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russe, littérature.

Publié le 06/05/2013

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russe, littérature. 1 PRÉSENTATION russe, littérature, littérature composée en langue russe qui appartient à la grande branche des langues slaves orientales. La littérature russe fait partie des lettres européennes, bien qu'elle possède ses propres sources, tout à fait originales, et ses propres traditions. À différentes périodes de son histoire, la littérature russe emprunta ses formes et ses thèmes à des centres culturels situés bien au-delà de ses frontières ; cette situation de dépendance cessa naturellement lorsque la littérature russe assimila ces emprunts pour les utiliser à des fins propres et originales. À d'autres périodes enfin, que ce soit pour des raisons politiques ou militaires, la Russie fut écartée ou s'écarta d'elle-même des mouvements culturels d'Europe : ces périodes correspondent pour la littérature à des périodes de stagnation et elles sont suivies d'efforts, réalisés par les écrivains, pour retrouver une place dans le monde littéraire européen. 2 DÉBUT LITTÉRAIRE Tout au long du Moyen Âge et de la Renaissance, les Russes développèrent leur propre tradition littéraire, en étant isolés de l'Europe Occidentale. 2.1 Période kievienne (Xe-XIIIe siècle) L'expression littéraire russe commence sans doute avec les érudits et missionnaires byzantins du civilisation russe débuta en 988 quand Vladimir Ier IXe siècle Cyrille et Méthode, qui écrivirent et codifièrent un dialecte slave macédonien appelé plus tard le slavon. La première grande époque de le Grand, grand-prince de Kiev, se convertit à la chrétienté orthodoxe, et permit à la Russie de s'ouvrir au riche héritage de la culture byzantine. Au cours des 250 années qui suivirent, Kiev devint une grande cité, célèbre pour ses monastères abritant des érudits, et pour l'architecture de ses églises, construites dans le style byzantin. Le slavon fut adopté comme langue littéraire et les oeuvres byzantines en grec à caractère de près ou de loin religieux, telles que les liturgies orthodoxes, les sermons, les vies des saints et les collections de maximes, furent traduites en slavon. Pendant des siècles, le slavon continua d'être la langue utilisée pour l'expression littéraire. Sa proximité avec le russe parlé à l'époque rendait les textes savants plus largement accessibles à la population. Les écrivains russes, généralement des moines ou des hommes d'Église, parvinrent à maîtriser des formes littéraires d'importation pour produire leur propre littérature. Les plus belles de leurs oeuvres qui sont parvenues jusqu'à nous comprennent le sermon, plein de grâce et de subtilité, intitulé Sermon sur la loi et la grâce, composé vers 1050 par l'orateur Hilarion et le célèbre « Récit des temps anciens « ou Chronique de Nestor, probablement écrite par un moine, et qui présente dans un style vivant l'histoire complète des peuples slaves orientaux depuis leurs origines mythiques jusqu'à 1110, date de la dernière vague d'occupation. L'une des oeuvres les plus extraordinaires de cette période s'intitule Dit de la bataille d'Igor, composé vers 1185. Ce récit épique émouvant appelle à l'unité des peuples slaves pour faire face aux invasions des nomades d'Asie. Il est tout à fait original au sein de la production littéraire de l'époque en raison de son caractère véritablement poétique. 2.2 Époque moscovite (milieu du XIIIe siècle-XVIIe siècle) Kiev fut ravagée par les Tatars venus de l'est au début du XIIIe siècle, et en 1240 la majeure partie de la Russie était occupée par la Horde d'or. La domination tatare dura deux siècles, période pendant laquelle la culture russe cessa de se développer ou déclina. Moscou devint la nouvelle capitale de la Russie après que les Tatars furent chassés au XVe siècle. Quand l'Empire byzantin tomba aux mains des turcs ottomans (seconde moitié du perdit tout contact avec les racines byzantines de sa culture, au moment même où elle avait la possibilité de réaffirmer son autonomie politique. Ainsi, du XVe au XVIIe XVe siècle), la Russie, par une ironie tragique de l'histoire, siècle, pendant que se développait en Occident la pensée de la Renaissance, puis celle de la Réforme, le nouvel État russe évita de se confronter à la civilisation chrétienne occidentale dont les bases étaient latines, tandis qu'il était privé de toute vitalité culturelle par la longue occupation tatare, et séparé par les Turcs de la civilisation byzantine qui avait nourri sa culture. À partir du XVe siècle, la littérature russe prit un tour polémique pour rendre compte de ces conflits politiques, culturels et religieux. Une oeuvre fournit une description particulièrement frappante de cette période : il s'agit de l'autobiographie de l'homme d'Église Avvakoum, Vie d'Avvakoum par lui-même (1672-1675). 2.3 Influences occidentales (XVIIIe siècle) L'isolement culturel de la Russie prit fin au cours du règne du tsar Pierre Ier, qui débuta en 1682 pour s'achever en 1725. Les écrivains russes furent confrontés au problème de l'adaptation des thèmes, des formes et des conventions de nouvelles influences occidentales. Le classicisme commença donc à être adopté en Russie vers 1730. Le vers syllabique utilisé dans le théâtre français fut d'abord imité aveuglément, mais, ce type de versification n'étant pas adapté à la langue russe, la prosodie russe adopta un système métrique fondé sur l'accent tonique. Parallèlement à ces adaptations formelles, la langue elle-même subit des transformations : une nouvelle langue profane fut élaborée, distincte du slavon. Mikhaïl Vassilievitch Lomonossov, scientifique, poète et linguiste, joua un rôle important dans cette élaboration progressive, qui devait durer des décennies. Deux écrivains de la fin du XVIIIe siècle, qui sont toujours populaires auprès des lecteurs russes, illustrent l'indépendance croissante de la littérature russe vis-à-vis de ses modèles étrangers. Le dramaturge Denis Fonvizine (1745-1792) utilisa de nombreux artifices classiques français dans ses comédies de moeurs populaires le Brigadier (1770) et le Mineur ou le Dadais (1782), mais ses personnages sont conçus dans un style satirique original et représentent avec réalisme des types sociaux spécifiquement russes (en l'occurence, la noblesse campagnarde). Le poète Gavriil Romanovitch Derjavine (1743-1816) était un poète talentueux et original qui combina les formes classiques et le langage russe de façon intensément lyrique et profondément personnelle. L'esprit rationaliste et critique du siècle des Lumières fut représenté en Russie par Lomonossov et par de nombreux auteurs et érudits. La production reçut une nette impulsion au cours des premières années de règne de Catherine II (1729-1796), despote éclairé et auteur elle-même. Après la Révolution française, cependant, Catherine abandonna son rôle de protectrice des intellectuels : le journaliste satirique Nikolaï Ivanovitch Novikov (1744-1818) fut ainsi forcé au silence et arrêté et l'écrivain libéral Alexandre Nikolaïevitch Radichtchev (1749-1802), dont l'oeuvre majeure, Voyage de Pétersbourg à Moscou (1790) constituait une attaque contre les injustices du servage, fut exilé en Sibérie en 1790 pour une période de six ans. Ainsi le schéma conflictuel qui devait gouverner les relations entre l'État et les intellectuels au cours du 3 LE XIXE SIÈCLE XIXe siècle, grand âge de la littérature russe, fut établi. 3.1 Pouchkine et ses contemporains L'expression littéraire russe entra dans sa phase la plus riche -- son âge d'or -- avec les oeuvres du poète, dramaturge et romancier Alexandre Sergueïevitch Pouchkine. Celui-ci s'inspira des formes anciennes du langage littéraire, qu'il synthétisa pour créer une langue nouvelle, toujours d'actualité aujourd'hui. Homme extrêmement cultivé, il s'imprégna de l'ordre et de l'harmonie du classicisme français, ce qui ne l'empêcha pas de participer par la suite à certaines des phases majeures du romantisme et d'aller au-delà, à la fin de sa vie, en se tournant vers le réalisme, qui dominait la littérature au milieu du XIXe siècle. Il offrit à son époque l'image la plus brillante qui puisse caractériser un poète : celle d'un homme sensible, vaillant, et qui se consacre à la vérité propre à l'art et aux besoins de ses compatriotes. La production aussi lyrique que vaste de Pouchkine est riche de ses réflexions menées à partir de ses nombreuses expériences : l'amour, la nature et les problèmes liés au mal, au temps, au destin et à la mort. Dans sa tragédie historique Boris Godounov (1825), il adopte un mode d'expression shakespearien. Sa plus grande oeuvre narrative est un roman en vers, Eugène Onéguine (rédigé entre 1823 et 1830), considéré comme son chef-d'oeuvre. Il y relate les conséquences fatales causées par l'ennui du jeune héros : celui-ci, détaché du monde, néglige l'amour de Tatiana pour son malheur et celui des autres. La narration, qui n'est qu'un prétexte, est enrichie d'intermèdes lyriques, de descriptions romantiques de la nature, de commentaires sociaux et de conversations sur la nature de la poésie. Les vers concis mettent en valeur l'ironie, l'esprit, l'intelligence, et une profonde émotion avec une aisance et une virtuosité extraordinaires. Quand Pouchkine se tourne vers la prose, son sens austère de l'ordre et de l'harmonie lui confère un style clair et expressif, qui influencera grandement la prose russe à venir. L'esprit irrévérencieux de Pouchkine, ainsi que son amour impulsif pour la liberté, le mit en conflit permanent avec le régime du tsar Nicolas Ier, qui non seulement harcelait et surveillait Pouchkine, mais aussi tenait à superviser personnellement ses oeuvres. À sa mort en 1837, Pouchkine fut pleuré par des millions de personnes comme le plus grand poète russe, opinion qui n'a pas changé aujourd'hui. Les contemporains les plus talentueux de Pouchkine furent le brillant fabuliste Ivan Andreïevitch Krylov (1769-1844) et le dramaturge Alexandre Sergueïevitch Griboïedov (1795-1829), auteur de la célèbre comédie sociale le Malheur d'avoir trop d'esprit (1822-1824), publiée en 1833 mais interdite par la censure. Ce dernier créa un ensemble de personnages devenus proverbiaux et écrivit certains vers qui sont les plus souvent cités en langue russe. Pouchkine fut supplanté pendant quelques années par le poète et romancier Mikhaïl Iourievitch Lermontov, écrivain brillant et tourmenté, qui devint le porte-parole le plus talentueux et le plus authentique d'un certain type de romantisme. Les tonalités sombres et intenses de ses poèmes lyriques et narratifs, témoignent d'une sensibilité exacerbée, proche de celle du poète anglais lord Byron. Ses oeuvres présentent un caractère unique par leur puissance et leur profondeur. La plus connue est le roman Un héros de notre temps (1840), le premier roman psychologique russe, traitant de la vie et des valeurs des rebelles de son genre. Il se tourna vers la prose peu avant sa mort, survenue lors d'un duel. Afanassi Afanassievitch Fet (1820-1892) et Fedor Ivanovitch Tiouttchev (18031873) furent les seuls poètes de renom qui résistèrent à la préférence croissante du public et des auteurs pour la littérature en prose. Le roman, la nouvelle et le théâtre en prose devinrent peu à peu, en effet, les genres littéraires favoris des écrivains du XIXe siècle, grande période littéraire russe. Chaque écrivain utilisait ces formes de façon originale pour développer son propre style et ses propres thèmes mais certaines observations générales restent vraies en ce qui concerne la production littéraire de la période 1840 à 1880. Le terme réalisme, utilisé généralement pour décrire la littérature de cette période désigne des oeuvres nourries des observations de la vie quotidienne, et destinées à atteindre un degré élevé d'authenticité. Les auteurs considéraient leurs oeuvres comme un moyen d'explorer les questions importantes posées par la situation de l'homme dans le monde. Tous sujets aux contraintes diverses dues à la crise sociale endémique en Russie -- et surtout à la contrainte morale et psychologique --, les auteurs ne pouvaient manquer d'être conscients du désordre moral et de l'injustice sociale qui les entourait. Ils étaient en proie à la répression de la censure gouvernementale et à la pression agaçante de critiques littéraires radicaux, tels que Vissarion Grigorievitch Bielinski, Nikolaï Gavrilovitch Tchernychevski et Nikolaï Aleksandrovitch Dobrolioubov, qui tentaient tous avec insistance de persuader les écrivains d'utiliser leur art pour servir les programmes urgents de changement social. Chaque écrivain de renom vécut cette situation à sa manière : tous cependant s'accordaient à dire que leur art n'était ni une activité isolée ni une arme sociale au service d'autorités extralittéraires. L'intelligence morale suprême de l'écrivain fut ainsi placée à la base de l'autonomie et de l'intégrité de la grande littérature russe du 3.2 XIXe siècle. Gogol Le remarquable romancier et dramaturge Nikolaï Vassilievitch Gogol (1809-1852), premier écrivain en prose russe, ressentait l'urgence messianique d'améliorer les conditions morales de ses compatriotes et il exprimait le sentiment solennel qu'il avait de sa mission sous forme d'hyperboles comiques rarement égalées dans le monde littéraire par leurs innovations et l'énergie absurde qu'elles dégageaient. La profusion de détails avec laquelle il décrivait la cupidité, la paresse, la corruption et la misère de ses compatriotes se retrouve à un degré élevé dans son récit le Manteau (1842) et dans son chef-d'oeuvre dramatique l'Inspecteur général ou le Révizor (1836). Son oeuvre la plus célèbre, le roman les Âmes mortes (1842 pour la première partie, la seule publiée en son entier), est le récit séditieux d'un escroc qui fait des transactions avec des paysans, biologiquement décédés mais légalement vivants, et qui parcourt ainsi le champ immense du désordre moral, du faste absurde et de la cupidité. 3.3 Tourgueniev La fiction russe atteignit son apogée au cours des trois décennies qui suivirent la mort de Gogol en 1852. Le romancier et nouvelliste Ivan Sergueïevitch Tourgueniev, homme de lettres cultivé, en était un des fleurons. Ami des artistes et intellectuels les plus importants de Russie comme de l'Occident, il favorisa l'assimilation de la culture européenne occidentale en Russie. Chacun des romans majeurs de Tourgueniev est construit autour d'une intrigue dense et dramatique dans laquelle les personnages principaux sont en quête du bonheur, de l'amour ou de l'épanouissement par un travail responsable, quand ils ne sont pas en quête des trois à la fois. Dans chacun de ses romans, c'est une faiblesse de caractère qui provoque la défaite des aspirations du protagoniste, défaite accentuée et universalisée par la destruction occasionnée par le temps qui passe. Le héros du meilleur roman de Tourgueniev, Père et Fils (1862), est un jeune radical -- « nihiliste « est le terme employé par l'auteur --, dont les points de vues doctrinaux ne sont pas en accord avec ses besoins émotionnels. En dépit des intentions de Tourgueniev, l'ouvrage fut interprété comme une attaque contre les réformateurs radicaux de l'époque. 3.4 Tolstoï Le romancier, philosophe et réformateur Léon Tolstoï était un homme aux intérêts variés, qu'il synthétisa dans la recherche de vérités essentielles sur la nature de l'existence humaine. Dans son roman réaliste la Guerre et la Paix (1865-1869), un récit épique ayant pour cadre l'invasion napoléonienne de la Russie en 1812, il expose le problème central du sens et de la nature de l'histoire et celui de la condition de l'homme, mais d'autres idées globalisantes sont exprimées dans le roman. L'histoire de plusieurs familles russes, dont les destins complexes semblent épuiser toutes les possibilités de la vie humaine, se dessine en réalité plus distinctement que le panorama historique. Dans Anna Karénine (1875-1877), Tolstoï, par l'intermédiaire d'une double narration, traite des problèmes des coutumes sociales et de la vie de famille. Un des fils narratifs expose l'histoire tragique d'un amour illicite, reconnue comme une des histoires les plus poignantes de la littérature, et l'autre fil narratif présente un homme proche de Tolstoï lui-même, qui cherche à adopter une attitude de vie lui permettant de combiner de façon harmonieuse le mariage, la famille, le travail, la nature et Dieu. Plus tard, délaissant le roman, Tolstoï dirigea principalement son immense énergie vers son nouveau rôle de critique social et de prophète d'un ordre nouveau, mais, de temps en temps, il se tournera de nouveau vers la littérature. Son dernier long roman s'intitule Résurrection (18891899). 3.5 Dostoïevski Les critiques mentionnent souvent la normalité « ensoleillée « et la rationalité méthodique de la vision de Tolstoï. On peut parler du romancier Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski en employant des termes tout à fait contraires : lui demeurait dans l'irrationnel, explorait les profondeurs de l'expérience, et fondait ses drames sur les extrêmes du comportement humain, tels que le crime, la rébellion et le blasphème. Dans son grand roman Crime et Châtiment (1866), il fit par exemple, la description d'un homme qui tue en raison d'un ensemble complexe de motifs et qui se dénonce pour être châtié. Après de terribles souffrances, il se réconcilie avec un monde imparfait et adopte une vie plus proche des principes des Évangiles. Dans l'Idiot (1868-1869), un personnage pur à l'image du Christ, appelé prince Mychkine, pénètre au sein de la violence tapageuse de la vie russe : innocent, voire simple, il fait preuve de son incapacité, en tant qu'homme et saint, à faire face en termes terrestres aux passions destructives qu'il rencontre. Les Démons (1871-1872, souvent traduit par les Possédés) s'attaque aux sectes et aux factions du mouvement radical en Russie ; la personnalité et les agissements du personnage principal, Stavroguine, amène cependant le récit au-delà de son thème originel, abordant le thème de la connaissance humaine du bien et du mal, et de ses limites. Dans les Frères Karamazov (1879-1880), trois frères, Ivan, un intellectuel qui se rebelle contre les lois de Dieu, Dmitri, un homme possédé par la passion terrestre et Aliocha, un représentant de la passion chrétienne dans sa façon de rendre des services désintéressés à ses semblables, présentent un portrait composite de la famille humaine. Au cours du roman, le père des frères est assassiné par un autre de ses fils, Smerdiakov, enfant naturel, et cette action semble décupler la culpabilité de tous les êtres humains, ainsi que leur espoir de salut. 3.6 Gontcharov et les autres Dostoïevski mourut en 1881, Tourgueniev en 1882, et, à cette période, Tolstoï avait abandonné de façon formelle la littérature. Même si ces trois écrivains dominèrent l'âge d'or de la littérature russe, un grand nombre d'auteurs contribuèrent également à son prestige. Le romancier Ivan Aleksandrovitch Gontcharov, auteur de Oblomov (1859), associait des observations approfondies de la réalité sociale et des éléments pastoraux et mythiques, dans une synthèse fascinante. Chtchedrine (pseudonyme de Mikhaïl Ievgrafovitch Saltykov, 1826-1889) représentait quant à lui la société russe avec un regard satirique mordant, comme dans Histoire d'une ville (1869-1870). Il alla plus loin sur ce même thème dans les Golovlev (1876-1880), un remarquable roman naturaliste décrivant l'horreur psychologique et la décadence morale d'une famille inversant les standards et les valeurs de la vision pastorale célébrés par Tourgueniev, Tolstoï et bien d'autres. Dans Chronique de famille (1856), Sergueï Timofeïevitch Aksakov décrivit avec sensibilité la vie de famille au sein de la petite noblesse, influençant les nombreux écrivains qui traitèrent plus tard ce sujet. Le romancier et nouvelliste Nikolaï Semenovitch Leskov explora d'autres aspects de la société et de la mentalité russes : les marchands, le peuple et l'imagination populaire sont présents dans ses récits Lady Macbeth du district de Mzensk (1865) et le Voyageur ensorcelé (1873) tandis que le clergé provincial est décrit dans une chronique Gens d'Église (1872). Alexandre Nikolaïevitch Ostrovski (1823-1886) enrichit le théâtre national avec des pièces comme L'Orage, (1859) et d'autres pièces traitant de la vie de la classe moyenne. 3.7 Réalistes, Symbolistes, et autres écrivains de la fin du XIXe siècle Le courant de réalisme social qui fit son apparition avec Tourgueniev et Tolstoï continua à se développer au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle, pendant la Première Guerre mondiale, et jusqu'à la période des deux révolutions de 1917, mais sous une forme quelque peu altérée. Avec l'oeuvre du dramaturge et nouvelliste Anton Pavlovitch Tchekhov le réalisme en prose devint un moyen très raffiné de reproduire le ton informel et la texture de l'existence ordinaire. Méfiant à l'égard des abstractions, des doctrines et des penchants religieux et métaphysiques des générations précédentes, Tchekhov préféra se concentrer sur les circonstances particulières de chaque vie humaine, qu'il révèle par une prose finement maîtrisée, réputée pour ses tournures allusives et par une formulation précise. Bien souvent, la révélation prend la forme d'une découverte : le personnage central se rend compte qu'il existe un pont infranchissable entre ses aspirations et sa situation réelle, ou entre les représentations qu'il se fait de luimême et les représentations de lui-même que se font les autres. La banalité, la trivialité, la solitude et l'absence d'amour sont des thèmes qui reviennent constamment dans l'oeuvre de Tchekhov et qui y sont présentés comme des caractéristiques essentielles. L'ironie, la pitié ou le dégoût définissent les commentaires implicites de Tchekhov sur ses personnages. La tension dramatique, dans la Mouette (1896), Oncle Vania (1897), les Trois Soeurs (1901) et la Cerisaie (1904) est générée par l'inaction de ses personnages, leurs désirs cachés, ou leurs aspirations auxquelles la vie ne répond pas. Les écrivains russes de la fin du XIXe siècle se sont engagés dans un mouvement complexe qu'on peut décrire comme une rébellion totale contre les présupposés et les pratiques littéraires de l'âge d'or qui venait de s'écouler. Dans ce mouvement, la poésie remplaçait la prose ; l'intuition remplaçait la raison ; les hypothèses transcendantales, sur la nature et la localisation de la réalité ultime, remplaçaient la croyance des prosateurs réalistes, selon laquelle l'expérience pouvait être connue, raisonnée et ordonnée au moyen d'une prose claire et analytique. La société et les problèmes sociaux étaient remplacés, comme lieu d'étude et d'interrogation, par les problèmes éternels de l'existence, appréhendés sur le mode mystique. Ce mouvement inspira au milieu du siècle le renouveau des idées romantiques d'Europe occidentale. Il s'inspira de manière très nette du symbolisme français, auquel il emprunta son nom tout en conservant son originalité. Les érudits ont appelé « idéaliste « la phase philosophique de ce mouvement pour mettre l'accent sur sa répudiation des fondations matérialistes de la philosophie scientifique moderne. À partir de cette pensée « idéaliste «, un certain nombre d'esprits originaux formulèrent à leur manière leurs idées mystiques ou théologiques. Vladimir Sergueïevitch Soloviev (1853-1900) essaya par exemple de réaliser une synthèse systématique de ses pensées sur l'humain, la nature, et la réalité supernaturelle. Vassili Vassilievitch Rozanov (1856-1919), critique et philosophe, critiqua le christianisme, trop éloigné de la conception naturaliste qu'il se faisait de la religion. Viatcheslav Ivanovitch Ivanov (1866-1949) tenta dans ses écrits philosophiques de redéfinir certaines idées théologiques orthodoxes d'un point de vue similaire à celui de Dostoïevski et de rajeunir la foi chrétienne avec un esprit d'enchantement intense. Un certain nombre d'autres personnes, incluant Léon Chestov (pseudonyme de Lev Isaakovitch Chvartsmann, 1866-1938) et Nikolaï Aleksandrovitch Berdiaev (1874-1948), contribuèrent à enrichir le mouvement par des apports philosophiques originaux. Aucun de ces hommes, cependant, ne marqua de façon prononcée le développement de la philosophie européenne. Leur engagement face à des notions mystiques mal définies ouvrit néanmoins des voies nouvelles excentriques ou ésotériques, telles que l'occultisme, la théosophie et l'anthroposophie. 4 LE XXE SIÈCLE Au début du siècle, un nombre considérable d'écrivains russes se consacrèrent à la poésie. Parmi les exemples les plus frappants, on trouve les oeuvres de Aleksandr Aleksandrovitch Blok, Valeri Iakovlevitch Brioussov, Konstantine Dmitrievitch Balmont (1867-1942), Andréi Biély, et Zinaïda Nikolaïevna Guippious. Blok est le représentant le plus imposant du groupe. Son imagination, libérée des contraintes de la moralité et de la vision scientifique, construisit un univers poétique d'une portée et d'une intensité de sentiments rarement égalés. Son vocabulaire poétique, renvoyant au cosmique, à l'angélique et au démoniaque, sert, par l'intermédiaire de vers énergiques et variés, l'expression de passions, de peurs et de nostalgie. Blok resta sensible à son époque, et tout de suite après la révolution bolchevique, il écrivit l'un de ses plus beaux poèmes, les Douze (1918), récit savoureux et émouvant des aventures d'une patrouille de l'Armée rouge qui est dirigée, comme on peut le lire dans les vers qui terminent le poème, par le Christ lui-même. Les écrivains symbolistes écrivaient aussi bien en prose qu'en vers, mais ils travaillaient pour modifier et adapter les caractéristiques traditionnelles du roman. Le poète, romancier et critique Dmitri Sergueïevitch Merejkovski (1866-1941) abandonna la Russie contemporaine pour se consacrer à l'écriture d'études historiques. Fedor Sologoub (pseudonyme de Fedor Kouzmitch Teternikov, 1863-1927) évoqua l'action des forces supernaturelles sous une apparence ordinaire, dans son roman le Démon mesquin (1905) et dans un grand nombre de ses nouvelles. Pétersbourg de Biély (1912), la remarquable oeuvre en prose du mouvement symboliste, est une expérience radicale des dimensions du temps et de l'espace dans la fiction, avec les développements techniques du roman moderne occidental. Un certain nombre d'écrivains travaillaient de façon indépendante, sans être rattachés à une école particulière. Le nouvelliste et dramaturge Leonid Nikolaïevitch Andreïev et le nouvelliste et romancier Alexandre Ivanovitch Kouprine (1870-1938) produisirent des oeuvres réalistes en prose russe. Le poète et romancier Ivan Alekseïevitch Bounine, qui fut le premier écrivain russe à remporter le prix Nobel de littérature (1933), élabora tout d'abord des écrits cours en prose, comme un grand nombre de ses contemporains. Cet écrivain classique, l'un des plus importants de l'émigration russe, racontait des histoires poétiques, traitant de la dernière génération de la petite noblesse russe. Ces histoires sont marquées par une ironie psychologique cinglante alliée à la nostalgie sentimentale et obsédante d'un style de vie disparu. 4.1 Gorki Le romancier, dramaturge et essayiste Maxime Gorki, effectua un travail littéraire unique à partir de sa propre expérience de jeunesse, celle d'un clochard dans la région de la Volga. Il s'appuya sur la tradition classique telle qu'il l'avait apprise de Tolstoï et de Tchekhov, et sur les mouvements politiques révolutionnaires auxquels il fut associé de façon intermittente pendant la plus grande partie de sa vie. Il est surtout connu en Occident pour les premières nouvelles qu'il écrivit, pour son autobiographie en trois volumes, pour sa pièce traitant des déshérités sociaux les Bas-Fonds (1902), et pour ses réminiscences sensibles de Tolstoï, Tchekhov et Andreïev. Les commentateurs soviétiques mettent plutôt l'accent sur sa contribution politique dans le domaine de la littérature, ce dont atteste le roman révolutionnaire la Mère (1907-1908). Les Soviétiques se plaisent surtout à le glorifier pour son rôle de fondateur du mouvement connu sous le nom de réalisme socialiste. 4.2 Période post-révolutionnaire (1922-1929) Dans la période de détente relative qui suivit l'établissement de l'Union des républiques socialistes soviétiques, de nombreux écrivains et critiques étaient persuadés que leur rôle était de créer de nouvelles formes littéraires, appropriées à l'ère nouvelle. Une école de pensée qui fit son apparition dans les années 1920 sous le nom de Proletkult (« culte prolétarien «) affirmait qu'une nouvelle culture prolétarienne remplacerait toutes les formes anciennes ou s'efforcerait de prendre le contrôle de toutes les formes littéraires. Les écrivains futuristes, dirigés par le poète Vladimir Vladimirovitch Maïakovski, proposèrent un changement radical des formes et des images littéraires et de la texture du langage lui-même. Un groupe plus conservateur formé en 1921 et connu sous le nom des Frères Sérapion, d'après une oeuvre d'Hoffmann, préféra rester plus près de la tradition classique russe, en insistant particulièrement sur le fait que la littérature, telle qu'ils l'entendaient, était une activité autonome où dominait l'imagination et l'indépendance créatrice. Maïakovski éleva l'esprit d'expérience à son plus haut point. Maître de la déclamation hyperbolique et d'un nouveau langage, à la fois trivial et provocant, il fut le porte-parole le plus approprié des nouvelles énergies libérées par la révolution. Un humour grinçant, une satire mordante, et des déclarations de loyauté sincères envers le régime soviétique distinguent les meilleurs de ses poèmes et de ses pièces publiques. La voix intime d'une personnalité vulnérable et sensible est perceptible dans nombre de ses premiers poèmes et même au sein de la bravade célèbre Nuage en pantalon (1915). Maïakovski se suicida en 1930 ; la note qu'il laissa et son dernier poème À pleine voix laissent entendre que la tension entre les revendications de sa vie publique et les exigences de sa vie privée, lui avait rendu l'existence insupportable. Bien que l'intellectualisme raffiné du monde artistique prérévolutionnaire n'eût pas sa place au sein de la nouvelle atmosphère prolétarienne, les poètes lyriques, héritiers de la grande culture littéraire des années passées, continuèrent à écrire. Boris Pasternak développa une des voix poétiques les plus originales des temps modernes, explorant dans ses poèmes lyriques et narratifs, les modalités de l'acte de perception, très proche de sensibilité du poète américain Wallace Stevens. Anna Andreïevna Akhmatova et Ossip Emilievitch Mandelstam, tous les deux associés au groupe prérévolutionnaire acméiste, qui s'opposa au symbolisme en « prônant une connaissance exacte des rapports entre sujet et objet «, devinrent des poètes majeurs sous le régime soviétique, bien qu'en butte à de grandes difficultés. Akhmatova garda le silence entre le début des années 1920 et les années de guerre, et fut expulsée de l'Union des écrivains en 1946. Mandelstam fut arrêté en 1938 et mourut au cours de sa déportation en Sibérie. Marina Tsvetaïeva (1892-1941), une poétesse d'une originalité frappante, revint en 1939 d'un exil à Paris, poussée par la nostalgie, mais elle se suicida en 1941. Son oeuvre au souffle personnel et puissant, ses recherches formelles et ses témoignages sur son temps traduisent un profond désir d'absolu. La fiction soviétique fut affectée à ses débuts par les difficultés que les auteurs rencontrèrent en tentant de décrire la révolution et la guerre civile qui suivirent. Ces événements, bouleversant la vie publique et privée, provoquant l'effondrement des institutions et une hostilité implacable entre les différentes parties en conflit dans la nation, semblaient dépasser les limites de l'ordre dont avaient besoin les formes littéraires. L'ordre était préservé uniquement dans la discipline militaire et l'idéologie communiste, non dans les relations sociales traditionnellement décrites par les romanciers. Un des romans populaires de cette période, Tchapaïev (1932), de Dmitri Andreïevitch Fourmanov, soit (1891-1926) est une transcription directe d'événements personnels et historiques : on y voit un commissaire bien informé apprivoisant le légendaire chef populaire Tchapaïev, et l'exploitant pour servir les fins sobres de la révolution. Cette combinaison de réalisme populaire et de dictature politique devint le matériau dominant des fictions soviétiques, et Tchapaïev fut honoré comme l'un des premiers documents authentiques du réalisme socialiste. Celui-ci exigeait la présentation des relations humaines, sous un aspect politique, ce qui devint la doctrine littéraire officielle de l'Union soviétique après 1934. À l'autre extrémité du spectre soviétique, on trouve les récits très précis d'Issaak Emmanouilovitch Babel, rassemblés dans la Cavalerie rouge (1926). Chaque événement, tiré du journal de l'écrivain, est transformé en une histoire parfaite qui raconte sans moraliser les désaccords ironiques et les accouplements choquants des personnes et des événements en insistant particulièrement sur des problèmes comme la violence, la trahison, l'amour ou la mort. Un certain nombre d'autres romans trouvent leur place entre ces extrémités artistiques, et tentent avec plus ou moins d'originalité et d'habileté de résoudre les problèmes sociaux et esthétiques de l'époque. Parmi ces romans, on trouve les Cités et les Années (1924) de Konstantin Aleksandrovitch Fedine (1892-1977), les Blaireaux (1924) de Leonid Maksimovitch Leonov (1899-1994), et la Défaite (1927) d'Aleksandr Aleksandrovitch Fadeïev. Peu de nouvelles furent écrites juste après la guerre, à l'époque de la nouvelle politique économique, mais la relance du commerce privé pendant cette période créa en revanche une atmosphère particulièrement vulnérable à la satire. L'étrange combinaison entre le zèle révolutionnaire et l'escroquerie commerciale fut en effet exploitée dans des oeuvres comme dans les Dilapideurs (1926), roman de Valentin Petrovitch Kataïev (1897-1986), ainsi que dans les petites histoires et les petites pièces de Mikhaïl Mikhaïlovitch Zochtchenko (1895-1958). Elles le furent aussi dans les oeuvres satiriques les Douze Chaises (1928) et sa suite le Veau d'or (1931) de Ilia Arnoldovitch Ilf (pseudonyme d'Ilia Arnoldovitch Faïnzilberg, 1897-1937) et de Ievgueni Petrovitch Petrov (pseudonyme de Ievgueni Petrovitch Kataïev, 1903-1942). Un roman sérieux de Leonov, le Voleur (1927), retraçait les déplacements d'un soldat rouge désillusionné dans le monde confus des années 1920 et dans le labyrinthe de sa propre culpabilité avant de se réconcilier définitivement avec la Russie et ses révolutions. 4.3 Réalisme social (1930-1953) Quand apparut le premier plan quinquennal de 1929, la tolérance officielle à l'égard des écrits, des journaux et des écoles littéraires prit fin. Un unique organisme administratif, l'Association russe des écrivains prolétariens (RAPP), établit un contrôle politique de toutes les activités littéraires, veillant à leur conformité avec la ligne idéologique dictée par le Parti communiste. Les discours littéraires ordinaires laissèrent alors la place à des jugements politiques sévères, et les écrivains durent se conformer à cette pression extrêmement forte. On vit ainsi l'apparition de mélodrames, dont le cadre était toujours un site d'usine en construction ou un village dont les habitants, méfiants à l'égard de la collectivisation, devaient pourtant l'accepter, contraints par des responsables du Parti pourvus d'une volonté de fer. Les meilleurs écrivains tentèrent d'écrire en respectant cette nouvelle formule. Leonov produisit ainsi deux romans pour honorer cet ordre social : il s'agit de la Rivière Sot (1930) et Skoutarevski (1932), et Kataïev écrivit une variation allègre sur le thème de la construction dans Temps, en avant ! (1932). Mikhaïl Aleksandrovitch Cholokhov, un romancier particulièrement talentueux, écrivit un récit très convaincant sur la crise agricole, Terres défrichées (1932). La RAPP fut dissoute en 1932 et remplacée par l'Union des écrivains soviétiques. Le festival d'inauguration de l'ère nouvelle, premier congrès de l'Union des écrivains soviétiques (1934), semblait annoncer une atmosphère de libéralisme. Pendant son discours d'ouverture, cependant, le membre du Politburo Andreï Aleksandrovitch Jdanov définit une nouvelle doctrine littéraire, le réalisme socialiste, et indiqua qu'un système subtil et complet de contrôles allait remplacer la contraignante et brutale RAPP. Organisme et doctrine, travaillant en harmonie, contrôlèrent l'imagination littéraire russe jusqu'à l'effondrement du système communiste. Les romans s'élevèrent au-dessus de la médiocrité générale de la production littéraire entre les années 1934 et 1939. Leonov restait encore à l'intérieur des limites dictées par le Parti dans Route de l'océan (1935), mais il conçut néanmoins une histoire pourvue d'une grande complexité narrative et d'une qualité philosophique profonde, ayant pour thème les préoccupations spirituelles d'un commissaire proche de la mort. Le roman en quatre volumes de Cholokhov, le Don paisible (19251940), considéré de manière générale comme le chef-d'oeuvre en prose de l'époque soviétique, enfreint en revanche certaines attitudes littéraires officielles de base : le récit retrace les pérégrinations confuses d'un cosaque qui traverse les chaos de la révolution et de la guerre civile en quête d'une vérité morale accessible et il se termine par un compromis avec les deux factions politiques. Séparé pour toujours des certitudes de sa vie proche de la nature, le héros vit une fin classiquement tragique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les écrivains servirent la cause de la guerre soviétique, comme correspondants de guerre ou pamphlétaires. Les quelques oeuvres de fiction qu'ils laissèrent reprennent des thèmes humains récurrents en période de guerre, comme l'amour, la fraternité, la souffrance et la séparation. Konstantin Simonov (1915-1979) écrivit une pièce de théâtre, Gens de Russie (1942), un roman, les Jours et les Nuits (1944), et un recueil de poèmes lyriques populaires. Leonov publia une pièce, Invasion (1942), et un court roman le Carrosse d'or (1944), qui décrit les conflits moraux des Soviétiques en temps de guerre et d'occupation. En 1946, Jdanov, dans son rapport publié dans les revues Zvezda et Leningrad, imposa la définition la plus restrictive jamais formulée du réalisme socialiste : selon lui, la littérature devait être jugée exclusivement selon les critères de la partiinost, c'est-à-dire, en fonction des services qu'elle rendrait au Parti en se soumettant à sa discipline. Cette définition entraîna l'exclusion de l'Union des écrivains de Zochtchenko et d'Anna Akhmatova et marqua le début d'une période d'appauvrissement de la production littéraire. 4.4 De la mort de Staline à la dissolution de l'URSS (1953-1991) Après la mort de Staline en 1953, une période de relative démocratisation permit l'ouverture de débats critiques et l'apparition de plusieurs romans non conventionnels, parmi lesquels le Dégel (1954) d'Ilya Grigorievitch Ehrenbourg et L'homme ne vit pas seulement de pain (1956) de Vladimir Dmitrievitch Doudintsev (1918- ). Ces deux romans remettaient en question d'importants aspects de la vie en Union soviétique. Le roman de Doudintsev fut interdit à sa sortie, mais une approche plus libérale de la littérature fut par la suite graduellement adoptée. Un certain nombre de nouvellistes talentueux, assez proches de la manière tchekhovienne, éliminèrent ou réduisirent petit à petit le contenu politique de leurs oeuvres, en prenant pour thème les drames des personnes ordinaires habitant les parties reculées du pays. Un poète connu pour sa franchise, Ievgueni Evtouchenko écrivit des vers sensibles, introduisant une certaine moralité au sein de la tradition poétique moribonde. Son contemporain, Andreï Andreïevitch Voznessenski (1933- ) fit renaître la vitalité du langage poétique en découvrant des métaphores et des rythmes nouveaux pour répondre au monde moderne d'une voix actuelle et vraie. Les conflits fréquents qui existaient entre ces écrivains et le pouvoir politique, cependant, montrent bien les limites de la liberté qui planaient sur la forme et le contenu de la création à cette période. Jusqu'à la glanost (« transparence «) de la fin des années 1980, les oeuvres russes les plus importantes ne furent pas publiées en URSS mais leurs manuscrits circulèrent sous le manteau ou furent publiées à l'étranger. La publication de l'oeuvre de Pasternak, le Docteur Jivago (1957), à l'étranger et finalement en URSS en 1987 montre bien que la tradition classique russe parvenait à survivre. Cette oeuvre, l'histoire du voyage d'un individualiste solitaire dans les chaos de la guerre civile, en quête d'expériences humaines authentiques, rappelle de nombreux thèmes traditionnels chers aux écrivains du XIXe siècle, et remet en question les fondations philosophiques de la société marxiste. En 1958, Pasternak remporta le prix Nobel de littérature, mais, sous la pression d'attaques officielles sévères, il dut le refuser. La publication à l'étranger était le seul recours pour les autres écrivains de talent. Ce fut le cas de Vladimir Nabokov. Ayant fui la Russie en 1919 avec sa famille, il étudia en Europe, y produisit ses premières oeuvres en russe, avant de partir aux États-Unis. Devenu citoyen américain, il enseigna dans diverses universités et écrivit ses oeuvres les plus importantes en anglais : Lolita (1955), Pnine (1957), le Guetteur (1965). Au début des années 1960, le critique et érudit de renom Andreï Siniavski publia une succession d'oeuvres remarquables sous le pseudonyme d'Abram Tertz, incluant un article férocement ironique Qu'est-ce que le réalisme socialiste ? qui attaquait les fondations intellectuelles de la doctrine marxiste puis une série d'histoires fantastiques et deux satires politiques écrites sur un ton coléreux Messieurs, la Cour et Lioubimov ainsi qu'une collection de méditations philosophiques lugubres dans lesquelles il déclarait sa foi dans le Dieu chrétien. En 1966, il fut, avec un collègue, Youli Markovitch Daniel, jugé et condamné aux travaux forcés pour avoir « calomnié « l'Union soviétique. Le célèbre romancier Alexandre Soljenitsyne, né en 1918, se trouva entre ce qui était permis et ce qui était interdit dans sa pratique littéraire. En 1963, sur intervention personnelle de Nikita Khrouchtchev, son court roman sur la vie dans un camp de concentration, Une journée d'Ivan Denissovitch, fut publié. Ses deux romans majeurs, le Premier Cercle (1955-1958, publié en 1968) et le Pavillon des cancéreux (1968), furent cependant interdits en Union soviétique et publiés plus tard, contre sa volonté, en Occident. La fiction de Soljenitsyne utilise sa propre vie de vétéran de l'armée, de détenu de longue durée en camp de concentration, et de victime du cancer. La version qu'il donna dans ses écrits de son expérience constituait un appel prophétique à une purification morale de sa nation, à un changement pour un « socialisme éthique «, et à un monde où la vérité simple et la décence domineraient. Ses oeuvres de fiction reflètent ses inquiétudes morales persistantes et ses protestations contre la censure, contre son expulsion de l'Union des écrivains et contre l'enfermement des dissidents intellectuels dans des asiles de fous. Soljenitsyne, qui vécut aux États-Unis jusqu'à son retour en Russie en 1994, remporta le prix Nobel de littérature en 1970, mais cette récompense fut condamnée par l'Union des écrivains soviétiques et le gouvernement soviétique. Le terme de littérature « illégale « (samizdat) fut utilisé pendant la période post-stalinienne pour décrire les oeuvres de Mikhaïl Boulgakov. Son roman majeur le Maître et Marguerite, une satire du gouvernement, fut rédigé de 1926 à 1940 mais publié en URSS en 1966-1967 seulement, dans une version expurgée. D'autres oeuvres furent également taxées d'« illégales « comme celles, impressionnantes, du poète Joseph Brodsky et d'un certain nombre d'autres écrivains et penseurs. Brodsky, expulsé d'Union soviétique, se rendit aux États-Unis en 1972 et remporta le prix Nobel de littérature en 1987. Il fut nommé poète lauréat américain en 1991. Parmi ses oeuvres, écrites en anglais, on trouve Selected Poems (1973) et Less Than One (1986), une collection d'essais littéraires. Un autre écrivain dissident, Valérï Tarsis, fut autorisé à partir pour la Suisse en 1966 ; ses attaques satiriques à l'encontre du régime soviétique sont rédigées dans des romans comme The Bluebottle (1963). Ses autres textes importants sont Ward 7 (1965), une oeuvre autobiographique fondée sur ses expériences en hôpital psychiatrique et The Pleasure Factory (1967), une histoire mordante et pleine d'esprit, relatant le séjour de vacanciers dans une station balnéaire de la mer Noire. De telles oeuvres « illégales « permirent de préserver les grandes traditions de la littérature russe, jusqu'à ce que l'effondrement du Parti communiste et la dissolution de l'État soviétique en 1991 ouvrent une ère nouvelle pour les écrivains russes. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

« 3. 1 Pouchkine et ses contemporains L’expression littéraire russe entra dans sa phase la plus riche — son âge d’or — avec les œuvres du poète, dramaturge et romancier Alexandre Sergueïevitch Pouchkine.

Celui-ci s’inspira des formes anciennes du langage littéraire, qu’il synthétisa pour créer une langue nouvelle, toujours d’actualité aujourd’hui.

Homme extrêmement cultivé, il s’imprégna de l’ordre et de l’harmonie du classicisme français, ce qui ne l’empêcha pas de participer par la suite à certaines des phases majeures du romantisme et d’aller au-delà, à la fin de sa vie, en se tournant vers le réalisme, qui dominait la littérature au milieu du XIXe siècle.

Il offrit à son époque l’image la plus brillante qui puisse caractériser un poète : celle d’un homme sensible, vaillant, et qui se consacre à la vérité propre à l’art et aux besoins de ses compatriotes. La production aussi lyrique que vaste de Pouchkine est riche de ses réflexions menées à partir de ses nombreuses expériences : l’amour, la nature et les problèmes liés au mal, au temps, au destin et à la mort.

Dans sa tragédie historique Boris Godounov (1825), il adopte un mode d’expression shakespearien.

Sa plus grande œuvre narrative est un roman en vers, Eugène Onéguine (rédigé entre 1823 et 1830), considéré comme son chef-d’œuvre.

Il y relate les conséquences fatales causées par l’ennui du jeune héros : celui-ci, détaché du monde, néglige l’amour de Tatiana pour son malheur et celui des autres.

La narration, qui n’est qu’un prétexte, est enrichie d’intermèdes lyriques, de descriptions romantiques de la nature, de commentaires sociaux et de conversations sur la nature de la poésie.

Les vers concis mettent en valeur l’ironie, l’esprit, l’intelligence, et une profonde émotion avec une aisance et une virtuosité extraordinaires.

Quand Pouchkine se tourne vers la prose, son sens austère de l’ordre et de l’harmonie lui confère un style clair et expressif, qui influencera grandement la prose russe à venir. L’esprit irrévérencieux de Pouchkine, ainsi que son amour impulsif pour la liberté, le mit en conflit permanent avec le régime du tsar Nicolas I er, qui non seulement harcelait et surveillait Pouchkine, mais aussi tenait à superviser personnellement ses œuvres.

À sa mort en 1837, Pouchkine fut pleuré par des millions de personnes comme le plus grand poète russe, opinion qui n’a pas changé aujourd’hui. Les contemporains les plus talentueux de Pouchkine furent le brillant fabuliste Ivan Andreïevitch Krylov (1769-1844) et le dramaturge Alexandre Sergueïevitch Griboïedov (1795-1829), auteur de la célèbre comédie sociale le Malheur d'avoir trop d'esprit (1822-1824), publiée en 1833 mais interdite par la censure.

Ce dernier créa un ensemble de personnages devenus proverbiaux et écrivit certains vers qui sont les plus souvent cités en langue russe.

Pouchkine fut supplanté pendant quelques années par le poète et romancier Mikhaïl Iourievitch Lermontov, écrivain brillant et tourmenté, qui devint le porte-parole le plus talentueux et le plus authentique d’un certain type de romantisme.

Les tonalités sombres et intenses de ses poèmes lyriques et narratifs, témoignent d’une sensibilité exacerbée, proche de celle du poète anglais lord Byron.

Ses œuvres présentent un caractère unique par leur puissance et leur profondeur.

La plus connue est le roman Un héros de notre temps (1840), le premier roman psychologique russe, traitant de la vie et des valeurs des rebelles de son genre.

Il se tourna vers la prose peu avant sa mort, survenue lors d’un duel.

Afanassi Afanassievitch Fet (1820-1892) et Fedor Ivanovitch Tiouttchev (1803- 1873) furent les seuls poètes de renom qui résistèrent à la préférence croissante du public et des auteurs pour la littérature en prose. Le roman, la nouvelle et le théâtre en prose devinrent peu à peu, en effet, les genres littéraires favoris des écrivains du XIXe siècle, grande période littéraire russe.

Chaque écrivain utilisait ces formes de façon originale pour développer son propre style et ses propres thèmes mais certaines observations générales restent vraies en ce qui concerne la production littéraire de la période 1840 à 1880.

Le terme réalisme, utilisé généralement pour décrire la littérature de cette période désigne des œuvres nourries des observations de la vie quotidienne, et destinées à atteindre un degré élevé d’authenticité.

Les auteurs considéraient leurs œuvres comme un moyen d’explorer les questions importantes posées par la situation de l’homme dans le monde. Tous sujets aux contraintes diverses dues à la crise sociale endémique en Russie — et surtout à la contrainte morale et psychologique —, les auteurs ne pouvaient manquer d'être conscients du désordre moral et de l’injustice sociale qui les entourait. Ils étaient en proie à la répression de la censure gouvernementale et à la pression agaçante de critiques littéraires radicaux, tels que Vissarion Grigorievitch Bielinski, Nikolaï Gavrilovitch Tchernychevski et Nikolaï Aleksandrovitch Dobrolioubov, qui tentaient tous avec insistance de persuader les écrivains d’utiliser leur art pour servir les programmes urgents de changement social.

Chaque écrivain de renom vécut cette situation à sa manière : tous cependant s’accordaient à dire que leur art n’était ni une activité isolée ni une arme sociale au service d’autorités extralittéraires.

L’intelligence morale suprême de l’écrivain fut ainsi placée à la base de l’autonomie et de l’intégrité de la grande littérature russe du XIXe siècle. 3. 2 Gogol Le remarquable romancier et dramaturge Nikolaï Vassilievitch Gogol (1809-1852), premier écrivain en prose russe, ressentait l’urgence messianique d’améliorer les conditions morales de ses compatriotes et il exprimait le sentiment solennel qu’il avait de sa mission sous forme d’hyperboles comiques rarement égalées dans le monde littéraire par leurs innovations et l’énergie absurde qu’elles dégageaient.

La profusion de détails avec laquelle il décrivait la cupidité, la paresse, la corruption et la misère de ses compatriotes se retrouve à un degré élevé dans son récit le Manteau (1842) et dans son chef-d’œuvre dramatique l’Inspecteur général ou le Révizor (1836).

Son œuvre la plus célèbre, le roman les Âmes mortes (1842 pour la première partie, la seule publiée en son entier), est le récit séditieux d’un escroc qui fait des transactions avec des paysans, biologiquement décédés mais légalement vivants, et qui parcourt ainsi le champ immense du désordre moral, du faste absurde et de la cupidité. 3. 3 Tourgueniev La fiction russe atteignit son apogée au cours des trois décennies qui suivirent la mort de Gogol en 1852.

Le romancier et nouvelliste Ivan Sergueïevitch Tourgueniev, homme de lettres cultivé, en était un des fleurons.

Ami des artistes et intellectuels les plus importants de Russie comme de l’Occident, il favorisa l’assimilation de la culture européenne occidentale en Russie.

Chacun des romans majeurs de Tourgueniev est construit autour d’une intrigue dense et dramatique dans laquelle les personnages principaux sont en quête du bonheur, de l’amour ou de l’épanouissement par un travail responsable, quand ils ne sont pas en quête des trois à la fois.

Dans chacun de ses romans, c’est une faiblesse de caractère qui provoque la défaite des aspirations du protagoniste, défaite accentuée et universalisée par la destruction occasionnée par le temps qui passe.

Le héros du meilleur roman de Tourgueniev, Père et Fils (1862), est un jeune radical — « nihiliste » est le terme employé par l’auteur —, dont les points de vues doctrinaux ne sont pas en accord avec ses besoins émotionnels.

En dépit des intentions de Tourgueniev, l’ouvrage fut interprété comme une attaque contre les réformateurs radicaux de l’époque. 3. 4 Tolstoï Le romancier, philosophe et réformateur Léon Tolstoï était un homme aux intérêts variés, qu’il synthétisa dans la recherche de vérités essentielles sur la nature de l’existence humaine.

Dans son roman réaliste la Guerre et la Paix (1865-1869), un récit épique ayant pour cadre l’invasion napoléonienne de la Russie en 1812, il expose le problème central du sens et de la nature de l’histoire et celui de la condition de l’homme, mais d’autres idées globalisantes sont exprimées dans le roman. L’histoire de plusieurs familles russes, dont les destins complexes semblent épuiser toutes les possibilités de la vie humaine, se dessine en réalité plus distinctement que le panorama historique.

Dans Anna Karénine (1875-1877), Tolstoï, par l’intermédiaire d’une double narration, traite des problèmes des coutumes sociales et de la vie de famille.

Un des fils narratifs expose l’histoire tragique d’un amour illicite, reconnue comme une des histoires les plus poignantes de la littérature, et. »

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