Devoir de Philosophie

Storytelling, le Sens en commun par Pablo Altés, Designer numérique

Publié le 01/01/2011

Extrait du document

Dans son livre classique, Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim nous montre que loin d’être une résurgence arriérée, les histoires que réclament les enfants avant d’aller dormir (avant d’aller rêver !) sont la nourriture de l’esprit, les tuteurs auxquels il s’accroche comme une plante grimpante pour bien se développer.

 

L’identification aux héros (et héroïnes) est un mécanisme primordial, inhérent à notre fonctionnement mental. Intuitivement, l’être humain est capable d’empathie et de sympathie, c’est à dire qu’il se reconnaîtra et adhérera à toute histoire humaine qu’il jugera véridique. Par exemple, quand un ami nous raconte ses joies et ses malheurs, on ne peut s’empêcher d’entrer en résonance avec cette personne et de nous mettre à sa place à travers l’imagination. Cet effet est bien connu des avocats de la défense, quand ils cherchent à susciter la compassion des jurés en décrivant dans le détail le cheminement malheureux qui a transformé un enfant de chœur en bandit de grand chemin.

 

Un conte décrit une situation difficile dans laquelle nous pourrions nous trouver et donne un mode d’emploi dont l’on pourrait user pour s’en sortir. En fonction de leur contexte du moment les enfants s’identifient au héros de leur histoire favorite (elle peut changer souvent, c’est d’ailleurs signe de leur évolution) et ils trouvent ainsi des solutions à leurs problèmes, en s’inspirant plus ou moins consciemment de ce qu’ils écoutent.

 

Le fait que l’histoire sorte de la bouche des parents (ou d’un autre membre de la famille) est en soi capital, car il signe l’importance sociale de ce qui est raconté et ainsi le petit cherche à communiquer à son entourage la nature du problème qu’il est en train de vivre. Même avec un DVD, l’enfant insistera pour que l’on s’assoie avec lui pour le regarder. L’émetteur du message n’est dans ce cas-ci pas forcément celui qu’on croit, ou bien serait-il plus juste de dire que chacun est à la fois émetteur et récepteur d’un message.

 

Mais cela ne concerne pas que les enfants. En grandissant, on développe le goût pour des histoires moins linéaires, moins schématiques ; BD, films, séries télé, romans… Même s’il n’y semble pas, les « recettes », les types de personnages et les situations dramatiques sont limitées et l’on écoute, regarde ou lit forcément des variations presque infinies d’une histoire éternellement répétée. Pourtant, loin de s’épuiser, notre goût des histoires grandit en même temps que nous. Pourquoi ?

 

1) Parce que tout au long de notre vie, l’esprit veut continuer à grandir et a besoin d’être guidé, inspiré. Les différences dans la forme ne sont destinées qu’à masquer le caractère permanent  (mais non immobile, car il s’agit d’un phénomène extrêmement dynamique) de l’histoire. Qui se plaint des histoires stéréotypées resservies à foison par Hollywood ? Certainement pas les spectateurs, qui ne se lassent pas des Archétypes qu’elle rend vivants à la manière de marionnettes.

 

2) Parce qu’une bonne histoire parle toujours de moi ! (« Parlons de moi, y’a que ça qui m’intéresse… ») comme je suis vraiment ou comme je m’imagine ou me projette (Hein, moi aussi je pourrais être à la StarAc si je savais chanter…)

 

3) Parce qu’aucune histoire ne parle d’un personnage isolé, mais toujours de comment mieux s’intégrer au monde. C’est pourquoi se crée toujours une communauté autour d’une histoire qui serait perçue comme porteuse d’un sens partagé, que ce soit La Bible ou Harry Potter. Ce groupe, le « Nous » est une sorte de « Moi » élargi à la famille, à l’ensemble social, à tous ceux qui me font sentir être moi quand je suis avec eux. Notre utilité est forcément définie en notion du groupe social, qui crée la notion de Sens de l’existence.

 

Il se trouve aussi que tous ces individus reliés entre eux ont un mode de fonctionnement similaire qui renforce par une répétition subtilement différente (car prenant en compte les particularités de chacun) la notion précédente. C’est ainsi que se crée ce qu’on pourrait nommer le Sens en commun.

 

Il est d’ailleurs notoire que toute acquisition , toute évolution ou tout agrandissement du Sens personnel est toujours tourné vers ce Sens en commun, seul à même de justifier et de légitimer notre individualité.

 

En résumé :

Une histoire, c’est un truc qu’on invente

Une bonne histoire, c’est quand t’y crois

Une super histoire, c’est quand tu vibres en l’écoutant

Une histoire de folie, c’est le dernier truc qui m’est arrivé

La meilleure histoire, c’est le jour où je suis devenu un héros au yeux de tous.

 

En conclusion : Imagination, participation, intégration, valorisation sociale liée à l’utilité des individus dans le groupe égale Sens retrouvé et partagé, Sens en commun.

 

Liens utiles