CÉNACLES ROMANTIQUES

CÉNACLES ROMANTIQUES. L'histoire du romantisme ne saurait faire l'économie des groupements d'individus qui traversent le mouvement : réunions d'amis, salons littéraires (tel celui de l'Arsenal autour de Nodier), journaux ou revues [le Conservateur littéraire, la Muse française, le Globe, etc.). C'est qu'en dépit des dissensions politiques qui les séparent les romantiques ont dès le départ eu en commun de s'opposer aux classiques, défenseurs de l'institution littéraire (l'Académie, le Théâtre-Français) : il leur a donc fallu d'abord s'imposer comme structure avant de songer à faire carrière individuellement. D'où l'existence de ces foyers où se forme progressivement la nouvelle école, doctrinalement et littérairement, et dont Balzac donne l'image romanesque, de la Rabouilleuse aux Illusions perdues, avec le Cénacle de D'Arthez. La forte personnalité de Victor Hugo a catalysé toute la jeune génération en son salon de la rue Notre-Dame-des-Champs (1827) : à côté des traditions mondaines (danse, musique et petits fours) ou littéraires (on y lit les nouvelles œuvres des futurs maîtres) se développe une véritable mentalité militante que traduisent les récits et les correspondances. De la rive gauche le romantisme naissant gagne les provinces grâce aux « jeunes colonels » que sont Pavie en Anjou, Boulay-Paty en Bretagne, d'autres en Provence ou en Languedoc. Lieu de définition d'une doctrine, le « cénacle de Joseph Delorme » — comme l'a appelé Sainte-Beuve — est aussi l'endroit où se préparent les « campagnes » comme celle à.'Hemani.

Les aînés puisent alors dans le « petit cénacle » de Jehan Duseigneur les troupes (bousingots ou Jeunes-France) qui pourront sans peine assurer la claque dans les grands chahuts romantiques, mêlant ainsi leur refus de l'esthétique classique à leur républicanisme anarchi-sant (Gautier, Nerval, O'Neddy, Borel). Ainsi, le romantisme flamboyant, sans jamais renoncer à être une école littéraire et artistique, distinguait-il déjà entre les généraux et la troupe ; dès le lendemain éJHemani, Hugo allait se porter candidat au titre de maréchal, les généraux commençaient de s'entre-déchirer et les joyeux militants d'hier entamaient leur carrière.