Devoir de Philosophie

Tansu Ciller nommée premier ministre

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

14 juin 1993 - Tournant historique, dimanche 13 juin, pour la politique turque :déjouant tous les pronostics, Tansu Ciller a été élue à la tête du Parti de la juste voie (DYP) pour remplacer le président Suleyman Demirel. Mme Ciller a remporté une victoire éclatante sur ses concurrents, le ministre de l'intérieur Ismet Sezgin et le ministre de l'éducation Koksal Toptan, qui ont retiré leur candidature après le premier tour de scrutin, au cours duquel Mme Ciller avait remporté 574 voix contre 320 à M. Sezgin et 212 à M. Toptan. Le second tour n'était dès lors qu'une formalité, qui a confirmé le succès de Mme Ciller. M. Demirel l'a invitée, à se présenter, lundi 14 juin, au palais présidentiel de Cankaya pour lui demander de former un nouveau gouvernement. L'accession d'une femme à la tête du gouvernement turc est un événement. Mais peut-être plus remarquable encore est le fait que cette petite blonde énergique et ambitieuse, cette citadine au visage rond et souriant ait obtenu la direction du parti le plus conservateur de Turquie, un parti qui prend ses racines au fin fond de l'Anatolie rurale. Le désir de modernisation ressenti par ses membres avait été longtemps dissimulé par la loyauté indestructible à M. Demirel, dirigeant incontesté pendant trente ans. Celui-ci avait probablement pressenti la nécessité d'un changement d'image puisqu'il avait introduit Mme Ciller sur la scène politique durant sa campagne électorale en automne 1991. Mais ce sentiment, sous-estimé par les commentateurs politiques, a éclaté au grand jour au cours de ce congrès extraordinaire. La fin d'une époque L'atmosphère était électrique lorsque Mme Ciller est apparue, radieuse dans son traditionnel tailleur blanc, dans la salle des sports surchauffée où près de 1 200 délégués du parti s'étaient réunis pour voter, accompagnés de plusieurs milliers de supporters. En bonne tacticienne - elle semble avoir adopté le style populiste de son maître politique, Suleyman Demirel, - Mme Ciller avait composé son discours avec soin, faisant référence aussi bien à son amour pour la patrie qu'à son respect pour l'islam, sans oublier, au passage, de saluer le président. L'élève semble cependant avoir échappé au contrôle du maître. Bien que M. Demirel ait officiellement maintenu sa neutralité constitutionnelle, la candidature du ministre de l'intérieur, son vieux compagnon de route, qui semblait devoir faire échouer celle de Mme Ciller, avait été interprétée comme une tentative de la part du président de freiner l'ascension de son ancienne protégée. Idéologiquement, Mme Ciller ne se distingue pas radicalement des politiciens de la vieille école. Profondément conservatrice et traditionaliste, elle a cependant des vues très libérales sur l'économie. Son accession à la tête du DYP, qui, jusqu'à présent, représentait la droite rurale, marque la fin d'une époque. La droite urbaine de l'ANAP(Parti de la mère patrie de l'ancien président Turgut Ozal) avait déjà élu à sa tête un jeune dirigeant en la personne de Mesut Yilmaz. Erdal Inonu, du Parti populaire social-démocrate (SHP), a annoncé qu'il entendait quitter la direction de son parti à l'automne. Il pourrait être remplacé par le maire d'Ankara, Murat Karayalçin, qui, lui aussi, représente une nouvelle génération de jeunes politiciens. Tansu Ciller a été choisie parce qu'elle symbolise l'avenir et le modernisme davantage sans doute que pour ses capacités personnelles. En fait, les milieux d'affaires jugent plutôt médiocre sa performance à la tête de l'économie ces vingt derniers mois, et les conflits ont été nombreux avec la bureaucratie et la banque centrale. Sa tâche sera donc difficile, d'autant plus qu'elle devra tenir compte de deux échéances importantes dans l'année à venir : en novembre, le DYP devrait se réunir à nouveau en congrès ordinaire... et pourrait élire un autre dirigeant, s'il l'estime nécessaire, pour faire face à l'autre obstacle, les élections municipales du printemps prochain, qui redessineront la carte politique de la Turquie. NICOLE POPE Le Monde du 15 juin 1993

Liens utiles