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Strindberg, Mademoiselle Julie (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Strindberg, Mademoiselle Julie (extrait). Tout le drame de Mademoiselle Julie se joue dans le huis clos qui réunit la jeune comtesse et son valet de chambre, auquel elle s'est insoucieusement donnée le soir de la Saint-Jean. Car Jean attend bien plus de Julie que la reconnaissance privilégiée qu'elle lui a offerte dans un moment d'égarement et l'emmène dans les voies peu nobles du vol et de la trahison. Désormais soumise à sa faute et à son objet, que par honneur elle ne peut effacer, Julie vit dans une haine ténébreuse qui confine au tragique. Mademoiselle Julie d'August Strindberg (extrait) MADEMOISELLE (lui pince le nez) Te réveilleras-tu ! JEAN (rudement) On ne dérange pas quelqu'un qui dort ! MADEMOISELLE (vivement) Quoi ? JEAN Celle qui est restée au fourneau toute la journée, elle peut bien être fatiguée lorsque la nuit vient ! Et le sommeil, il faut le respecter... MADEMOISELLE (change de ton) C'est joliment pensé, cela vous fait honneur... merci ! (Elle tend la main à Jean) Sortons et cueillez-moi un peu de lilas ! JEAN Avec Mademoiselle ? MADEMOISELLE Avec moi ? JEAN Ce n'est pas possible ! Absolument pas ! MADEMOISELLE Je n'arrive pas à saisir vos pensées ! Se pourrait-il que vous vous imaginiez des choses ? JEAN Non, pas moi, mais les gens ! MADEMOISELLE Quoi ? Que je sois verliebt du domestique ? JEAN Je ne suis pas un fat, mais on a vu des exemples... et pour le peuple, rien n'est sacré ! MADEMOISELLE Ma parole ! C'est un aristocrate ! JEAN Oui, je le suis ! MADEMOISELLE Je m'abaisse... JEAN Ne vous abaissez pas, Mademoiselle, écoutez mon conseil ! Personne ne croira que vous vous abaissiez de plein gré, les gens diront toujours que vous tombez ! MADEMOISELLE J'ai une plus haute opinion des gens que vous ! Venez, essayons !... Venez ! (Elle le couve du regard) JEAN Vous savez que vous êtes bizarre ! MADEMOISELLE Peut-être ! Mais vous aussi !... Tout est bizarre, d'ailleurs ! La vie, les hommes, tout est une masse de boue qui dérive, dérive sur l'eau jusqu'à ce qu'elle sombre, sombre ! Je fais un rêve qui revient de temps en temps et que je me rappelle en ce moment... je suis grimpée sur un pilier et je ne vois aucune possibilité de descendre ; j'ai le vertige lorsque je baisse les yeux, mais il faut que je descende, seulement je n'ai pas le courage de me lancer en bas ; je n'arrive pas à me maintenir, et j'ai envie de pouvoir tomber ; mais je ne tombe pas ; et tout de même, je ne connaîtrai pas de calme que je ne sois arrivée en bas ! pas de repos avant d'être parvenue en bas, sur le sol, et si j'arrive sur le sol, je voudrais descendre sous terre... Avez-vous ressenti quelque chose comme cela ? JEAN Non ! Je rêve, d'ordinaire, que je suis étendu sous un arbre élevé, dans une sombre forêt. Je veux monter, monter à la cime et regarder autour de moi le passage lumineux où le soleil brille, dévaliser le nid là-haut où se trouvent les oeufs d'or. Et je grimpe, je grimpe, mais le tronc est tellement épais, tellement lisse, et il y a tellement loin jusqu'à la première branche. Mais je sais que si seulement j'atteignais cette première branche, j'irais à la cime comme par une échelle. Je ne l'ai pas encore atteinte, mais je l'atteindrai, quand même ce ne serait qu'en rêve ! MADEMOISELLE Me voilà à bavarder de rêves avec vous ! Venez donc ! Rien que dans le parc ! (Elle lui offre le bras et ils s'en vont.) JEAN Nous n'avons qu'à dormir sur neuf fleurs de la Saint-Jean cette nuit, nos rêves se réaliseront, Mademoiselle ! (Parvenus à la porte, Mademoiselle et Jean se retournent. Jean porte la main à l'un de ses yeux.) MADEMOISELLE Faites voir ce que vous avez dans l'oeil ! JEAN Oh, ce n'est rien... Un grain de poussière seulement... ça va passer tout de suite. MADEMOISELLE C'est la manche de ma robe qui vous a effleuré ; asseyez-vous, je vais vous soigner ! (Le prend par le bras et l'assoit ; lui saisit la tête et la renverse ; de la pointe de son mouchoir, elle cherche à enlever le grain de poussière.) Restez tranquille !... (Lui donne une tape sur la main) Eh bien, veut-il obéir !... Ma parole, il tremble, ce grand fort gaillard ! (Lui tâte le biceps) Avec des bras pareils ! JEAN (ton d'avertissement) MADEMOISELLE Julie ! (Kristin s'est réveillée, elle s'en va, ivre de sommeil, vers la droite se coucher) MADEMOISELLE Oui, Monsieur Jean. JEAN Attention ! Je ne suis qu'un homme ! MADEMOISELLE Veut-il rester tranquille !... Voilà ! C'est parti ! Baisez-moi la main et remerciez-moi ! JEAN (se lève) Mademoiselle Julie ! Écoutez-moi !... Kristin est partie se coucher maintenant !... Voulez-vous m'écouter ! MADEMOISELLE Baisez-moi la main d'abord ! Source : Strindberg (August), Mademoiselle Julie, trad. par R. Boyer, Paris, Garnier-Flammarion, 1997. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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« Me voilà à bavarder de rêves avec vous ! Venez donc ! Rien que dans le parc ! (Elle lui offre le bras et ils s’en vont.) JEAN Nous n’avons qu’à dormir sur neuf fleurs de la Saint-Jean cette nuit, nos rêves se réaliseront, Mademoiselle ! (Parvenus à la porte, Mademoiselle et Jean se retournent.

Jean porte la main à l’un de ses yeux.) MADEMOISELLE Faites voir ce que vous avez dans l’œil ! JEAN Oh, ce n’est rien… Un grain de poussière seulement… ça va passer tout de suite. MADEMOISELLE C’est la manche de ma robe qui vous a effleuré ; asseyez-vous, je vais vous soigner ! (Le prend par le bras et l’assoit ; lui saisit la tête et la renverse ; de la pointe de son mouchoir, elle cherche à enlever le grain de poussière.) Restez tranquille !… (Lui donne une tape sur la main) Eh bien, veut-il obéir !… Ma parole, il tremble, ce grand fort gaillard ! (Lui tâte le biceps) Avec des bras pareils ! JEAN (ton d’avertissement) MADEMOISELLE Julie ! (Kristin s’est réveillée, elle s’en va, ivre de sommeil, vers la droite se coucher) MADEMOISELLE Oui, Monsieur Jean. JEAN Attention ! Je ne suis qu’un homme ! MADEMOISELLE Veut-il rester tranquille !… Voilà ! C’est parti ! Baisez-moi la main et remerciez-moi ! JEAN (se lève) Mademoiselle Julie ! Écoutez-moi !… Kristin est partie se coucher maintenant !… Voulez-vous m’écouter ! MADEMOISELLE Baisez-moi la main d’abord ! Source : Strindberg (August), Mademoiselle Julie, trad.

par R.

Boyer, Paris, Garnier-Flammarion, 1997. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

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