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Toute oeuvre littéraire est un beau mensonge

Publié le 08/05/2011

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mensonge

Le roman regroupe les récits en prose \"dont l’intérêt est dans la narration d’aventures\" - (Larousse). Ce genre littéraire est connu pour sa complexité et des écrivains français du XIXe siècle ont voulu élargir cette définition.

            Stendhal écrit que « le roman est un miroir que l’on promène le long d’un chemin ».  D'après lui, ce genre littéraire restitue la réalité tout en la déformant ; c'est \"un beau mensonge\" qui suscite divers plaisirs chez le lecteur. Mais la fonction du roman se réduit-elle à satisfaire le goût de ce dernier ou peut-il nous aider à mieux appréhender le réel pour y réfléchir dessus ?

            En premier lieu, nous analyserons en quoi et pourquoi le roman est un \"beau mensonge\". Ensuite, nous remarquerons qu'il peut aussi servir à dépeindre une vérité de manière réaliste. Enfin, nous verrons que le romancier ne se limite pas à la description, il peut aller au delà et apporter une critique constructive.

 

 

            Lorsque Stendhal qualifie le roman de \"mensonge\", il fait certainement référence aux Anciens. Platon et Aristote s'intéressaient à la représentation du réel dans la littérature. Dans le livre X de la République, Platon affirmait que « l'art humain est tout au plus une immitation-miroir, à tous coup dégradante ; copie du réel, qu'il déforme par défaut et non par choix, (…) ce sont des apparences, non des réalités ». Aristote, quant à lui, pensait que l'imitation (ou la mimesis) \"est une tendance naturelle à l’homme » et que nous trouvons dans celle-ci une source de satisfaction : \"les hommes prennent du plaisir aux immitations\" (La Poétique). S'inpirant de ces théories, Stendhal reproche au roman de ne donner qu'une vision altérée (donc mensongère) du réel mais lui reconnait toutefois des qualités esthétiques.

            Le romancier n’hésite pas à façonner un univers comme il l’entend car le roman n'a aucune règle d'écriture. Le lecteur peut alors tomber en admiration face à l'architecture de son oeuvre,  la fluidité de son style, la richesse de ses descriptions, la justesse de son ton. La Fée aux Miettes fait partie de ces romans où l'auteur laisse libre cours à son imagination pour le plus grand plaisir de son lectorat. Charles Nodier, connu pour ses récits fantasmagoriques, nous raconte l'aventure de Michel, un héros somnambule qui traverse un monde hostile et irréel, peuplé de personnages merveilleux comme des sorcières, des fées et des lutins. Ici, Nodier transfigure la réalité. Autre exemple : L’Ecume des Jours, de  Boris Vian. Il s'agit de l’histoire d’amour entre les deux jeunes personnages innocents, Colin et Chloé, racontée avec de nombreuses métaphores, des jeux de mots, des néologismes sujectifs. Ainsi, le romancier peut embellir son oeuvre en travaillant la forme, ce qui suscite en nous un large spectre d'émotions.

            Les drames sont souvent à l’origine de ce pathos car nous éprouvons de la compassion pour des personnages qui souffrent, comme Indiana, une des héroïnes de George Sand. Dans le roman éponyme, le personnage principal se trouve prisonnière d'un triangle amoureux : elle est mariée au vieux colonel Delmare, éprise de Raymond et aimée par Sir Ralph Brown. Dans son oeuvre, Sand attache plus d’importance aux épanchements des personnages qu’à leurs actions. Chateaubriand fait de même dans Atala ; il s'exprime avec exaltation sur l’amour et la mort, la peine et le bonheur. C’est le récit d'une passion tragique où l'héroïne se suicide. Ces deux exemples nous montrent à quel point le roman peut transporter le lecteur dans une dimension fantasmatique et bouleversante, agréable aussi, car libératrice, presque cathartique...

 

            En 1852, Flaubert écrivait : \"Il y a en moi, littérairement parlant, deux bonhommes distincts : un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d'aigles, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de l'idée ; un autre qui creuse et fouille le vrai tant qu'il peut.\" Et si la beauté d'un roman ne résidait pas dans la tranformation du réel mais, au contraire, dans la reproduction fidèle de celui-ci ?

 

 

            C'est du moins ce que semblait avancer Aristote dans sa Poétique : « Des êtres dont l'original fait peine à la vue, nous aimons à en contempler l'image exécutée avec la plus grande exactitude.\" Si certains soutiennent que le roman est un mensonge, d'autres comme les naturalistes, pensaient qu'il devait refléter la vérité de leur époque et de leur société. Dès lors, sa qualité ne dépendait plus de sa capacité à nous évader du réel par l'illusion et le rêve mais, à l'inverse, à nous immerger dedans pour nous pousser à la réflexion. Si Aristote disait que l'homme aime les imitations, il ajoutait qu'il aimait aussi apprendre. Le roman qui relate les scènes de vie avec précision et qui atteint un fort degrès de vraissemblance n'est pas un mensonge, il est une porte qui s'ouvre sur la réalité, intéressante, parfois crue, cruelle et laide.

            Le destin du colonel Chabert, personnage crée par Balzac, est lié d’un bout à l’autre au contexte historique du roman éponyme. Le militaire a participé à la bataille d’Eyleau, en 1807, sous le premier Empire, au service de Napoléon. Dix ans plus tard, il revient à Paris et découvre un tout autre régime politique, la Restauration. Ce livre a nécessité des recherches tout comme les Chouans. L'auteur s'est documenté sur le lieu où devait se passer l'action afin de récolter le plus détails et d'informations pour créer une histoire incrustée dans notre Histoire.

            Le regard lucide des réalistes se portait aussi sur la société, anticipant l'avènement de sciences comme la sociologie ou l'anthropologie. Leur façon de d'écrire et de décrire amenait le lecteur à se reconnaître dans les personnages et les situations tellement les tableaux dépeints leur rappelaient leur propre existence. Dans Madame Bovary, Flaubert raconte l’histoire d’une jeune femme, Emma Rouault, et de sa rencontre avec Charles Bovary. Emma aspirait à une vie exaltante en se mariant lui, qu’elle pensait ambitieux et attentionné. Ces désillusions et sa solitude vont la mener à entretenir des relations avec deux amants, puis à se suicider. Ce roman est truffé de scènes de la vie provinciale, peingnant le quotidien de la petite bourgeoisie normande du milieu du XIXe siècle. Il relate une réalité déprimante, morne et amère d'une femme de son temps.

 

 

            Mais le roman réaliste va bien au delà du rapport et de la simple \"étude\" de cas, il peut distinguer des imperfections, en rechercher les causes et même apporter des solutions pour les corriger pour une nette amélioreration de l'Homme.

 

 

            Dans la Comédie Humaine, Balzac révèle quels sont les mécanismes et les composantes de sa société dans une perspective encyclopédique. Il émet un jugement parfois cynique et désabusé lorsqu’il décrit, par exemple, les conditions de vie du père Goriot. Celui-ci se sacrifie pour ses filles, leur donne tout tandis qu’elles le renient, l’abandonnent dans sa misère. Balzac dénonce un monde superficiel qui a perdu toutes valeurs morales ainsi que l’hypocrisie et l’égoïsme des femmes sous la Restauration, qui sont prêtes à tout pour conserver leur position sociale. A travers cette œuvre, l’écrivain souligne les défaillances de sa société. Sa vision critique nous instruit sur la nature de l'Homme et nous permet de mieux le comprendre en l'abordant sous divers angles. Mais le romancier peut aller encore plus loin et tenter de démontrer pourquoi l'Homme agit ainsi.

            Le Naturalisme a pour ambition d'examiner la société avec un oeil scientifique. C’est par exemple le cas dans le Ventre de Paris, de Zola. L’écrivain raconte l’histoire de Florent, arrêté par erreur au lendemain du coup d’Etat du 2 décembre. Il est envoyé au bagne mais il parvient finalement à s’évader de ce lieu cauchemardesque. Lorsqu’il regagne Paris, pour retrouver son frère Quenu, il découvre les Halles nouvellement construites. Dans cette oeuvre, Zola démontre à quel point le poids du déterminisme social pèse sur les femmes dont l’agressivité et l’hystérie surprennent le lecteur. L'idée d'une hérédité à l'origine de comportements fait son apparition. Il arrive au roman d'éclairer le lecteur sur les causes de l'état de la réalité qu'il décrit. Il arrive même au roman de nous interroger sur de possibles solutions aux problèmes qu'il expose.

            Victor Hugo était un grand idéaliste. Dénoncer les travers d'une société inégalitaire ne lui suffisait pas, il partait de ces constats pour nous dessiner une nouvelle vision de l'Homme. Les Misérables, roman social, il décrit les petites gens et leur pauvreté. Roman romantique, il ne s'interdit pas des moments épiques comme la redemption de Jean Valjean, ancien bagnard qui, au fil de ses rencontres, combat ce qui le rendait mauvais pour s'améliorer. Le roman traduit l'espoir de l'auteur de voir ses rêves devenir réalité ainsi que sa foi en la capacité de l'être humain à progresser.

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