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sort peut être naturellement mêlé, et par des actions que nous-mêmes serions peut-être capables de commettre, si bien que nous ne pourrions accuser personne d'injustice envers nous : alors nous nous sentons tout frémissants et nous nous croyons déjà au milieu des supplices de l'enfer.

Publié le 23/10/2012

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sort peut être naturellement mêlé, et par des actions que nous-mêmes serions peut-être capables de commettre, si bien que nous ne pourrions accuser personne d'injustice envers nous : alors nous nous sentons tout frémissants et nous nous croyons déjà au milieu des supplices de l'enfer. Mais ce genre de tragédie est en même temps le plus difficile ; en effet, il faut ici produire l'effet le plus considérable avec les moyens et les mobiles les plus petits, par la seule vertu de l'arrangement et de la composition : voilà pourquoi dans mainte tragédie, et des meilleures, la difficulté se trouve éludée. Il y a pourtant une pièce qui est un modèle achevé de ce genre, bien qu'à d'autres points de vue elle soit bien inférieure à la plupart de celles de son grand auteur : c'est Clavijo, de Goethe. Hamlet, dans une certaine mesure, appartient à ce genre, si l'on ne considère que les rapports du héros avec Laërte et avec Ophélie ; Wallenstein aussi a ce mérite ; Faust est tout à fait du même genre, si l'on ne considère comme action principale que son intrigue avec Marguerite et avec son frère. (Monde, I, 264-66.) 4. LA POÉSIE, LA TRAGÉDIE ET LE SUBLIME Le plaisir que nous prenons à la tragédie se rattache non pas au sentiment du beau, mais au sentiment du sublime, dont il est même le degré le plus élevé. Car, ainsi qu'à la vue d'un tableau sublime de la nature nous nous détournons de l'intérêt de la volonté pour nous comporter comme des intelligences pures, ainsi, au spectacle de la catastrophe tragique, nous nous détournons du vouloir-vivre lui-même. Dans la tragédie, en effet, c'est le côté terrible de la vie qui nous est présenté, c'est la misère de l'humanité, le règne du hasard et de l'erreur, la chute du juste, le triomphe des méchants ; on nous met ainsi sous les yeux le caractère du monde qui heurte directement notre volonté. A cette vue nous nous sentons sollicités à détourner notre volonté de la vie, à ne plus vouloir ni aimer l'existence. Mais par là même nous sommes avertis qu'il reste encore en nous un autre élément dont nous ne pouvons absolument pas avoir une connaissance positive, mais seulement négative, en tant qu'il ne veut plus de la vie. L'accord de septième demande l'accord fondamental, le rouge appelle et produit même à l'oeil la couleur verte ; de même chaque tragédie réclame une existence tout autre, un monde différent, dont nous ne pouvons jamais acquérir qu'une connaissance indirecte, par ce sentiment même qui est provoqué en nous. Au moment de la catastrophe tragique, notre esprit se convainc avec plus de clarté que jamais que la vie est un lourd cauchemar, dont il nous faut nous réveiller. En ce sens l'action de la tragédie est analogue à celle du sublime dynamique, puisqu'elle nous élève aussi au-dessus de la volonté et de ses intérêts, et transforme nos dispositions d'esprit au'point de nous faire prendre plaisir à la vue de ce qui lui répugne le plus. Ce qui donne au tragique, quelle qu'en soit la forme, son élan particulier vers le sublime, c'est la révélation de cette idée que le monde, la vie, sont impuissants à nous procurer aucune satisfaction véritable et sont par suite indignes de notre attachement ; telle est l'essence de l'esprit tragique ; il est donc le chemin de la résignation. (Monde, III, 244-5.) 5. LA POÉSIE, LA PHILOSOPHIE ET LE MAL DES JEUNES Quoique le poète, comme tout artiste, nous présente toujours le particulier, l'individuel, ce qu'il a reconnu et ce qu'il veut nous faire reconnaître à son tour n'est pas moins toujours l'idée platonicienne, le genre tout entier : c'est donc en quelque sorte le type des caractères humains et des situations humaines qui est empreint sur ses tableaux. Le poète narratif ou dramatique extrait de la vie l'individu particulier et nous le dépeint dans son exacte personnalité, mais il nous révèle par là toute l'existence humaine, car, tout en ayant l'air de s'occuper du particulier, il ne songe en réalité qu'à ce qui existe de tout temps et en tout lieu. De là vient que les sentences, surtout celles des poètes dramatiques, même sans être des maximes générales, trouvent fréquemment leur application dans la vie réelle. — La poésie est à la philosophie ce que l'expérience est à la science empirique. L'expérience en effet nous met en rapport avec le phénomène dans le détail et procède par exemples ; la science en embrasse l'ensemble au moyen de concepts généraux. De même la poésie veut nous faire saisir les idées platoniciennes des êtres par le moyen du détail et par des exemples, tandis que la philosophie veut nous apprendre à y reconnaître, dans son ensemble et dans sa généralité, l'essence intime des choses, telle qu'elle s'y exprime. — On voit déjà par là que la poésie porte plutôt le caractère de la jeunesse, la philosophie celui de l'âge mûr. En fait, le don poétique n'est véritablement dans sa fleur que pendant la jeunesse ; la sensibilité à la poésie va souvent même alors jusqu'à la passion ; le jeune homme prend plaisir aux vers pour eux-mêmes et se contente souvent à bon marché. Avec les années ce penchant décroît peu à peu, et dans la vieillesse on préfère la prose. Cette tendance poétique de la jeunesse corrompt facilement en elle le sens de la réalité, car la poésie en diffère parce qu'elle donne à la vie un cours à la fois intéressant et exempt de douleur ; dans la réalité au contraire, sans douleur il n'y a pas d'intérêt, et avec l'intérêt apparaît aussi la douleur. Le jeune homme, initié à la poésie plutôt qu'à la vie, demande alors à la réalité ce que la poésie peut seule lui donner ; telle est la source principale de ce malaise dont les jeunes gens d'une nature supérieure sont accablés. (Monde, III, 238.) G) LA MUSIQUE I. ELLE N'EXPRIME PLUS LES IDÉES MAIS LE VOULOIR-VIVRE LUI-MÊME Nous devons reconnaître dans la musique une signification plus générale et plus profonde, en rapport avec l'essence du monde et notre propre essence : à cet égard, les proportions mathématiques auxquelles on la peut réduire ne sont plus elles-mêmes qu'un symbole, loin d'être la réalité symbolisée. Elle doit avoir, en quelque façon, avec le monde le rapport du représentant au représenté ; de la copie au modèle : l'analogie avec les autres arts nous permet de l'établir, car tous possèdent ce caractère, et leur action est celle même qu'exerce sur nous la musique dans son ensemble ; mais dans cette dernière, cette action est plus forte, plus rapide, plus infaillible et plus nécessaire... Les Idées (au sens platonicien) sont l'objectivation adéquate de la volonté. Le but de tous les arts est d'exciter l'homme à reconnaître les Idées. Ils y arrivent par la repro-

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