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BIENSÉANCES (les)

Publié le 17/02/2019

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BIENSÉANCES (les). C'est l'un des termes clés de l'esthétique classique. Repris de la notion de décorum, chère à la rhétorique latine (Cicéron, De oratore, III), préparé par les réflexions des cercles humanistes du xvie s. et mis en forme par les « doctes » et surtout par Chapelain dans les années 1630-1640, le concept a une double résonance, morale et rhétorique. Il implique, comme l'écrira encore La Bruyère {Caractères, chapitre xiv, « De quelques usages », 18), que « les belles choses le sont moins hors de leur place ; les bienséances mettent la perfection et la raison met les bienséances ». Ce qui est vrai dans les rapports sociaux et la vie quotidienne (« on n'entend point une gigue à la chapelle, ni dans un sermon des tons de théâtre », La Bruyère, ibid.} l'est dans la vie intellectuelle. Être bienséant, pour un écrivain, c'est non seulement avoir le respect de la décence, c'est d'abord avoir le sentiment que la littérature ne se réduit pas à un jeu de l'esprit. Plus tranquillement, « être dans sa place », c'est être en conformité aux conventions d'un genre, au caractère d'un personnage, aux particularités d'une situation (bienséances « internes » ), aux capacités de compréhension ou à la sensibilité d'un public (bienséances « externes »). Les bienséances sont alors inséparables de la notion de règles ( « tout ce qui est contre les règles du temps, des mœurs, des sentiments, de l'expression est contraire à la bienséance », Rapin, Réflexions sur la poétique d'Aristote, 1674) et jouent un rôle décisif dans l'appréciation du théâtre classique. La notion de bienséance entre ainsi souvent en conflit avec celle de vraisemblance ou de « convenance » : la vérité historique est souvent choquante et le dramaturge se doit de l'adoucir pour respecter les bienséances. Les convenances sont « relatives aux personnages », tandis que les bienséances sont « plus particulièrement relatives aux spectateurs » : alors que les convenances « regardent les usages, les mœurs du temps et du lieu de l'action, les autres regardent l'opinion et les mœurs du pays et du siècle où l'action est représentée » (Marmontel, Éléments de littérature, 1787). Au fond, la notion de bienséance est très proche de celle d'idéologie.

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