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Retient-On Les Apologues Parce Qu'Ils Amusent Ou Parce Qu'Ils Instruisent?

Publié le 18/09/2010

Extrait du document

 

Selon La Fontaine, « L'apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l'une le Corps, l'autre l' Ame. Le Corps est la fable ; l' Ame, la moralité. «

Il est vrai que l’apologue; un court récit allégorique, a généralement deux aspects, l’un est de plaire, l’autre de faire réfléchir le lecteur sur tout ce qui l’entoure. 

L’homme, en tant que lecteur, retient-il les apologues parce qu’ils l’amuse, ou parce qu’ils l’instruise, lui permette de s’interroger face à certaines choses ?

Il est vrai que ces deux points de vue sont assez contradictoires, c’est pourquoi nous nous intéresserons à cette question en essayant de voir en quoi nous pourrions retenir un apologue grâce à son côté distrayant, puis, en second lieu, nous verrons que le côté que l’on pourrions appeler « éducatif « pourrait également être important à la compréhension, et donc à la mémorisation de celui-ci. Dans une dernière partie, nous tâcherons de rassembler ces deux éléments, de lier l’amusement à l’instruction.

 

 Il est certain que la distraction est importante pour l’homme, afin de le sortir de son quotidien, lui montrer autre chose que ce qu’il peut voir tous les jours.

L’apologue, ainsi que toutes ses formes variées, sont généralement agréable à lire.

En effet, c’est-ce qui apparaît avant tout aux yeux du lecteur; le cadre de l’histoire, le lieu, les personnages, les évènements qui s‘y déroulent, la façon dont le texte est écrit …

Sans un récit joyeux, attractif, le lecteur ne peut être amusé, c’est souvent grâce à tous ces éléments que l’apologue nous apparaît plaisant.

Prenons pour exemple les fables. Celles-ci, qui bien sur cachent toujours une morale importante, sont en général amusantes, attrayantes. Serait-ce pour cela que nous nous souvenons de certaines fables que nous avions lu? 

Comment ne pas citer dans se domaine Jean de La Fontaine …

Dans sa fable La cigale et la fourmi, l’auteur a fait en sorte que tout soit agréable à la lecture; la versification, le rythme… Mais ce qui parait être essentiel dans notre analyse, ce sont les personnages, des insectes, bien différents l’un de l’autre. En effet, l’une est chanteuse, l’autre travailleuse. Cette fable, que tout enfant ait appris durant sa scolarité, est loin d’être ennuyeuse. D’ailleurs, pourquoi l’apprenons-nous durant notre enfance, et comment se fait-il que plus tard, nous nous souvenons toujours de l’histoire de la fourmi égoïste qui laisse sa voisine sans moyen en plein hiver ? Sans avoir saisi pour autant la morale de cette fable. Certainement grâce à la façon dont La Fontaine a mis en scène ses personnages, le ton qu’il leur a donné, l‘ironie qu‘il y a fait susciter …(« -Vous chantiez? J’en suis fort aise. Eh bien dansez maintenant «)

D’autres fables, cette fois plus récentes, peuvent également nous aider à répondre à notre question, car il serait bon de se demander si celles-ci sont facilement mémorisable, bien que moins connues.

En effet, on connaît tous La cigale et la fourmi de La Fontaine, mais d’autres, moins célèbres, s’en inspire. La cigale, de Jean Anouilh, est certes très amusante, et c’est ce que le lecteur perçoit avant tout. 

Les expressions en font une fable contemporaine, le côté comique y est encore plus fort que chez La Fontaine. (« La cigale ayant chanté Tout l’été, Dans maints casinos, maintes boîtes … « « Maître Renard qui se croyait cynique S’inclina. Mais depuis, il apprend la musique. «)

On pourrait donc penser que pour ces deux fables, le lecteur les retiens car elles sont amusantes, car il est vrai que la morale est implicite et donc moins évidente à percevoir.

L’utopie, un récit qui décrit une société idéale, bien que se cache derrière cela une critique de la société actuelle par son auteur, est généralement très amusant à lire. La lecture d’une utopie permet, durant un instant, de s’évader du monde dans lequel on vit, de s’imaginer un ailleurs, un autre monde où règne la paix, où l’Homme est heureux, où tous les peuples sont unis. Cet endroit magique, qui signifie d’ailleurs « lieu de nulle part «, a inspiré de nombreux auteurs.

Dans L’Eldorado de Candide, écrit par Voltaire en 1759, le héros se retrouvent dans un pays coupé de tout, qui semblent être le contraire du monde qu’il connaissait. Ce pays merveilleux fera d’ailleurs évoluer le personnage.

Bien que dans Candide, Voltaire faire sortir son personnage de L’Eldorado pour le réinsérer dans le monde réel, et que cela peut donc constituer une contre utopie, le chapitre de l’Eldorado en lui-même se penche bien évidement du côté de l’utopie.

Il est le chapitre du livre le plus agréable à lire, où la richesse n’existe guère, bien qu’elle soit abondante, où les personnages sont émerveillés, tel que dans un rêve. 

Le lecteur prend plaisir à lire le passage, il sait que c’est un lieu qui n’existe nulle part, mais cela ne l’empêche pas de lui donner une certaine distraction, et donc de l’amusement.

On peut donc penser que l’on retienne les utopies parce qu’elles sont amusantes, divertissantes, puisqu’elles nous permettent de sortir de la vie quotidienne durant la lecture. En effet, c’est ce qui ressort le plus du récit, alors que nous savons bien sur que celle-ci constitue une critique de la société qui devrait tendre vers un monde meilleur, mais il est vrai qu’en premier lieu, nous prêtons moins d’attention à cet élément.

 

Nous venons de démontrer que pour retenir un apologue, le côté amusant parait important, presque essentiel. Mais la visée morale, ce qui se cache derrière le beau, l’agréable, n’est-elle pas tout aussi fondamentale ?

 

Bien entendu, l’apologue vise toujours à provoquer la réflexion du lecteur, le faire réagir face au monde dans lequel il vit.

En plus de la distraction que peut nous procurer celui-ci, cet aspect est important, car sans cela, on ne peut comprendre parfaitement le récit, et donc l’interpréter convenablement. 

Il serait alors intéressant de se demander si dans certains cas,  l’instruction que nous amène l’apologue pourrait être une étape à sa mémorisation.

Différentes formes de l’apologue pourraient être utiles à cette analyse.

La parabole, qui figure dans les livres Saints, présente sous forme indirecte une leçon morale ou religieuse. Celle-ci cherche à convaincre le lecteur d’adhérer à sa thèse, en lui démontrant certains vices ou défauts de l’Homme. La parabole est généralement assez  claire, le lecteur perçoit ce qu’il est censé comprendre, comme une leçon qu’on lui donne et qu’il retiendra forcément car il se sera alors poser différentes questions à ce sujet. 

Dans la parabole intitulée Le riche et Lazare, tirée de l’Évangile, un riche passe tous les jours devant un pauvre nommé Lazare sans lui venir en aide. Lazare meurt, puis viens le tour du riche. C’est alors Lazare qui est heureux au paradis, et le riche qui souffre en enfer. Cette leçon de morale, qui fait bien entendu référence à la religion, est censé donner de l’espoir aux opprimés mais est surtout une remise en question pour nous. Dans ce cas, si nous retenons ce récit c’est essentiellement parce qu’il fait appel à notre conscience, nous instruit, nous demande de ne pas ignorer les gens qui sont dans le besoin, et de ne pas penser qu’à nous-même.

Il semble alors que dans le cas de la parabole, il est plus fréquent que nous les retenions  parce qu’elles nous font réagir, et non parce qu’elles nous amuse.

Mais bien d’autres exemples pourraient nous aider, comme le conte philosophique qui a pour but de peindre la société. Il peut être signifié « d’indolore «, puisque métaphorique, dans le but de se soustraire à la censure. Malgré un nom comme celui-ci, qui pourrait nous faire penser au conte merveilleux, de nombreuses critiques et dénonciations se cachent derrière l’écriture de l’auteur.

 L'auteur le plus célèbre de contes philosophiques, Voltaire invite le lecteur à prendre conscience de l'imperfection humaine et de l'omniprésence du mal sur la terre tout en s'opposant à la théorie de Leibniz caricaturé sous les traits du Docteur Pangloss dans Candide, ce qui donne aussi une dimension satirique à l'œuvre.

Dans ce cas, le lecteur retiens plutôt l’œuvre, outre le passage sur l’Eldorado, de par ses nombreuses critiques, puisque la plupart des chapitres décrivent l’horreur sous toutes ses coutures; au niveau militaire, religieux, politique, philosophique (par rapport aux systèmes, aux dogmes…) mais également humain.

Même si l’arme la plus utilisé par Voltaire est l’ironie, et que de nombreux passages sont  amusants, le lecteur s’intéresse d’avantage à ce qu’à voulut démontrer l’auteur, car en effet, il ne faut pas oublier que Voltaire est un philosophe des Lumières et qu’il dénonce donc le dysfonctionnement de la société.

Il semble alors que dans certains cas, ce qui apparaît comme le plus important est l’instruction que nous apporte les apologues. Mais en tant que lecteur, est-ce que cela suffit pour que ce soit grâce à cela que nous les retenons ?

 

Nous venons donc de voir qu’il y a deux éléments cruciaux au fait que l’on puisse retenir les apologues; d’une part l’amusement qu’ils peuvent procurer, d’autre part l’instruction, le savoir qu’ils apportent, mais uniquement dans des cas différents.

Nous verrons maintenant en quoi il se peut que l’un n’aille pas sans l’autre, qu’un lien les rassemblent tous deux.

 

En effet, il semble que l’on retienne les apologues pour ces deux raisons, mais il y a certainement une seule et même chose qui fasse que l’on en retienne certains et pas d’autres.

Peut être que tout dépend du lecteur, du fait qu’il ait envie de se distraire ou de comprendre la morale de l’apologue.

Mais pour que cela nous plaise, pour que l’on ressente du plaisir à le lire, à le relire, puis à le retenir, il faut nécessairement que cela nous amuse en même tant que l’on comprenne le message, qu’on puisse lire entre les lignes afin de maîtriser le récit. Il se peut alors que l’un n’aille pas sans l’autre. 

Mais tout de même, l’essentiel doit être d’amuser, car si cela nous parait ennuyeux  il sera plus difficile de le retenir. Et si le but n’est que d’amuser, alors il n’y a pas vraiment de sens à l’apologue, puisque si ce n’est d’apporter quelques secondes de plaisir au lecteur, une fois sorti de là, rien ne paraîtra important, ce ne sera qu’une histoire parmi tant d’autres. 

Il parait alors que c’est en s’amusant que l’on s’instruit; le lecteur s’amuse grâce à la lecture, ressent l’envie de comprendre, de voir au-delà, il saisit alors la volonté de l’auteur et retiendra l’apologue qu’il vient de lire.

Dans les fables de La Fontaine, il est vrai que ce qui apparaît avant tout ce sont les personnages, le lieu, les évènements, ce qui va faire que la lecture sera plaisante. Mais derrière cela, les dénonciations sur l’Homme et ses défauts, sur la société en générale sont toutes aussi fortes. 

Dans la plupart de ses fables, il n’est pas difficile de saisir la moralité, puisqu’elle est en générale explicite. Par contre, lorsqu’elle est implicite, comme pour La cigale et la fourmi, ou le Chêne et le Roseau, il est alors plus difficile de la cerner.

Reprenons l’exemple de La cigale et la fourmi. Il est vrai que si nous la retenons aussi bien, c’est avant tout grâce à son histoire amusante, à son récit agréable. La morale n’est pas facile à percevoir, mais il semble que La Fontaine, loin de venter le travail grâce à la fourmi et d’accabler la cigale, veuille mettre en avant le fait que beaucoup trop de gens sont avares, ne pensent qu’à leur propre personne sans se soucier du reste. Si nous retenons cette fable, c’est également grâce à la réplique ferme de la fourmi qui termine la fable; (« Eh bien dansez maintenant. «) nous comprenons alors la visée didactique.

Bien entendu, deux objectifs semblent importants lorsque l’auteur écrit son apologue; le premier est de dénoncer, l’autre de plaire.

Il reste à savoir si en tant que lecteur, nous les retenons pour ces deux raisons, si l’une ne prime pas sur l’autre.

 

A présent, nous pouvons dire que si l’on retiens les apologues, c’est avant tout parce que cela nous amuse, nous plait. Quel intérêt à retenir quelque chose qui ne nous a rien apporté, c’est sûrement parce que l’on a pas saisit le récit, ou simplement parce que nous trouvons cela ennuyeux. 

De toute façon, ce n’est pas réellement nous qui choisissons, cela se fait automatiquement. On retiendra bien entendu quelque chose qui nous a amusé, qui nous a distrait, alors que ce qui nous a parut inintéressant nous aura vite échappé. 

Bien sur, le plus important dans un apologue n’est pas le plaisir qu’il nous procure mais ce qui est démontré, ce qui fait appel à notre conscience, mais ce n’est pas forcément grâce à cela que nous les retiendrons…

En effet, nous ne choisissons pas forcément de retenir ou non quelque chose, mais nous retenons plus facilement quelque chose qui nous a distrait.

Mais est-ce comme cela que nous saisissons parfaitement l’apologue ? Peut être au moment même où nous l’avons lu, puis nous ne retenons plus que l’histoire en elle-même, car comme le dit Jean Guéhenno dans Carnets du vieil écrivain, «  La vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir, mais pour se trouver. «

 

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