron".  - dès le deuxième mouvement (> "le gourdin est dans la chaloupe"), Arlequin prend l'avantage : Iphicrate ne s'exprime plus que par des interrogations ou des injonctions plus molles ("je t'en prie") qui font ricaner Arlequin ("c'est l'air du pays qui fait cela"). A la hâte inquiète du maître, le valet répond par la facétie (il siffle, chante, rit), l'indifférence appuyée ou l'ironie. Cette fois, Iphicrate n'est plus appelé par Arlequin que "Monsieur Iphicrate", appellation solennelle et railleuse.  - enfin (> fin de la scène), la colère d'Iphicrate ne sachant plus se contrôler, le conflit devient ouvert. Les pronoms marquent cette tension : Arlequin finit par tutoyer Iphicrate, dont les répliques se raccourcissent de plus en plus (à bout d'arguments, il finira par saisir son épée). Arlequin a abandonné son badinage : le dramaturge signale son "air sérieux" et ses propos ont une coupante netteté.  b) Parmi les éléments suivants, lequel vous semble le plus pertinent pour constituer un élargissement ?  Réponse n° 2 : l’inversion des rapports sociaux, dans une île caractérisée de façon imprécise, relève du genre de l’utopie.  c) A partir de ces éléments, proposez une conclusion à la question 3  Ainsi, les rôles ont change. Arlequin se retrouve maitre de la situation. C'est lui qui parle le plus, c'est lui qui clôt le dialogue : c'est suffisant au théâtre pour savoir qui domine. On pense a la dialectique du maitre et de l'esclave : le maitre est en quelque sorte le véritable esclave !    La préparation du renversement des rôles     A. La supériorité du maître sur l'esclave     • Le maître parle le premier et interpelle son esclave ; la première réplique d'Arlequin (”mon patron”) signale sa soumission.   • Le maître sait où ils se trouvent (”nous sommes dans l'île des Esclaves”) ; le valet avoue son ignorance (”qu'est-ce que c'est que cette race-là”).   • Le maître tutoie son valet, recourt à des phrases injonctives.   • L'égocentrisme du  maître : étudier le jeu des pronoms “je” /”nous”.     B. Un maître fragilisé     • Les didascalies “tristement”, “après avoir soupiré”, montrent l'état d'esprit d'Iphicrate. Ses questions, ses répliques signalent son inquiétude.   • En expliquant à Arlequin les coutumes de l'île, il lui donne des raisons de se révolter.     C. Un valet qui prend ses distances     1. Le jeu des reprises lexicales souligne l'insolence et l'ironie d'Arlequin.     Iphicrate  Arlequin      “Que deviendrons-nous ?”  “Nous deviendrons maigres, étiques et puis mortsArlequin en serviteur zélé répond à la question de   de faim”  son maître ; le groupe ternaire montre que le   valet prend un malin plaisir à accroître   l'inquiétude de son maître.   “je suis d'avis que nous les cherchions”   “Cherchons, il n'y a pas de mal à cela ; mais La première partie de la réponse va dans les sens   reposons-nous auparavant”   de la proposition du maître ; le “mais” diffère   l'ordre.   “leur coutume, mon cher Arlequin, est de tuer “chaque pays a sa coutume ; ils tuent les Arlequin souligne la relativité des coutumes : la  tous les maîtres qu'ils rencontrent”   maîtres, à la bonne heure”   relation maître / esclave est relative. Arlequin   semble se réjouir de la menace de mort qui pèse   sur son maître.   “Arlequin, cela ne te suffit-il pas pour me “Ah ! je vous plains de tout mon cœur”   Arlequin ironise sur la douleur de son maître.   plaindre ?”      2. Le valet gagne son autonomie     A partir de la réplique “Cherchons, il n'y a pas de mal à cela ; mais reposons-nous auparavant…”, Arlequin refuse d'exécuter l'ordre donné et s'affirme en employant le “je”. Le partage qu'il propose (”j'en boirai les deux tiers, comme de raison, et puis je vous donnerai le reste.” ) signale l'inversion des rapports.     Conclusion     • Une scène qui annonce le renversement des rôles : la progression de la scène montre comment Arlequin gagne progressivement son autonomie. A la fin de la scène il tutoie son maître et déclare : “je ne t'obéis plus”.   • Une scène comique : la présence d'Arlequin, sa bonne humeur, son ironie.      Q 11 : mettre le texte en rapport avec les autres textes de groupement  a) Les saturnales dans la Rome Antique :  Les Saturnales (en latin Saturnalia,ium,n) étaient, durant l’antiquité romaine, des fêtes accompagnées de grandes réjouissances, célébrées en l'honneur du dieu Saturne, les esclaves jouissaient d'une apparente liberté. On dit que Saturne détrôné et devenu simple mortel, se réfugia en Italie, dans le Latium, où il rassembla les hommes féroces éparpillés dans les montagnes et leur donna des lois. Son règne fut appelé l'âge d'or, ses paisibles sujets étant gouvernés avec douceur et équité. C’est pour célébrer la mémoire de cet âge heureux que Rome fêtait les Saturnales.  Attention en effet au mot "esclaves", que l'époque voulue par Marivaux (la Grèce antique) limite à l'acception qu'on en avait dans l'Antiquité : l'esclave est plutôt le domestique attaché à la maison de ses maîtres. Il n'a donc ni le statut ni toujours l'infortune des esclaves noirs que le commerce triangulaire instauré au XVI° siècle nous fera connaître.    b) La relation entre maître et valet  Une longue tradition littéraire : la commedia dell’arte, Dom Quichotte, Molière ; et au XVIIIème : Marivaux, Beaumarchais ; jusqu’aux XIXè et XXème : Don Salluste et Ruy Blas chez Hugo, Pozzo et Lucky chez Beckett, Les Bonnes de Genet.  La Relation maître-valet est une convention du théâtre de comédie, utilisée par Molière, Marivaux, Beaumarchais, jusqu'à Brecht. Don Juan, Le mariage de Figaro, Le jeu de l'amour et du hasard, sont des pièces caractéristiques présentant le couple maître-valet. Le valet est un personnage indispensable à la comédie (idée d'infériorité sociale). Tandis que dans la tragédie, les valets sont appelés des confidents.    A titre d’exemple, dans l’extrait de MARIVAUX, on pourra analyser d’une part les ressemblances entre SCAPIN et ARLEQUIN (un statut, un jeu de scène, un niveau de langue), d’autre part les différences entre les 2 personnages en montrant à travers l’analyse d’indices –tels les pronoms, les temps des verbes, le lexique…- comment le valet échappe progressivement à l’autorité de son maître. Scapin (Les Fourberies de Scapin, Molière)    Conflit entre deux maîtres (le jeune et le vieux)    Le valet et le jeune maître s'entendent contre le vieux maître qui demande au valet de surveiller le jeune maître.    Occasion pour le valet de se venger, en amusant le spectateur mais de façon dénuée de revendications sociales. C'est une vengeance personnelle.    Le valet Scapin va, en accumulant les ruses et les mauvais tours, prendre en mains les intérêts des deux jeunes gens, essayer de les sortir de leur situation délicate.      Jean GENET, Les Bonnes, 1947  La pièce est construite sur un jeu d'échange entre illusion et réalité, qui n'est pas sans analogie avec la technique  baroque (voir ce mot et Rotrou ) de la pièce dans la pièce. Deux bonnes, Claire et Solange. en l'absence de leur maîtresse  jouent en effet au jeu de la patronne et de la servante. Claire incarnant « Madame « tandis que Solange joue le rôle de  Claire domestique. Mais ce jeu est l'occasion d'une prise de conscience violente et cruelle de la relation ambiguë des  bonnes et de leur maîtresse, relation à la fois de haine et d'adoration qui tend à se sacraliser dans cette double dimension  contradictoire à la faveur même du jeu théâtral : de sorte que le jeu de l'illusion devient progressivement un jeu de  révélation, et c'est est ce mouvement qui structure la tension dramatique. Tandis que l'amant de « Madame « (« Monsieur «),  arrêté sur dénonciation des bonnes, trouve le moyen de se faire libérer, ce qui détermine chez les bonnes un paroxysme de  ressentiment, elles décident de tuer leur maîtresse en l'empoisonnant : mais le jeu s’est, de par leur volonté, si  totalement substitué à la réalité que c'est Claire qui, jouant jusqu'au bout le rôle de sa maîtresse, mourra a sa place  après avoir absorbé le tilleul empoisonné préparé pour « Madame «.    Question supplémentaire : Quel est l’intérêt de cette scène sur le plan théâtral ? C'est-à-dire qu’est ce que la représentation ajouté au texte ? Comment Marivaux arrive à faire passer son message ? Cette île à quelque chose de spéciale comment Marivaux arrive-t-il à faire passer son message ?    - Le genre :  Une pièce de théâtre se signale d'emblée par son registre. Ici, la présence familière d'Arlequin (au moins pour le public de l'époque) garantit une comédie, et nous trouvons bien en effet les caractéristiques du genre. Mais les formes pathétiques du discours d'Iphicrate, le ton menaçant d'Arlequin à la fin de la scène viennent nuancer notre impression et nous rendent incertains quant au dénouement. L'époque de Marivaux est aussi celle du drame bourgeois ou de la comédie larmoyante. Qu'en sera-t-il exactement ? Ici encore, la scène d'exposition joue pleinement son rôle en renforçant notre incertitude.  - les didascalies, relativement fréquentes si on considère l'ensemble de la pièce, veillent d'abord à planter le personnage d'Arlequin (il a une bouteille d'eau-de-vie à sa ceinture, il y boit, siffle et badine) : le dramaturge reste fidèle au zanni de la commedia dell'arte. Valet rieur, Arlequin est le contraire du domestique soumis. Il n'a pas attendu d'être informé des mœurs de l'île pour manifester son insolence.  Au terme de cet examen, il nous faudra synthétiser nos remarques afin d'établir nettement le sens que nous avons donné à notre lecture. Les expressions-clefs que nous avons notées en rouge au passage peuvent nous y aider : une scène d'exposition, une progression dramatique, le concours des effets scéniques, une scène de comédie. Ces éléments pourraient contribuer à caractériser l'art de l'exposition dans cette première scène : le dramaturge a su fournir les éléments indispensables à notre information et les inscrire dans un jeu théâtral propre à générer nos attentes.

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