Titre

Certains critiques modernes n'hésitent pas à évoquer une nécessaire titrologie, c'est-à-dire une étude minutieuse des titres donnés par les romanciers à leurs oeuvres. On distinguera ainsi deux catégories : les titres synthétiques destinés à exprimer, dans la fulgurance d'une expression condensée, la substance du roman ; les titres énigmatiques, qui déroutent plus qu'ils ne renseignent. Au nombre des premiers on peut compter Madame Bovary. Le titre évoque déjà l'engloutissement de la personnalité d'Emma dans l'anonymat terne que lui propose la société. Le roman relate ainsi le combat désespéré d'Emma pour ne pas être simplement Madame Bovary. Quel destin est celui de la femme qui n'existe que par son mari, un homme dont elle ne se cache pas, en outre, la médiocrité ! Plus ambitieux encore semble le titre attribué par Balzac à l'ensemble de son oeuvre. La Comédie humaine n'est pas seulement un hommage adressé à La Divine comédie de Dante, c'est également un titre qui annonce à quelle conception du monde se réfère le projet romanesque de Balzac : la société est un théâtre où les individus jouent des rôles. On notera, à ce propos, le caractère référentiel de certains titres destinés à établir entre le lecteur et l'auteur une véritable connivence. Les titres énigmatiques recueillent davantage le suffrage des romanciers contemporains. On songera, en particulier, au Nom de la Rose d'Umberto Ecco ou à L'Insoutenable légèreté de l'être de Milan Kundera. La lecture du texte donnera donc la clé de l'énigme et le titre prendra sens après la lecture de l'ouvrage. Il dévoilera même, parfois "après-coup, une signification ignorée, voire insoupçonnée du lecteur.