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Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne (extrait). Frankenstein, jeune étudiant passionné d'alchimie, découvre le secret de la vie. Avec fièvre, il assemble les organes qui composeront le corps d'un être humain, profanant les tombes en secret. Il fait sa créature de haute stature, pour rendre sa fabrication plus aisée. Mais lorsqu'enfin son rêve s'exauce, que l'affreux géant prend vie, son enthousiasme se mue en horreur. Ce roman est l'un des premiers du genre fantastique. Le thème des dangers mortels de la science, celui de l'orgueil humain qui tente d'égaler Dieu en créant la vie sont au coeur de ce qui est devenu un mythe moderne. Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley (chapitre 5) Ce fut par une lugubre nuit de novembre que je vis enfin mon oeuvre terminée. Avec une anxiété mêlée de terreur, je rassemblai autour de moi les instruments qui devaient me permettre d'infuser l'étincelle de vie dans cette chose inerte gisant à mes pieds. Une heure du matin venait de sonner et la pluie frappait lugubrement contre les vitres. Ma bougie presque entièrement consumée jetait une lueur vacillante, lorsque tout à coup, je vis s'ouvrir l'oeil jaune et vitreux de cet être. Sa poitrine se soulever et il commença à respirer péniblement. Brusquement un mouvement convulsif agita ses membres. Comment trouverais-je des mots suffisants pour vous décrire l'émotion qui me saisit ? Comment pourrais-je vous donner une idée à peu près exacte du misérable que j'avais entrepris de former avec tant de peines et de soins ? Ses membres étaient proportionnés et j'avais choisi ses traits pour leur beauté. -- Beauté ! -- Grand Dieu ! Sa peau jaune tendue à l'excès couvrait à peine le tissu des muscles et des artères. Ses cheveux d'un noir lustré étaient abondants et ses dents d'une blancheur de nacre. Mais ces merveilles ne servaient qu'à rendre plus horrible le reste de son corps. Ses yeux noyés d'eau semblaient presque de la même couleur que le blanc terne de ses orbites. Son visage était ridé et ses lèvres droites et minces. Les accidents variés de la vie ne sont pas sujets aux changements des sentiments humains. J'avais travaillé dur pendant presque deux ans dans le seul but d'infuser la vie à un corps inanimé. Pour cela, j'avais sacrifié mon repos et ma santé ! Ce moment, je l'avais espéré, attendu avec une ardeur immodérée, mais maintenant que j'avais terminé, la beauté de mon rêve s'évanouissait, et l'horreur et le dégoût remplissaient mon coeur. Incapable de supporter la vue de l'être que j'avais créé, je me précipitai hors de la pièce, et longtemps je marchai de long en large dans ma chambre à coucher, sans pouvoir goûter le sommeil. Enfin, la lassitude eut raison de mon trouble, et je me jetai tout habillé sur mon lit, tentant de trouver quelques moments d'oubli. Mais ce fut en vain ! Je dormis, sans doute, mais mon sommeil fut troublé par les rêves les plus extravagants. Je croyais voir Élizabeth, dans la fleur de sa santé, se promener dans les rues d'Ingolstadt. Joyeux et surpris, je l'embrassais, mais à peine avais-je posé mon premier baiser sur ses lèvres qu'elle devenait livide comme la mort ; ses traits paraissaient changés, et je croyais tenir dans mes bras le corps de ma mère morte ; un linceul l'enveloppait, et je voyais les vers de la tombe se glisser dans les replis du suaire. Je tressaillis et m'éveillai plein d'horreur ; une sueur glacée couvrait mon front ; mes dents claquaient ; tous mes membres étaient convulsés. À ce moment, la lumière incertaine et jaunâtre de la lune se glissa à travers la fenêtre fermée. J'aperçus alors le malheureux, le misérable monstre que j'avais créé. Il soulevait le rideau du lit, et ses yeux, s'il est permis de les appeler ainsi, étaient fixés sur moi. Ses mâchoires s'ouvraient et il marmottait des sons inarticulés, tandis qu'une grimace tordait ses joues. Peut-être parla-t-il, mais je ne l'entendis pas ; une de ses mains était tendue et semblait vouloir me retenir, mais je m'échappai, descendis en courant l'escalier. Je cherchai refuge dans la cour de la maison que j'habitais. J'y restai durant toute la nuit, marchant de long en large dans l'agitation la plus grande, écoutant attentivement, guettant et craignant chaque son comme s'il avait été l'annonce de l'approche du démon auquel j'avais si misérablement donné la vie. Source : Shelley (Mary), Frankenstein ou le Prométhée moderne, trad. par Eugène Rocartel et Georges Cuvelier, Paris, Presses-Pocket n° 3252, 1995. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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