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qui produit aussi les vivants ?

Publié le 22/10/2012

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qui produit aussi les vivants ? — É. Oui, et en outre la mer, la terre, le ciel, les dieux et tout le reste, bien plus, à peine a-t-il produit chacune de ces choses, il les vend pour presque rien. — T. C'est d'un jeu que tu parles ? — E. Quoi ? Dire qu'on sait tout et qu'on peut l'enseigner à autrui pour pas cher et en peu de temps, ne faut-il pas y voir un jeu ? — T. Tout à fait. — E. Or, vois-tu espèce de jeu plus savante et agréable que la mimétique ? — T. Aucune, car c'est bien l'espèce totale que tu viens de désigner en ramenant tout à l'unité et la plus variée sans doute. — É. Voilà donc ce que nous apprend l'homme qui prétend qu'un art unique le rend capable de tout produire : l'art graphique lui ayant permis de produire des choses qui imitent les réalités et portent le même nom, il sera capable, en montrant de loin ses dessins, de donner à ceux des jouvenceaux qui manquent de sens l'illusion que quoi qu'il veuille faire, il est tout à fait capable de le parfaire effectivement. — T. Bien sûr. — É. Eh bien, en matière de discours, ne devons-nous pas nous attendre à ce qu'il y ait quelque autre art permettant d'ensorceler de discours, par l'oreille cette fois, les jeunes qui sont encore fort loin de la vérité des choses, en montrant des simulacres parlés de toutes choses, afin de faire croire que ce qui est dit est vrai et que celui qui les dit est en toutes choses le plus savant de tous ? — T. Pourquoi en effet n'y aurait-il pas un autre art de ce genre ? Sophiste, 233a-235a 7. IMAGE ET ERREUR ; ÊTRE ET NON-ÊTRE [L'ÉTRANGER-THÉÉTÈTE] — É. Si nous prétendons que le sophiste possède un certain art du simulacre, il aura beau jeu de mettre nos formules à profit et de nous retourner nos argu- ments : quand nous le traiterons de faiseur d'images, il nous demandera ce que, de façon générale, nous appelons : image. Il nous faut donc, Théétète, examiner la réponse à faire à ce gaillard. — T. Évidemment nous citerons les images dans les eaux et dans les miroirs, 'ainsi que les images peintes et sculptées et toutes les autres du même genre. — É. C'est à croire que tu n'as jamais vu de sophiste, Théétète. — T. Pourquoi donc ? — É. Il te paraîtra fermer les yeux ou n'avoir pas d'yeux du tout. — T. Comment cela ? — É. Quand tu lui répondras ainsi, en lui parlant de ce qu'il y a dans les miroirs ou les modelages, il rira de t'entendre lui parler comme à quelqu'un qui voit. Feignant d'ignorer les miroirs et les eaux et jusqu'à la vision, il s'attachera uniquement à la réponse qui ressort des termes. — T. Laquelle ? — É. Ce qu'il y a de commun à toutes ces choses, que, tout en les disant multiples, tu as cru devoir qualifier du même nom d'image que tu étends sur toutes au titre de leur unité. Parle, et défends-toi sans rien céder à l'adversaire. — T. Que pourrions-nous bien dire qu'est l'image, Étranger, sinon qu'ayant été copiée sur l'objet véritable elle est telle que lui, tout en étant autre. — É. Mais cet autre que tu dis tel, prétends-tu qu'il est véritable ? ou alors, tel que quoi le dis-tu ? — T. Je ne le dis nullement véritable, mais semblable. — É. Est-ce que par véritable tu entends : qui est réellement ? — T. Oui. — É. Mais quoi ? ce qui n'est pas véritable, n'est-ce pas le contraire de ce qui est vrai ? — T. Bien sûr. — É. Par conséquent tu dis que ce qui est semblable n'est pas réellement, puisque tu dis qu'il n'est pas véritable. — T. Pourtant il existe bien d'une certaine façon. — É. Pas véritablement, d'après ce que tu dis. — T. Non certes, encore qu'il soit réellement image. — É. Ainsi ce qui n'est pas réellement est réellement ce que nous appelons image ? — T. Tel semble bien être l'entrelacement qui entrecroise le non-être et l'être, et de façon bien étrange. — É. Étrange en effet ! Tu vois en tout cas qu'une fois encore par cet entrecroisement le sophiste aux cent têtes nous a contraints à reconnaître, malgré que nous en ayons, que d'une certaine façon le non-être est. — T. Je ne le vois que trop. — É. Mais alors, comment pourrons-nous définir son art si nous voulons rester d'accord avec nous-mêmes ? — T. Que veux-tu dire, et que crains-tu donc en parlant ainsi ? — E. Quand nous disons qu'il use du simulacre pour tromper et que son art est un art de tromperie, voulons-nous dire que notre âme opine faussement sous l'effet de son art ou quoi d'autre ? — T. Cela même, car que pourrions-nous vouloir dire d'autre ? — É. Or une opinion fausse sera-t-elle celle qui opine des choses contraires à celles qui sont, ou quoi ? — T. Oui, des choses contraires. — É. Tu prétends donc que l'opinion fausse opine des choses qui ne sont pas ? — T. Forcément. — É. Est-ce en opinant que les choses qui ne sont pas ne sont pas, ou en accordant une sorte d'existence à ce qui n'est d'aucune façon ? — T. Il faut que soient en quelque façon les choses qui ne sont pas, s'il est vrai qu'il doit être possible qu'on fasse erreur si peu que ce soit. — É. Mais quoi ? ne lui arrivera-t-il pas aussi d'opiner que n'existe en aucune façon ce qui existe absolument ? — T. Oui. — É. Et cela aussi sera du faux ? — T. Cela aussi. — É. Je suppose qu'on estimera dans les mêmes conditions que le discours est faux lorsqu'il dit de ce qui est qu'il n'est pas, et de ce qui n'est pas qu'il est ? — T. En effet, de quelle autre manière pourrait-il être faux ? — É. Je n'en vois guère d'autre. Mais le sophiste n'en conviendra pas. Car le moyen qu'en convienne un homme de bon sens, quand on est précédemment tombé d'accord que ce sont là choses imprononçables, ineffables, inexprimables, impensables ? Comprenons-nous bien, Théétète, ce que peut dire le sophiste ? — T. Comment ne pas comprendre qu'il nous reprochera de dire le contraire de ce que nous disions alors, nous qui avons l'audace d'affirmer l'existence du faux dans les opinions comme dans les discours, car nous voici à chaque

« 174 PLATON PAR LUI-MÊME ments : quand nous le traiterons de faiseur d'images, il nous demandera ce que, de façon générale, nous appelons : image.

Il nous faut donc, Théétète, exa­ miner la réponse à faire à ce gaillard.

- T.

Évi­ demment nous citerons les images dans les eaux et dans les miroirs, ·ainsi que les images peintes et sculptées et toutes les autres du même genre.

-É.

C'est à croire que tu n'as jamais vu de sophiste, Théétète.

- T.

Pourquoi donc? -É.

Il te paraîtra fermer les yeux ou n'avoir pas d'yeux du tout.

- T.

Comment cela ? - É.

Quand tu lui répondras ainsi, en lui parlant de ce qu'il y a dans les miroirs ou les modelages, il rira de t'entendre lui parler comme à quelqu'un qui voit.

Feignant d'ignorer les miroirs et les eaux et jusqu'à la vision, il s'attachera unique­ ment à la réponse qui ressort des termes.

- T.

Laquelle ? -É.

Ce qu'il y a de commun à toutes ces choses, que, tout en les disant multiples, tu as cru devoir qualifier du même nom d'image que tu étends sur toutes au titre de leur unité.

Parle, et défends-toi sans rien céder à l'adversaire.

- T.

Que pourrions-nous bien dire qu'est l'image, Étranger, sinon qu'ayant été copiée sur l'objet véritable elle est telle que lui, tout en étant autre.

-É.

Mais cet autre que tu dis tel, prétends-tu qu'il est véritable ? ou alors, tel que quoi le dis-tu? - T.

Je ne le dis nul­ lement véritable, mais semblable.

-É.

Est-ce que par véritable tu entends : qui est réellement? - T.

Oui.

-É.

Mais quoi? ce qui n'est pas véritable, n'est-ce pas le contraire de ce qui est vrai? - T.

Bien sûr.

-É.

Par conséquent tu dis que ce qui est semblable n'est pas réellement, puisque tu dis qu'il n'est pas véritable.

- T.

Pourtant il existe bien d'une certaine façon.

- É.

Pas véritablement, d'après ce que tu dis.

- T.

Non certes, encore qu'il soit réel­ lement image.- É.

Ainsi ce qui n'est pas réellement est réellement ce que nous appelons image? - T.

Tel semble bien être l'entrelacement qui entrecroise le non-être et l'être, et de façon bien étrange.

-É.

Étrange en effet ! Tu vois en tout cas qu'une fois. »

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