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Récit d'invention : Clair de femme.

Publié le 13/02/2011

Extrait du document

 Au son du clackson, elle se tourna vers moi. Confus, je lui montrai le taxi de la main. En souriant piteusement je fis une légère révérence qui l’a fit rire. Je devais être drôle à voir, visiblement.

-          Votre carrosse vous attend, Madame.  

Son visage aux traits fins se teintèrent d’hésitation alors qu’elle serrait les quelques affaires qui avaient survécues à notre collision. Sa bouche s’ouvrit, prête à protester. Je la stoppé d’un geste en attrapant doucement sa main gantée. Subitement pris par une peur de la voir s’envoler, je penchais légèrement la tête sur le côté en espérant être convaincant.

-          En compensation des pertes que j’ai occasionnées.

-          Ce n’est rien, je vous assure, bégaya-t-elle.

Sans écouter ses protestations, j’ouvris la porte du taxi en faisant signe au chauffeur qu’il pouvait redémarrer. Sans arrêter de sourire,  je lui pris son petit sac de course en l’entrainant à l’intérieur ; Refermant par la suite la porte sur nous deux. Elle affichait un léger sourire poli, alors qu’une douce rougeur s’étendait sur ses joues normalement pâles. Elle serra un peu plus son sac près d’elle, alors que j’ouvrais la bouche, sentant le regard du chauffeur sur moi.

-          Vous alliez … ?

-          Oh, hoqueta-t-elle, subitement.

Ses joues prirent encore de la couleur, alors qu’elle me donnait l’adresse d’une petite voix. Je l’indiquais rapidement au chauffeur. Ce n’était qu’à quelques rues, et je me sentais légèrement triste. Alors que le silence régnait et que je n’osais pas le briser, sa voix retentit à nouveau.

-          Je m’appelle Lydia. Lydia Towarski.

Je levai mon regard vers elle pour voir un sourire charmant apparaitre sur son visage. J’esquissais moi-même un sourire en lui tendant la main, avant qu’elle ne l’attrape pour la serrer.

-          Michel Folain. Heureux de faire votre connaissance.

-          Moi de même, glissa-t-elle.

J’avais l’impression qu’une aura magique nous entourait. L’impression que nous nous connaissions depuis des années. Que nous étions similaires. D’une manière que je ne comprenais pas, certes. Mais j’en étais persuadé. Alors que j’allais parler à nouveau, le chauffeur nous indiqua de sa voix bourrue que nous étions arrivés. Je me raclais la gorge, gêné d’avoir été interrompu la bouche ouverte. Je payai le taxi, en ouvrant la porte à Lydia pour qu’elle puisse sortir sans encombre. Elle s’extirpa de la voiture en me regardant au coin de l’œil.

Alors que je m’apprêtais à entrer de nouveau dans le taxi, elle m’interpella, les joues rouges. Elle pointa la bâtisse derrière elle.

-          Peut-être voudriez-vous …

J’hochais la tête, alors qu’elle n’avait pas fini sa phrase. Je me fustigeais intérieurement devant mon attitude d’adolescent. Elle riait à nouveau, alors que je passais la main sur ma nuque, gêné. Elle me fit un léger signe, en continuant à sourire. J’incitais le taxi à reprendre sa route avant de suivre Lydia.

A peine fus-je débarrassé de mes affaires, que je me retrouvais en face d’elle. Accoudés à sa table nous discutions tout en buvant un thé. L’odeur de menthe parfumait la pièce, alors que nous passions tous les sujets en revue. Alors qu’elle était partie faire à nouveau du thé, et que le noir emplissait peu à peu le ciel, je me levais pour observer la décoration intérieure. Sur la cheminé reposait un petit ours en peluche. Je n’entendis pas Lydia revenir, alors que j’observais la peluche avec intérêt. Elle grimaça légèrement, avant d’arborer un regard tendre pour l’ours et de me le reprendre des mains pour le reposer sur la cheminé. Je l’observais, intrigué, alors qu’elle fuyait mon regard.

-          C’est à ma fille.

J’arquais un sourcil, interloqué. Elle ne l’avait pas mentionnée, à aucun moment. Alors que je l’interrogeais silencieusement, elle ajouta.

-          Elle est morte.

Elle ne me laissa pas le temps de réagir, qu’elle précisa qu’il s’agissait d’un accident de voiture. Et qu’elle tenait son mari comme responsable. Le petit air rieur qu’elle arborait avait disparu laissant place à un air désemparé mais toutefois résigné.  Nous en discutâmes un moment, et j’évoquais un instant la mort de ma femme. Elle eut – comme moi, précédemment – un air compréhensif, mais réservé. Nous étions dans le même cas ; La même galère, en quelques sortes. Cela renforça mon sentiment de symbiose. Elle affichait toujours un air joyeux, rieur, alors qu’intérieurement cela devait être le chaos. Je pouvais totalement l’imaginer ; Je vivais la même chose. Même si je n’avais sans doute pas la force de le cacher, contrairement à elle. Pour détendre l’atmosphère, je changeai de sujet de discussion. Et sans difficultés, les discussions s’enchainèrent, passant de mon travail comme commandant de bord, à la raison qui l’avait poussé à être si pressée avant notre rencontre. Sans interruption, sans blanc d’aucune sorte, nous reprîmes là où nous nous étions arrêtés. Pourtant, intérieurement son esprit autant que le mien devait être autant bouleversés par ces annonces.

Voyant l’heure, je l’invitais à diner. Cela dit, elle refusa l’invitation poliment. Je grimaçais légèrement, avant d’hocher la tête avec un sourire poli. Ramassant mes affaires, je sortais, suivi de près par Lydia. Relevant le col de mon manteau, je lui souris avant de tourner les talons, ne sachant pas si cette entrevue avait une finalité bonne ou mauvaise. Fronçant les sourcils, j’y réfléchissais alors qu’une voix douce s’élevait dans mon dos.

-          A bientôt Michel.

Je fis volte face et lui souris joyeusement. Je répliquais sur le même ton.

-          Oui. A bientôt.

Exalté par cette presque promesse de la voir à nouveau, je sautillais presque jusqu’à mon domicile. Je repensais à ma femme et cette fois-ci, je ne pus que sourire. Encore une fois, elle avait raison. Sans doutes existait-il une femme aussi adorable qu’elle sur terre.

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