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contre-transfert

Publié le 03/04/2015

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contre-transfert n.m. (angl. Coun-ter-transference; allem. Gegenüber-tragung). Ensemble des réactions affectives conscientes ou inconscien¬ 

 

tes de l'analyste envers son patient, auquel on a historiquement accordé une place importante dans la cure, place qui se trouve aujourd'hui contestée.

Freud, qui analysa longuement dans ses oeuvres la notion de transfert', donne également une place, de façon d'ailleurs beaucoup plus ponctuelle, à un autre phénomène, apparemment symétrique, le « contre-transfert «. Il semble bien cependant que cette place soit essentiellement définie chez lui en termes négatifs. Le contre-transfert constituerait ce qui, du côté de l'ana-lyste, pourrait venir perturber la cure. Dans une cure, écrit-il, «aucun analyste ne va plus loin que ses propres complexes et résistances internes ne le lui permettent« (« Conseils aux méde-cins sur le traitement analytique «, 1912; trad. fr. in la Technique psychana¬lytique, 1953). C'est pourquoi il convient que l'analyste reconnaisse ces complexes et résistances a priori inconscients. À partir de là s'est d'ail-leurs imposé ce qu'on a pu appeler la deuxième règle fondamentale de la psychanalyse, à savoir la nécessité que le futur analyste soit lui-même analysé aussi complètement que possible.

Un auteur, S. Ferenczi, a particulière-ment insisté sur ce point. Ferenczi était très attentif à ce fait que des patients pouvaient ressentir comme pertur¬bants non seulement certains compor¬tements manifestes, mais également certaines dispositions inconscientes de l'analyste à leur égard. Mais Ferenczi ne se contenta pas dès lors de recommander une analyse aussi appro¬fondie que possible de l'analyste. Il en vint à pratiquer une «analyse mutuelle« où l'analyste verbalisait lui-même, en présence de son patient, les associations qui pouvaient lui venir concernant ses propres réactions. Cet aspect de sa technique posa bien sûr des difficultés considérables et fut abandonné.

 

Sans aller jusqu'à cette pratique, de nombreux analystes élaborèrent, notamment dans les années 1950 et 1960, une théorie articulée du contre-transfert. On peut citer en particulier les noms de P. Heimann, M. Little, A. Reich et L. Tower (qui sont toutes des analystes femmes). Sans trop s'at¬tarder sur ce qui distingue leur approche, on peut noter que ces ana¬lystes ne réduisent pas le contre-trans¬fert à un phénomène qui viendrait contrarier le travail analytique. À sa façon, il constituerait aussi un instru¬ment venant favoriser celui-ci, à condi¬tion du moins que l'analyste y soit attentif. Ainsi, pour Paula Heimann, « la réponse émotionnelle immédiate de l'analyste est un signe de son approche des processus inconscients du patient [...) «. Prise comme telle, «elle aide l'analyste à focaliser son attention sur les éléments les plus urgents des asso-ciations du patient [...] «; à la limite, elle lui permet d'anticiper sur le déroule-ment de la cure. Il arriverait ainsi que tel rêve de l'analyste aide à mettre en lumière des éléments non encore visibles dans le discours du patient.

Que penser aujourd'hui de ce ques-tionnement sur le contre-transfert? S'il est loin d'avoir disparu, on peut relever que Lacan et ses élèves l'ont remis en question.

Lacan ne nie pas que l'analyste puisse avoir lui-même quelque senti-ment à l'égard de son patient et qu'il puisse, en s'interrogeant sur ce qui le provoque, s'y repérer un peu mieux dans la cure. Mais le problème que pose la théorie du contre-transfert, c'est celui de la symétrie qu'elle établit entre analyste et patient, comme si tous deux étaient également engagés comme personnes, comme ego dans le déroulement de la psychanalyse.

Il faut, sur ce point, revenir au trans-fert lui-même. Certes, il s'établit sur divers plans et on ne peut nier que l'analysant perçoive à l'occasion la rela¬ 

 

tion avec son analyste comme symé-trique, en lui supposant par exemple un amour semblable au sien ou encore en vivant la situation dans la dimen¬sion de la compétition, de la rivalité. Mais le transfert est fondamentale¬ment adressé à un Autre au-delà de l'analyste, et c'est dans cette adresse qu'une vérité peut se faire jour. Parfois, cependant, le sujet s'approchant plus près de ce qui a pour lui valeur de conflit pathogène, une résistance se manifeste, les associations lui font défaut et, dès lors, il transpose sur la personne de l'analyste les motions tendres ou agressives qu'il ne peut ver-baliser. C'est à ce niveau particulière-ment que le transfert prend une dimension imaginaire. L'analyste cependant n'a pas à la renforcer, ce qu'il ferait s'il se représentait la relation ana¬lytique comme une relation interper¬sonnelle, relation où transfert et contre-transfert se répondraient en écho l'un de l'autre.

Si le terme de contre-transfert, finale-ment, n'est pas pertinent, c'est que l'analyste, dans le dispositif de la cure, n'est pas un sujet. Il fait plutôt fonction d'objet, cet objet fondamentalement perdu, cet objet que Lacan appelle objet a. Dès lors, la question n'est pas de savoir ce que, comme sujet, il éprouve, mais de situer ce que, comme analyste, il peut — ou doit — désirer: question éthique, on le voit, plutôt que psychologique. Sur ce point, Lacan indique notamment que le désir de l'analyste en tant que tel va dans le sens contraire à celui de l'idéalisation et qu'il révèle que l'étoffe du sujet est constituée par l'objet a et non par cette image idéalisée de lui-même où il pou-vait se complaire. On voit combien cette problématique, qui représente l'analyse à partir de sa fin, s'éloigne de celle du contre-transfert, qui englue souvent la cure dans des schémas répé-titifs dont il est parfois très difficile de se sortir.

 

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