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Dolto (Françoise)

Publié le 03/04/2015

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Dolto (Françoise) . Psychiatre et psychanalyste française (Paris 1908 ­id. 1988).

Dès sa thèse, F. Dolto résume, sous le titre Psychanalyse et pédiatrie, à la fois la théorie de S. Freud et les applications qu'elle en conçoit. Dans le même temps, elle mène son analyse avec R. Laforgue. Elle s'est senti depuis l'en­fance une vocation: devenir «médecin d'éducation «, et avait entrepris pour cela, malgré sa famille, des études de médecine qui lui permirent d'entrer dans la carrière en juillet 1939. Dès l'année 1938, à la demande de Heuyer, elle prépare l'internat des asiles. Elle rencontre J. Lacan à Sainte-Anne où lui-même donne déjà à cette époque un enseignement. Cette rencontre se révé­lera importante, créant entre eux des liens d'amitié.

Dans le domaine de l'enfance, qu'elle choisit, elle défriche alors un territoire qu'elle féconde de sa person­nalité. Accordant, tout comme Lafor­gue, à qui elle se réfère, beaucoup d'importance à la « méthode «, elle va peu à peu forger la sienne à partir d'une générosité et d'une confiance inébran‑

lables envers les enfants. Elle y allie une intuition magistrale en même temps, diront ses pairs, qu'une connaissance instinctive de l'enfance. Toute son oeuvre est consacrée à ce qu'elle appelle la Cause des enfants, titre de l'une de ses dernières publications. Initialement, son but était de venir en aide aux parents et aux éducateurs dans leur tâche. Elle pensait alors que, de la compréhension et d'une aide éclairée portée aux adultes, découlerait tout naturellement le mieux-être de l'en­fant. Avec énergie et courage, alliés à un grand sens de la communication, elle devient une personnalité médiatique que des émissions de radio consacre­ront. Faisant alors école, elle prodigue dans ses séminaires un enseignement qui suscite parfois l'enthousiasme.

Elle décide d'entrer dans I'« École freudienne« que Lacan vient de fonder, mais elle ne se sent pas liée à sa doc­trine. Elle utilise les concepts freudiens et lacaniens et forge elle-même quel­ques nouveaux concepts. On peut résumer ainsi l'oeuvre et la recherche de Françoise Dolto comme la tentative, par un bon maternage, de faire que l'enfant soit bien situé dans son sché­ma corporel et son image de corps, et cela par l'effet de ce qu'elle nomme «les castrations syrnboligènes Cel­les-ci sont à entendre comme les marques qui viendraient sanctionner la fin d'un stade du développement, les sublimations qui en découlent et le passage au stade suivant. Selon elle, l'aimance se définit comme spécifiant le fait qu'une mère est tout entière, dans sa personne, dans sa présence, par les soins qu'elle donne, un «objet d'aimance «. Au premier stade de la vie, le stade oral, qu'elle va appeler buccal, l'avoir et l'être sont ensemble confon­dus en raison de la place de carrefour de cette période puisque s'y rencontrent et s'y croisent les facultés «aéro-diges-tives «, englobant la préhension à la fois labiale, dentaire, gustative, de dégluti­

tion, l'émission des sons ainsi que l'as­piration et l'expiration de l'air.

C'est le moment du développement d'un sujet où se met en place, estime-t-elle, le modèle de sa future relation à autrui pour toute sa vie. Celle-ci prend ainsi sa source dans le plaisir et l'action conjoints de l'acte de porter à la bouche quelque chose d'agréable et d'en res­sentir du plaisir ; cela dans l'atmo­sphère d'aimance qui caractérise une bonne relation maternelle. De cette conjoncture naîtra le futur comporte­ment relationnel.

De même, au stade anal, la libido n'investit pas seulement les orifices du corps, mais également tout l'intérieur de l'être, où elle se diffuse, allant à la rencontre de la libido orale. Ce stade promeut un érotisme narcissisant de par le plaisir autoérotique de maîtrise qui y est afférent; toutefois, il peut déboucher sur le masochisme s'il est trop axé sur la rétention.

La nécessité des castrations symboli-gènes découle tout à fait de cette approche. La mère se doit alors de don­ner des castrations à l'enfant, castra­tions appelées par elle «castrations humanisantes« en ce qu'elles ont pour but, au stade oral, de couper l'enfant du corps à corps avec la mère et, au stade anal, de couper le corps à corps tuté­laire, celui qui tenait jusqu'ici en tutelle l'enfant au niveau de son autonomie corporelle. Dans le premier cas, la cas­tration orale va permettre l'accès au langage; dans le second, d'atteindre à l'autonomie corporelle par une renon­ciation, celle de manipuler en commun avec sa mère les selles, son corps, etc. Pour que la castration soit réussie à ce second stade, il faut, pense-t-elle, que la coupure d'avec l'oralité se soit bien passée. Cette seconde castration, outre l'autonomie corporelle, accorde au sujet l'advenue possible d'une relation vivante avec le père à la place laissée libre par la mère. La castration oedi­pienne, qui ferait suite aux deux pré‑

cédentes, porte tout spécifiquement alors sur l'interdit de l'inceste et aussi sur l'ensemble des séductions ou rela­tions sexuelles avec les adultes. Elle doit également couper court à toutes les roueries adressées au parent de l'autre sexe ou à l'adulte rival homo­sexuel.

Françoise Dolto, dans cette optique, part de la première castration, la castra­tion ombilicale, celle qui signe la nais­sance d'un être et qui est le prototype de toutes les autres. Il semble impor­tant de repérer que sa théorie repose donc non sur une castration symbo­lique issue de la loi dont le père est le représentant, mais sur l'idée de stades du développement ayant à chaque fois à être dépassés par un don; don d'une coupure d'avec la mère, devenant ainsi symboligène.

De même, sa conception du narcis­sisme repose principalement sur ce qu'elle définit comme l'euphorie d'une bonne santé, croisé à la relation subtile langagière originée par la mère et entre­tenue par elle; ce qu'elle symbolise comme «moi-maman-le monde «. L'enfant prendrait conscience de son corps, de son être et créerait son image à partir du discours que lui tient sa mère au moment où elle satisfait à ses besoins, créant ainsi des zones dites « érotiques « parce qu'entrées en com­munication avec le langage de la mère, sous condition toutefois qu'il ne reçoive nul contact de l'objet lui-même. Les mots qui médiatisent ou interdisent la jouissance du sein, par exemple, permettent, dit-elle, à la bouche et à la langue de reprendre leur valeur de désir, car la mutation, au niveau du désir, se fait par la parole. Il faut bien comprendre que la formula­tion théorique de Françoise Dolto, elle-même le répète constamment, est construite sur l'idée d'un maternage réussi et est issue d'une observation, estimée concise et minutieuse du vécu sensitif et symbolique à la fois, du

nourrisson aux premiers temps de sa vie. Elle en déduit le concept de «pat­tern«, conduite issue du désir confon­du avec «la satisfaction de vivre et d'aimer«. Enfin, les lieux qui lient le nourrisson à sa mère, associés à son odeur à elle, feront qu'il éprouvera ces lieux mêmes comme zone érogène. Cet ensemble de moments vécus est comparé à un nirvana fait de la pré­sence maternelle et de la sécurité nichée dans son giron. Ce nirvana sera donc toujours recherché chaque fois que se produiront des tensions liées au désir ou au besoin.

Sécurité, narcissisme, image de soi sont fondés sur un «bon maternage« où l'enfant tout entier dans sa préper-sonne « en cours de structuration devient lui-même lieu relationnel, lieu de ce lien interrompu puis retrouvé.

Ainsi comprises, les castrations vont permettre la symbolisation et contri­buer à modeler l'image du corps au cours de ce qu'elle appelle I'« histoire de ses réélaborations successives «. Ainsi, elle est édifiée sur le rapport du corps au langage et sur le rapport langa­gier à autrui. Elle devient le pont, le moyen de la communication interhu-maine. Si, dit-elle, il n'y a pas eu de paroles, l'image du corps ne structure pas le symbolisme d'un sujet, elle fait de celui-ci un «débile idéatif rela­tionnel«. Le schéma corporel est à concevoir comme l'outil, le corps, le médiateur organisé par le sujet et le monde. Il est, en principe, le même pour tous les individus, il spécifie l'in­dividu en tant que représentant de l'espèce ; il est l'interprète de l'image du corps. Leur ensemble, accordé au vécu langagier, forme l'unité narcissique de l'être.

La place du père est peu évoquée dans cette formulation, davantage axée sur l'image de base qui découle de la relation mère-enfant. La notion de désir n'en est cependant pas absente, mais elle est recouverte par la notion de

plaisir en tant que plaisir partiel refusé par la médiation maternelle. En 1988, Françoise Dolto précisera, dans son autobiographie, sa pensée en parlant de son rapport à sa foi et à Dieu: «Je n'aurais pas pu envisager d'être psychanalyste si je n'avais pas été croyante.«

Doit-on intégrer cette affirmation à son corpus théorique ? Freud lui eût-il donné son aval?

 

Françoise Dolto a notamment écrit Psychanalyse et pédiatrie (1938), le Cas Dominique (1971), où elle expose sa technique à propos d'un adolescent apragmatique, l'Evangile au risque de la psychanalyse (1977), Au jeu du désir (1981).

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